Intervieweuse : Cilou Bulle
Interviewés : Arnaud (chant) et Florian (batterie)
Junon est un nouveau groupe français ? Non ces gars là ont déjà joué ensemble il y a quelques années dans une autre formation, General Lee. Composée de six membres dont Arnaud Palmowski (Chant), Fabien Zwernemann (Guitare), Martin Catoire (Guitare), Alex Renaux (Guitare), Vincent Perdicaro (Basse) et Florian Urbaniak (Batterie), le groupe , après quatre ans d’absence, reprend du service et part, avec ce premier EP, explorer un univers littéraire post hardcore / post rock / hardcore.
« The Shadows Lenghten » est sorti le mois dernier. Je suis partie à la rencontre de Arnaud (chant) et Florian (batterie), afin de (re)faire connaissance avec cette « nouvelle » formation.
Bonjour Junon et merci de m’accorder cette interview.
On vous a connu tout d’abord sous la bannière de General Lee de 2003 à 2015, puis maintenant vous renaissez sous le nom de Junon. Peut-on parler de continuité et/ou de rupture ? Pourquoi ?
Comment est venue l’idée de repartir dans une nouvelle aventure, avec un nouveau nom ?
Florian : Un peu des deux en fait ! On avait tous besoin de faire un break en 2016, puis le temps a passé et malgré la distance on s’est rendu compte qu’on avait encore tous très envie de refaire de la musique ensemble comme au bon vieux temps. Junon c’est ça, la même bande de potes que dans General Lee, la même façon de voir les choses et les mêmes envies. Par contre, après presque cinq ans d’interruption, on voulait apporter un peu de nouveauté et de fraîcheur, se permettre des choses qu’on n’aurait pas osé avant, et ça passait par changer d’identité.
Arnaud : Ce changement de nom nous a donné davantage de latitude pour expérimenter des choses différentes et changer la dynamique de nos titres. Ils se font plus insidieux, moins directs et avec davantage de couches que les titres que notre dernier album avec General Lee « Knive Out, Everybody ! ». On ne traine plus autant cette étiquette « post-hardcore » qu’on nous a collé. Cela qui nous permet d’avoir plus de libertés et ressentir moins d’attentes particulières de la part des personnes qui nous suivent.
Junon est certes la déesse protectrice de Rome, mais c’est surtout la première track de votre premier EP The Sinister Menace. Une symbolique forte. Pouvez-vous m’expliquer ce choix ?
Florian : On cherchait un nouveau nom donc on a fait des listes à rallonge de noms mais avec six fortes têtes dans le groupe c’était assez folklorique pour se mettre tous d’accord…Et puis “Junon” est tombé dans la conversation et finalement c’était pile ce qu’on recherchait : un nom simple, épique et surtout avec un clin d’œil discret à notre passé avec General Lee qu’on ne comptait absolument pas renier. Ça a mis tout le monde d’accord assez simplement.
Comment avez-vous travaillé à la réalisation de cet EP ?
Florian : Ça a commencé par quelques idées de riff de guitares échangés par mails pendant un bon moment jusqu’à ce qu’on réussisse enfin à se retrouver au quasi-complet. Puis la crise sanitaire a débarqué donc on a dû s’adapter pour peaufiner les premières ébauches de morceaux et explorer différentes choses. On a même réussi quelques jours avant d’entrer en studio à composer le premier single de l’EP, Carcosa, complètement à distance entre pistes de guitares enregistrées à la maison et édition de batteries à la souris. C’était une première pour nous et c’était très différent de la façon dont on a composé les autres albums…mais ça nous a aussi permis de nous structurer au maximum et d’arriver plus que prêts au Boss Hog Studio. On a mis l’EP en boîte en quatre jours entre deux confinements et c’était donc la première fois que l’on se retrouvait tous ensemble dans la même pièce…c’est assez fou quand on y repense.
Votre musique navigue entre le postcore, le post rock et le hardcore. Comment on en arrive à ce mélange là et par la force des choses au son de Junon ?
Florian : Au risque de paraître un peu cliché, on écoute tous beaucoup de choses différentes, de la new wave au black metal, mais on se retrouve tous sur Cult Of Luna, Deftones, Converge, Breach, Underoath, Neurosis…Comment on retranscrit ça dans nos morceaux c’est une bonne question ! On joue surtout ce qui nous plait et évidemment on est influencé inconsciemment par ce qu’on écoute à ce moment-là. On n’a pas la prétention d’avoir inventé un genre. Une chose est sûre, on n’aurait pas pu composer cet EP sans ces années d’expériences avec General Lee.
Vous avez sorti un clip sur le titre « Carcosa » dont les textes viennent d’une nouvelle écrite par Robert W. Chambers, « The king in Yellow ». D’où vient une telle inspiration ? Pourquoi avoir choisi ce texte ?
Arnaud : En effet, le texte de « Carcosa « est tiré de la nouvelle « The King in Yellow « de Robert W. Chambers, publié en 1895 dont on peut retrouver de nombreuses références dans la première et excellente saison de la série « True Detective » (série que je vous conseille vivement si vous êtes passé à côté) et dans quelques nouvelles de HP Lovecraft que j’apprécie beaucoup. « Carcosa » serait une cité maudite située dans un autre espace-temps et considérée comme un lieu de culte dans lequel des rituels macabres et des sacrifices rituels ont été perpétrés. On a d’ailleurs tenté de représenter dans le clip les différentes phases mentales d’une personne embrigadée dans une secte. Le processus psychologique de conversion est progressif et la superposition des images bleu et jaune représente cette dualité psychologique et ce passage d’un extrême à l’autre, du monde réel à celui de « Carcosa ».
Vos textes sont, d’une manière générale, assez engagés. Ils expriment notamment le « combat de la planète face aux attaques répétées de ses hôtes », tout en s’inspirant de la littérature fantastique. Pouvez-vous m’expliquer ce parti pris ?
Arnaud : Depuis nos débuts, j’ai toujours eu carte blanche pour l’écriture des textes qui sont influencés généralement par le cinéma et la littérature fantastique et d’horreur ainsi que par l’absence de valeur écologique chez beaucoup de nos semblables et les conséquences que cela engendre. Pour les textes de l’EP, j’ai fait un parallèle entre la puissance irréelle et la terreur cosmique que provoquent les grands anciens chers à HP Lovecraft et les éléments de la terre qui peuvent nous balayer en un instant. Ces dieux invisibles que s’ils peuvent se montrer bienveillants et généreux avec l’être humain peuvent aussi tout reprendre et nous balayer en un instant. Quand j’entends parler que l’être humain est en train de détruite la planète ça me fait m’interroger…pour moi l’être humain va à sa propre et unique perte par manque d’humilité et de respect face à la grandeur de la nature. Notre passage sur la terre ne représente qu’une fraction de seconde à l’échelle de l’univers. La terre reprendra ses droits sans aucun doute, balayant toute trace de notre passage.
Un petit détour par la pochette de l’EP. Qui en est l’auteur ? Pouvez-vous m’expliquer ce qu’elle représente pour vous ?
Florian : C’est notre guitariste Martin qui s’est chargé du visuel, on a cette chance d’avoir du talent au sein même du groupe pour retranscrire en image notre vision. Comme on le disait plus tôt, cet EP aborde le thème de la nature et de la destruction donc quoi de mieux qu’une paire de carcasses dans le désert pour représenter ça ?!
Pourquoi avoir choisi l’autoproduction pour cet EP ?
Florian : On a mis en boite cet EP sans pression ni plan particulier autre que de passer du bon temps tous ensemble, puis l’envie de trouver un label pour défendre une sortie vinyle est venue. Même si les premiers retours labels étaient très encourageants, le contexte actuel fait que les intéressés ne pouvaient pas se positionner financièrement pour nous aider à faire une sortie physique. Puis nous avons été contactés récemment par le nouveau label Source Atone Records qui s’est montré très motivé pour une double sortie vinyle de l’EP puis pour bosser sur un nouvel album. La suite bientôt…
Comment envisagez-vous la promotion de cette nouvelle formation, de ce nouvel EP dans les circonstances actuelles ?
Florian : C’est super dur pour tout le monde et on vraiment solidaires des structures culturelles qui galèrent depuis maintenant un an et qui se réinventent pour proposer des alternatives cohérentes pour faire vivre la musique live…L’essentiel pour nous c’était de partager au plus grand monde ce qu’on a réussi à créer dans ces conditions. On attend la reprise des concerts impatiemment ! C’était clairement un des motifs premiers de notre retour donc on continue d’y croire, c’est sur scène que tout se passe.
Et pour finir, un petit Top 5 des artistes/albums de 2020 ?
Florian :
– End – Splinters From an Ever Changing Face
– Trash Talk – Squalor
– Touché Amore – Lament
– Emma Ruth Rundle x Thou – May Our Chambers Be Full
– Oranssi Pazuzu – Mestarin Kynsi
– Pressure Cracks – This Is Called Survival
– Code Orange – Underneath
– Deftones – Ohms
Arnaud :
– Ulver – Flowers of Evil
– Deftones – Ohms
– Paradise Lost – Obsidian
– Misery Loves Co – Zero
Merci pour votre temps et pour vos réponses et à bientôt au détour d’un concert espérons-le !
Un grand merci à toi et à tes lecteurs pour le soutien.
Pour suivre le groupe :
Facebook VK Instagram BandCamp Youtube
Laissez un commentaire