L’esprit de SONORasso, association musicale alternative et passionnée, nous a plu. Il n’a pas fallu longtemps avant d’engager un partenariat avec eux, dans le but de promouvoir le mieux possible les petites assos et groupes du milieu underground. L’origine de Soil Chronicles étant d’être dans cette philosophie, quoi de plus naturel que de s’associer ! C’est dans ce contexte qu’une (longue) interview de Benoit (fondateur de l’asso) a été réalisée, afin de mieux connaitre les engagements et la façon de penser de SONORasso.
Bonjour. Peux-tu tout d’abord te présenter ? Qui es tu, que fais tu dans la vie, ton rôle dans l’asso…
Salut, je m’appelle Benoît, je suis graphiste, musicien, secrétaire général et fondateur de Sonorasso avec Jean-Joël (président de l’association).
Je suis chargé de tout l’aspect communication visuel, et comme tous les membres du bureau je suis aussi chargé de la programmation, de l’organisation et de la gestion des concerts.
Il était une fois…SONORasso. Je te laisse raconter la suite de l’histoire !
L’association est née de deux idées. La première était de pouvoir récupérer l’argent qui nous était dû en tant qu’artistes, lors des concerts, car les grosses structures refusaient de nous payer si nous n’avions pas de compte bancaire professionnel. La deuxième idée était d’organiser des concerts pour mon groupe, Brainwash, car malheureusement personne ne voulait nous faire jouer.
Au départ, nous avons commencé en organisant des petits concerts à l’arrache, en demandant des coups de mains par-ci par-là à nos amis les plus proches, et qui comme par hasard faisaient eux aussi de la musique dans des petits groupes. Du coup, on s’est mis à faire ça de plus en plus, afin de pouvoir jouer et de permettre à nos amis de jouer aussi, et que l’on puisse tous profiter d’un compte associatif. A la base nous sommes tous des amis du collège et du lycée, d’où l’idée de créer un collectif réunissant tous nos groupes. Avec le temps, ce petit collectif, est devenu officiellement une association, et s’est perfectionné dans l’organisation de spectacles. Au commencement nous n’étions que deux (Jean-Joël et moi), aujourd’hui nous sommes plus d’une vingtaine.
Quelles sont les valeurs fondamentales de SONORasso, ce qui la fait vivre, ce qui motive sa croisade (si on peut parler de croisade) ?
Nos valeurs fondamentales sont la tolérance et l’ouverture d’esprit. La conviction que tout n’est pas déjà fait et que la liberté d’expression doit pouvoir être utilisée à son paroxysme. Les courants musicaux n’ont jamais été aussi nombreux. La nécessité de mettre en cause un système ou des façons de penser ne s’est jamais autant fait sentir. Mais nous sommes aussi des gens simples qui voulons à la fois passer du bon temps, et le partager avec qui voudra. Aujourd’hui encore nous continuons d’organiser des concerts pour nos groupes, mais il nous arrive aussi d’en organiser pour des groupes qui, selon nous, le méritent tout autant. Nous produisons des artistes qui ont des choses à dire, qui ont des projets intéressants à montrer. Notre idée est d’essayer de montrer aux gens ce qu’ils pourraient aimer, et pas forcément toujours ce qu’ils aiment.
Comment sont choisis les groupes qui font parti de l’association ? Y’a t’il des épreuves insurmontables à surmonter ?
Au départ il n’y avait que les groupes de notre cercle d’amis (amis très proche datant du collège et du lycée), Brainwash, Koloskopia, Royal Bukkake, Camera Mix, Sohane, et Minotaure. Puis à force de concerts, nous avons rencontré des gens tout autant motivés que nous, qui voulaient aussi faire bouger les choses, et avec qui nous nous entendions très bien. Du coup ils ont rejoint l’asso (Paper Plane Pilots, Anal Malox, We Are Jupiter, Rtsf, ainsi même que des personnes isolés, qui ne font pas de musique : des photographes, des vidéastes, et autres types d’artistes).
A l’heure actuelle pour rejoindre l’association, en ce qui concerne les artistes, il faut que les membres du bureau votent favorablement. Disons que les réelles conditions sont d’avoir quelque chose à défendre, à faire partager, et être sympa.
Sur le myspace, il est écrit : « Collectif des groupes qu’on ne veut pas entendre ». Qui a écrit ça ? Et pourquoi on ne veut pas les entendre ? Supposes tu qu’à l’heure actuelle dans la scène rock et métal il y a à la fois du favoritisme et des « brebis galeuses » ?
Cette phrase émane de l’idée originelle, du projet de départ concernant l’association. C’est l’idée centrale de notre travail. Elle symbolise notre engagement face au monde de la création, et de la création artistique, et précisément la création musicale. Cet engagement, c’est celui de mettre en œuvre des moyens humains, techniques et financiers au service de personnes qui font preuve de bonne volonté et souhaitent se faire connaître, faire connaître leur travail. Le sens de cet engagement provient de notre expérience personnelle, parce que nous avons été nous-mêmes confronté à des problèmes tels que ne pas savoir à qui s’adresser pour faire un concert, enregistrer une démo ou même rencontrer d’autres artistes. Et nous considérons que ce n’est pas une question de talent ou autre chose, comme ce que semble dire le discours dominant, mais bien une question de choix. C’est-à-dire que le monde de la musique et ceux de l’art nous semblent fermés et conformistes, difficiles à intégrer avec un projet original. Tant d’artistes que nous avons trouvé très bons se sont résignés à exercer leur art parce qu’ils n’ont pas été pris au sérieux, parce qu’ils ne rentraient pas dans les cases (ce qui ne les empêchait pas d’être très bon). Ces artistes, nous les avons souvent rencontrés. C’est pour leur donner la possibilité d’être entendu, de porter leur message et de renouveler un peu les genres que nous nous engageons dans cette voie. Parler de « brebis galeuses » n’est pas si pertinent. Pour être une brebis, encore faut-il que les membres de la communauté aient conscience de l’existence du groupe. Or, pour beaucoup, ce n’est pas le cas. Il ne s’agit pas de favoritisme, selon nous, mais de conformisme, ce qui est bien plus dévastateur puisque sous prétexte de goûts et d’affinités, des personnes qui ont les moyens de faire jouer ou non des artistes censurent ceux qui leur paraissent les moins conformes à ce que le public pourrait souhaiter entendre. Ce qui reste hypothétique, au final. Il y a non seulement un public pour tout mais de plus, le public est beaucoup plus ouvert et curieux qu’on ne le croit.
Penses tu qu’actuellement avec la crise dans le monde de la musique la création de collectifs rassemblant plusieurs groupes est un bon moyen de sauvegarder une culture musicale underground ?
Nous ne le voyons définitivement pas comme une solution, mais comme un moyen. Si je regarde le parcours d’un collectif comme la nowhere, puisque je préfère parler de ce que je connais, je me dis que l’objectif a été atteint. Il a permis à des artistes aux affinités proches de se rencontrer et d’être plus forts tous ensembles. Le collectif est une base, il signifie que nous sommes plusieurs groupes de musique, plusieurs graphistes, vidéastes ou encore performeurs et que nous avons une idée commune qui nous réunit. Ça ne fait pas de nous des parias ou des défenseurs de la culture underground. Au contraire, ça signifie que nous voulons investir les scènes, quelles qu’elles soient, que nous ne nous restreindrons pas aux petites, comme nous l’avons d’ailleurs prouvé en investissant des lieux très pro, comme le Case ô arts de Saint Cyr ou encore la Salamandre de Chaville. Ça signifie que nous avons passé le cap de l’anonymat et que nous continuerons dans cette voie, que nous allons nous tourner vers la production, et que nous faisons tout pour ne pas nous cantonner à des publics ponctuels ou sectaires. Je crois que c’est d’une importance capitale de préciser combien notre objectif ne se résume pas à quelque chose d’underground. De la même manière que tous ces grands groupes et artistes que nous avons admiré, nous souhaitons pouvoir vivre de ce qui nous fait lever le matin. D’autres qui semblent moins motivés, compétents ou simplement inspirés y arrivent bien. Je pense qu’il ne faut pas laisser le renouvellement musical et artistique aux majors ou aux chaînes de télévision les plus infectes.
Revenons à SONORasso. Vous avez l’air de miser beaucoup sur l’image, et notamment sur les affiches qui font la promotion des concerts et festivals que vous organisez. Le graphisme étant toujours le même, je me posais quelques questions (normal en même temps pour une intervieweuse) : pourquoi ce graphisme ? Qui est le graphiste ? Que mange t’il au petit déjeuner ?
Et bien en fait c’est moi qui fait les visuels, et qui me charge aussi de la diffusion. Il est vrai que nous misons beaucoup dessus, car dans le milieu du spectacle, c’est à la fois un des moyens les plus importants de communication, et aussi un des rares qui est à notre portée, en vue de nos faibles budgets. Nous ne pouvons pas encore nous payer de spots radio ou télé, donc il ne nous reste que le papier et, le bouche à oreille. Grâce à internet, nos capacités sont décuplées, mais ce n’est pas encore assez…
Le choix du graphisme n’a jamais vraiment été réfléchi, je fais un peu ce que je veux à chaque fois, c’est dans l’idéologie de Sonorasso que de se faire plaisir aussi. Le tout est d’attirer le regard, et de rester lisible, chose que je ne respecte pas toujours, me laissant un peu trop aller parfois… Vu que c’est quand même dans un registre très rock, j’essaye de faire des affiches en relation avec la programmation. Je ne sais pas si cela fonctionne, car des fois je me dis qu’on reste à cibler toujours le même type de gens, et qu’avec des affiches pareils, ont aura beaucoup de mal à s’élargir, mais si déjà, vous, vous avez repéré une unité, c’est déjà pas mal, ça me réconforte un peu…
(La plupart du temps, je ne prends qu’un verre de jus d’orange au petit déjeuner)
Vous avez l’air de vouloir explorer d’autres horizons que la région Ile de France, en organisant par exemple des soirées sur Lyon, ou en Champagne Ardenne. Le choix du lieu est il important pour vous ? Comment se passent les rencontres avec les responsables des salles, est ce facile pour un collectif comme le votre de démarcher ?
Nous n’avons aucune limite géographique, nous faisons ce que nous pouvons là où nous le pouvons. Il faut être parfois rêveur.
Le choix du lieu est très important, en fonction de sa popularité, de ses capacités techniques, de l’humeur de ses responsables et de leurs orientations, des conditions d’occupation,… mais bon on fait avec ce qu’on a, il est déjà très difficile d’obtenir un lieu d’audience, alors on évite de faire trop les difficiles, et on se retrousse les manches.
Nos rencontres avec les responsables des salles sont très variées. Des fois cela se passe très bien, des fois très mal. On a fini par sympathiser avec certaines salles et structures locales (La Salamandre, Le Case ö Arts, Universailles,…), d’autres structures nous connaissent de réputations, nous et/ou nos groupes, et dans ces cas là il est assez facile d’obtenir un rendez vous. Mais ce n’est pas toujours le cas, et là on doit tout reprendre à zéro, afin de se faire connaître chez ceux qui ne nous connaissent pas. Malheureusement parfois aussi nous sommes boycottés.
SONORasso a t’elle des envies de développement, de changement, dans un futur proche ? Si oui lesquelles ? (Si tu dis non il faut quand même expliciter, décortiquer, argumenter, disséquer le pourquoi du comment du non)
Disons que pour le moment, nous voulons seulement prendre un peu de poids, afin de permettre à nos artistes de pouvoir jouir de plus de facilité d’audience. De pouvoir réaliser des projets de plus en plus réussis, de nous élargir à plus de public, ne pas forcément rester cantonnés dans le milieu du métal et de l’underground, car bien que ce soit majoritairement ce que nous proposons comme musique, premièrement ce n’est pas tout, et deuxièmement peut être pourrons-nous faire apprécier ce genre de musique à des gens d’horizons différents. Nous avons aussi envisagé le fait de pouvoir nous monter en entreprise, mais pour le moment ce n’est qu’un rêve.
Les derniers mots sont pour toi (quelle chance tu as dis donc !)
Et bien tout d’abord merci à toi, de nous permettre grâce à cette entrevue, de faire découvrir un peu mieux qui nous sommes à ceux qui pourraient se poser des questions, si toutefois il y en a, et aussi, plus justement, de permettre à ceux qui ne nous connaissent pas du tout de nous découvrir.
A bientôt, Benoît.
Merci encore pour cette ITW et bonne continuation à SONORasso
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