Interviewer : Arno
Interviewé : Clément Flandrois (Guitares, Chant)
Clément, membre fondateur de Hyrgal, valeur montante du black metal hexagonal signée chez Les Acteurs de l’Ombre, a bien voulu réponde à mes questions.
Arno : Bonjour à vous et merci d’avoir accepté de répondre à ces quelques questions. Avant de m’intéresser au présent et à Hyrgal, pouvez-vous nous relater comment vous en êtes venus à faire de la musique ensemble ? J’ai lu que F.C. et A.C. avaient joué ensemble dans Pillars (sludge doom) et que F.C. et N.M. ont eu tous les deux une activité chez Svart Crown (black death metal). Du coup, est-ce toi, Clément, le dénominateur commun de Hyrgal ?
Clément : Salutations Arno.
On pourrait effectivement dire que je suis le dénominateur commun pour Hyrgal. Nicolas Muller et moi sommes amis depuis longtemps via notre collaboration pour Svart Crown, j’avais besoin d’un batteur pour le concert du Hellfest en 2019 et, pour le nouvel album, je lui ai donc proposé et il accepté.
Alexis Chiambretto est devenu l’un de mes amis il y a quelques années. Il avait effectivement fait un remplacement dans Pillars pour quelques live. Même situation que pour Nicolas, j’avais besoin de quelqu’un pour le Hellfest et pour l’album, je lui ai proposé le poste et maintenant il fait partie du groupe à temps plein.
Arno : Parmi les nombreux groupes où vous êtes passés, on trouve les genres doom, crust, sludge, drone, ou encore du black plus ou moins mélodique (Otargos ou l’excellent mais défunt Artefact pour ne pas les citer). Ma première question relative à cette hétérogénéité est donc la suivante : vous vous êtes retrouvés à pratiquer autant de styles différents de par les affinités et les rencontres ou vous vous sentiriez « frustrés » d’être cantonnés à jouer toujours la même chose ? Ou peut-être est-ce encore une toute autre raison ?
Clément : Je ne vais pas parler à leur place mais pour ma part je suis un amateur de beaucoup de styles musicaux. Ma vie tourne autour de ce médium et j’axe mon développement autour de la pratique et de l’expérimentation. Pour moi il est donc naturel d’aller explorer différents univers ou différentes manières de faire de la musique. Les rencontres font aussi partie de tout ça mais, pour Hyrgal par exemple, c’est différent étant donné que je suis le seul maître à bord.
Arno : Qu’est-ce qui vous a réuni au sein de Hyrgal ? Quelles étaient vos motivations premières à monter un groupe ensemble ?
Clément : J’ai fondé Hyrgal en 2007 lorsque je résidais sur Bordeaux, je l’ai mis en stand by pour me concentrer sur Svart Crown de 2008 à 2016. Lorsque j’ai décidé de remettre Hyrgal sur les rails, j’ai contacté des musiciens avec qui j’avais envie de collaborer. Le groupe a subi quelques changements de line up depuis sa reformation et j’essaie de stabiliser la situation du mieux que je peux. Etant donné que je gère le groupe à tout les niveaux, il est parfois difficile pour certains musiciens de s’adapter ou de travailler avec moi.
Arno : Concernant le style musical dans lequel Hyrgal s’inscrit, c’était une volonté initiale de jouer du black metal ou vous êtes-vous laissés porter par vos influences respectives, le mélange de vos passifs aboutissant à ce résultat ?
Clément : C’est un mélange de tout ça. J’ai toujours eu envie de composer, de jouer de la musique extrême et le black metal faisant partie de mon quotidien depuis ma jeunesse, il était logique que je finisse par en jouer.
Arno : J’aime assez la formule « trio » car je lui trouve souvent un aspect charismatique, notamment sur scène. Cependant, les groupes œuvrant dans ce format là ont quand même souvent tendance à gonfler la production de leurs albums et à faire comme s’il y avait au moins deux guitaristes. Or, je ne retrouve pas cet écueil dans vos deux albums Serpentine et Fin de règne. Comment gérez-vous l’équilibre entre la volonté d’aller au bout de vos idées, ce qui pourrait nécessiter d’accumuler les pistes, et le souci d’authenticité, sachant qu’il faut ensuite être en mesure de retranscrire sur scène ce qui a été enregistré ?
Clément : C’est assez compliqué à gérer justement. Hyrgal en forme trio c’était en 2007, lors de la démo. Maintenant nous sommes trois guitaristes, un bassiste et un batteur lorsque nous nous produisons sur scène. Hyrgal fait très peu de concerts de toute façon et j’attends d’avoir le groupe le plus solide possible avant de faire plus de show. L’équilibrage, surtout des guitares, demande beaucoup de travail avec un ingé son, en répétition, en résidence etc.
Arno : Hyrgal existe officiellement depuis 2008 du fait d’un split avec Kair mais votre premier album Serpentine est sorti en 2017. Pourquoi une telle attente ? Vos autres groupes vous prenez trop de temps ? D’ailleurs, je n’ai pas réussi à savoir si ce sont les musiciens actuels qui étaient déjà présents en 2008…
Clément : Alors non ce ne sont plus les mêmes musiciens qu’en 2008, ce ne sont même plus les musiciens de Serpentine ni du split. Effectivement, à l’époque, j’ai mis le groupe en stand by car je voulais vraiment me concentrer sur Svart Crown. Nous avions beaucoup de travail, de répétitions et de concerts donc pour faire les choses bien, j’ai pris cette décision. Cela m’a permis d’acquérir beaucoup d’expériences et donc de la mettre à profit pour Hyrgal.
Arno : Je vais à présent m’intéresser de plus près à votre dernier album en date, sorti en décembre dernier : Fin de règne. Et avant de parler musique, je souhaiterais évoquer l’artwork, qui est sublime. Quel artiste en est l’auteur et quelle fut votre contribution dans son élaboration ? Quelle importance accordez-vous au packaging sachant que l’on n’est de plus en plus dans l’achat digital (et ce même si le metal reste une scène très attachée au bel objet) ?
Clément : Pour l’artwork, c’est « Le Chien Noir » qui s’est chargé de tout les dessins et de la chartre graphique. Alexis Chiambretto s’est occupé de certaines illustrations et « Guibz Art » s’est chargé du layout et de sa conception. Nous étions tous en étroite collaboration pour l’élaboration de l’artwork et ce fut un réel plaisir de travailler avec eux. Personnellement, oui je suis très attaché à l’objet, que ce soit vinyle, cd ou cassette.
Arno : Musicalement, avez-vous eu des influences particulières pour ce nouvel album ou est-ce que vous avez toujours les mêmes, sans que cela impacte de trop votre écriture ?
Clément : Je pense que mon écriture est impactée à 100% par mes influences musicales justement. Après j’essaie de composer quelque chose qui me ressemble, que j’ai envie d’écouter et de travailler en profondeur. J’ai toujours de vieilles influences qui rodent mais je ne me pose pas trop de questions au final et je fais ce que j’ai envie de faire à l’instant T.
Arno : J’ai trouvé qu’il y avait eu une très forte évolution entre vos deux albums. Il y a certes la production qui est aujourd’hui plus moderne, ou massive, mais également dans la structure même des titres, plus axés sur le riff que sur l’atmosphère. Quelle est votre vision concernant votre propre maturation entre ces deux disques, Serpentine et Fin de règne ? Quels ont été les changements majeurs selon vous ?
Clément : Tu as raison concernant l’approche plus axée sur le riffing. C’est un disque plus direct, plus véhément. Fin de Règne est très colérique sur bien des points et diffère complètement de Serpentine. II y a la même base, les mêmes racines sur ces deux disques mais ils sont différents sur le plan technique et spirituel. Je pense aussi que les trois années qui les séparent ont eu une influence notable pour Fin de Règne.
Arno : Vous qui êtes depuis longtemps dans le milieu extrême, comment voyez-vous l’évolution de la scène française. J’ai tendance à considérer que l’on possède l’un des meilleurs viviers d’Europe, tant en termes de variété des styles pratiqués que de qualité purement musicale. Quel regard portez-vous sur vos confrères et y a-t-il des formations que vous respectez / admirez particulièrement ?
Clément : Nous avons effectivement une superbe scène. D’excellents groupes ont fait leurs preuves depuis longtemps et beaucoup de jeunes formations sont très prometteuses. Après je ne porte pas de jugement sur mes confrères comme tu dis et je garde pour moi mon avis qui parfois ne fait pas l’unanimité. Certaines formations me parlent plus que d’autres comme Deathspell Omega, Overmars, Blut aus Nord, Nehemah entre autres.
Arno : Vous rédigez vos textes en français, on sait que c’est une langue qui est dure à faire sonner. Est-ce que vous travaillez les textes d’une façon particulière pour qu’ils sonnent phoniquement aussi bien ? Et également, y a-t-il des auteurs (écrivains comme musiciens) dont le style littéraire vous inspire lorsqu’il s’agit de rédiger les paroles ? Ou encore demandé autrement, d’où vous vient votre inspiration ?
Clément : Je n’ai pas forcément d’influences littéraires, je ne suis pas un gros lecteur; quelques classiques mais ça s’arrête là. Donc pour l’écriture j’essaie juste de mettre ce que j’ai sur le cœur, parfois à l’aide de métaphores parfois de manière plus directe. J’ai un certain cadre que je me suis fixé depuis que j’écris des textes afin de ne pas trop m’éparpiller, une ligne directrice qui m’aide à avancer. Généralement la musique est déjà à un stade bien avancé lorsque je me mets à écrire les textes, donc j’essaie d’adapter au mieux les paroles à la musique ce qui est parfois complexe en français.
Arno : Un mot sur Les Acteurs De L’Ombre, dont on sait le goût sûr : par quel biais les avez-vous rencontrés et comment en êtes-vous arrivés à signer chez eux. Aviez-vous d’autre propositions à étudier, d’autres tentations ?
Clément : Je connais Gérald depuis longtemps, nous nous sommes rencontrés via Svart Crown à plusieurs reprises, c’est un ami de longue date. Lorsque je cherchais une structure pour sortir Serpentine, Gérald ne pouvait pas sortir le disque pour plein de raisons, donc nous l’avons sortie chez Naturmacht Productions. Quelques mois plus tard nous avons reparlé de ça et nous en sommes venus à collaborer pour la sortie vinyle de Serpentine. Depuis, nous somme chez Les Acteurs De L’Ombre et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Arno : Actualité oblige, c’est quoi le quotidien d’un musicien en ce moment et en l’absence de concerts et donc de la possibilité de promouvoir pleinement ses productions ? Vous vous en sortez comment ? Covid-19 et black metal font-ils bon ménage ?
Clément : C’est sûr que c’est une situation très complexe et nous sommes dans un beau merdier mais j’essaie de profiter de ce moment de cloisonnement pour me recentrer sur des choses qui me paraissent essentielles. Je vis dans une maison assez reculée en montagne donc je ne suis pas trop impacté par la Covid-19 et ses effets néfastes. Je prends mon mal en patience et travaille sur différents projets. Au final, c’est une situation qui ne me change pas trop de mon quotidien, j’attends juste de pouvoir repartir sur la route avec mes projets.
Arno : Je terminerai par cette dernière question : de quoi votre futur est-il fait ? Quels sont vos projets, notamment en termes de sorties discographiques ? Peut-on s’attendre à de nouveaux splits comme celui réalisé avec Bâ’a et Verfallen ?
Clément : Le futur est fait de musique pour le moment, de composition, de création, de remise en question et de développement personnel, c’est déjà un bon programme. Pas de split en prévision. Je travaille sur le prochain album et aussi sur d’autres projets qui devraient voir le jour en 2022 si tout se passe pour le mieux.
Arno : Je vous remercie pour toutes vos réponses et vous laisse carte blanche pour le mot de la fin…
Clément : Merci à toi pour cet échange et merci aux lecteurs de Soil Chronicles. Bonne continuation à tous et à très bientôt.
Laissez un commentaire