Les 20 ans de Garmonbozia : interview du big boss Fred ...
Interviewé : Fred
Interviewer : Bloodybarbie
Pour célébrer les 20 ans de notre cher organisateur de concerts Garmonbozia, nous avons eu l’honneur d’interview le grand chef Fred !
Fred, on te remercie de prendre le temps de répondre à nos questions avec cette rentrée si chargée en concerts !
-20ans déjà ! Alors peux-tu commencer par remémorer la création de Garmonbozia ?
Bonjour Lamis. Dans un premier temps, j’ai organisé un concert dans le cadre de mes études avec Enthroned, Iconoclasm et Darkseid (groupe dans lequel on retrouvera une grande partie du line up de Voight Kampff). D’abord prévu en juin 1997, ce concert a dû être décalé en février 1998 suite au décès du batteur d’Enthroned. Ce concert a fait complet, j’ai ensuite fait les démarches administratives pour créer une association et organiser notre premier concert à l’Antipode à Rennes le 1er novembre 1998 avec Marduk, Mystic Circle et Darkseid.
-D’ailleurs, quel est le pourquoi du comment vous avez choisi Garmonbozia comme nom et le lézard comme mascotte ?
Garmonbozia vient de l’univers de Twin Peaks de David Lynch, chef d’œuvre intemporel qui ne présente aucune limite. D’autres groupes ont visiblement été très inspirés, notamment Audrey Horne avec qui nous avions vivement échangé à l’époque où nous travaillions ensemble, également Blacklodge…
Pour le lézard, en fait il s’agit d’un roi lézard, surnom donné à Jim Morrison des Doors, là aussi une personnalité qui m’a énormément marquée. D’ailleurs, des paléontologues américains ont donné le nom de Barbaturex Morrisoni au plus gros lézard connu sur terre il y a quelques années.
-Peux-tu nous parler un peu de ton équipe et comment vous êtes répartis en France?
Nous sommes actuellement deux personnes à temps plein, Lorène et moi. S’ajoute une autre personne à temps partiel qui s’occupe uniquement de la paie. Nous sommes actuellement en plein recrutement pour étoffer l’équipe et nous permettre de souffler un peu. Une quinzaine de membres dans l’association sont également là pour nous aider les jours de concerts, tous amis de longue date. Nous sommes tous basés à Rennes et faisons appel à À Jeter Prom pour la com’ de nos évènements.
-Les parisiens sont quand même frustrés que Garmonbozia ne fête ses 20ans qu’à Rennes, pourquoi n’avoir pas organisé une date supplémentaire à Paris ?
J’ai conscience que si nous avions fêté ce concert anniversaire à Paris, nous aurions touché beaucoup plus de monde (y compris pour les étrangers), mais comme nous avions organisé les 5, 10 et 15 ans à Rennes, il me semblait important de faire de même. Faire cet anniversaire à Rennes et Paris aurait pu être envisagé, mais trop compliqué niveau logistique. On demande donc aux Parisiens de faire un effort et de venir passer un week-end dans notre jolie région.
-D’ailleurs en parlant de cette magnifique affiche de la fête des 20ans de Garmonbozia, comment avez-vous sélectionné les groupes ?
La sélection des groupes s’est faite de la même manière que pour les 15 ans : dans la majorité des cas, il s’agit d’inviter des groupes avec qui nous avons déjà travaillé et avec qui nous avons pris du plaisir à collaborer. Pour d’autres groupes, comme Master’s Hammer qui effectuera son premier concert en France, là il s’agit plus des bonnes relations avec Tomas, l’agent du groupe et également organisateur du Brutal Assault. Pour Tormentor qui jouera également pour la première fois en France, il s’agit de contacts réguliers avec Attila que nous côtoyons régulièrement avec Mayhem.
-Quelle est la chose dont tu es le plus fier après ces 20ans de carrière ?
Tout d’abord d’avoir fait jouer quasiment tous les groupes que j’aime à part quelques-uns. À l’origine la création de Garmonbozia était justement pour se faire plaisir et de faire jouer des groupes que j’aime. Avoir réussi à faire en sorte que l’association se développe suffisamment pour créer des emplois, chose qu’au tout départ je n’avais jamais imaginé possible, est également une fierté.
-Peux-tu nous raconter quelques anecdotes de ta carrière dans le domaine ?
Surtout de belles rencontres qui me viennent à l’esprit, le premier concert avec Opeth en 2001 où je portais un t-shirt de Magma et d’interminables discussions qui ont suivi avec Mikael Akerfeldt… le premier concert avec Immortal en 1999 où Abbath était très en forme et m’a donné son numéro de portable sans raison pour ensuite discuter de tout et de rien et de sa vie de famille. Le premier concert en France avec Mayhem en 1999 très épique et rock’n’roll, le même jour je faisais connaissance avec Ivar d’Enslaved avec qui le courant est passé immédiatement, puis Grutle prenant un drapeau breton pendant le concert en disant tout le bien qu’il pensait de notre région.
-Parlons de tes goûts musicaux, quels sont tes styles et groupes préférés ? Est-ce que tu fais de la musique aussi ?
J’aime surtout le rock de la période allant du milieu des années 60 à la fin des années 70, surtout des groupes comme The Doors, Pink Floyd, King Crimson, Magma, Gong, Led Zeppelin, les premiers Deep Purple, les premiers Santana, Velvet Underground, Jimi Hendrix, Hawkwind, Popol Vuh… mais aussi beaucoup de Jazz avec notamment Miles Davis, John Coltrane, Pharoah Sanders, Herbie Hancock, Thelonious Monk, Univers Zero, les nombreux projets de musiciens issus de Magma : Patrick Gauthier, Simon Goubert, One Shot, Emmanuel Borghi, Jannick Top, Weidorje, Fusion, Offering. Mais aussi d’autres styles, groupes ou artistes comme Klaus Schulze, Tangerine Dream, Massive Attack, Dead Can Dance, Ulver, Wardruna, Blood Axis, Depeche Mode, David Bowie, Parliament, Funkadelic, Muddy Waters, Serge Gainsbourg et bien sûr toujours du Metal avec notamment Arcturus, Opeth, Black Sabbath, Coroner, Atheist, Death, Emperor, Motörhead, Enslaved, Mayhem, Morbid Angel, Obituary, Septicflesh, Sepultura, Slayer et bien d’autres. Vers le milieu des années 90, je ne jurais que par le Black, Death et Thrash Metal à part quelques exceptions comme les groupes Rock évoqués.
-Quelle est ton histoire avec ce métier, comment as-tu atterri dans ce milieu ? As-tu eu d’autres expériences ?
J’ai atterri dans ce milieu vraiment pas curiosité, à une époque où il n’y avait absolument aucune tournée européenne Death ou Black Metal passant en Bretagne (la scène Hardcore était bien présente ici à cette époque), les échanges postaux avec d’autres passionnés et groupes m’ont donné envie d’aller plus loin de donc de tenter d’organiser ce premier concert avec Enthroned. Avant cela, je souhaitais être disquaire (si possible m’occuper du rayon Hard Rock / Metal dans certaines enseignes), mais ne trouvant aucun poste exactement dans ce que je souhaitais, j’ai dû m’adapter et mettre un peu ça de côté.
-Est-ce que comme Lorène, il t’arrive d’aller dans le pit, de slammer… ?
Je l’ai énormément fait avant d’organiser mes propres concerts, surtout lors des concerts organisés par celui qui m’a appris les bases du métier : David Mancilla (ex Hardside Connection et Overcome Records). Je me rappelle d’un concert avec Machine Head et Meshuggah à Rennes en 1995 où j’ai dû monter sur scène une quinzaine de fois, par contre je n’ai pas le souvenir de l’avoir fait à un de nos concerts, contrairement à ma collègue qui a d’ailleurs eu droit à un joli article à ce sujet de la part de RockHard lors d’un concert avec Obituary au Divan du Monde il y a quelques années.
-Peux-tu nous citer quelques pires moments de groupes/dates que vous avez organisés ? Et vos meilleurs souvenirs ?
Deux concerts me viennent à l’esprit pour ce qui concerne les pires moments : en 2003 nous faisions jouer Aeternus, Red Harvest et 1349 à Paris et nous devions ensuite les faire jouer à Rennes le surlendemain, après ce concert à Paris, on se disait tous « à dans 2 jours ». Vers 16h00, toujours aucun groupe, j’appelle la tourmanager d’Aeternus qui trouve étonnant que je n’ai pas reçu de mail et d’info au sujet de l’annulation de ce concert. Les groupes ayant une date à Londres entre Paris et Rennes ont préféré rester en Angleterre, les coûts pour venir à Rennes étant finalement trop élevés (il s’agissait d’une tournée en van). De « jolis » échanges suivirent avant de faire la paix deux ans plus tard. L’autre pire moment ressemble beaucoup à celui-ci, nous devions faire jouer Bolt Thrower à Rennes un lundi soir en janvier 2002. La veille, un dimanche soir, le tourmanager et manager du groupe m’appelle pour me dire que Bolt Thrower (accompagné de Benediction et Fleshcrawl) ne viendrait pas, préférant rester en Belgique pour rallier Paris où le groupe devait jouer le surlendemain. Pas mal de monde s’était déplacé pour ce concert à Rennes, certains venant de très loin, on peut dire que ce fut un grand moment de solitude avec le public mécontent devant les portes de la salle. Là aussi, de longs échanges insultants suivirent avec le groupe et son management, pour enterrer la hache de guerre trois ans plus tard et faire place à la plus belle collaboration en ce qui me concerne…
Belle transition pour évoquer nos meilleurs souvenirs ! Jamais un groupe ne m’aura autant épaté sur sa vision du business musical que Bolt Thrower, j’ai un énorme respect pour leur façon de bosser, de contrôler l’image du groupe, il y a tellement de choses à dire sur ce groupe, quelle tristesse que le groupe ait du brutalement tout arrêter. Autre excellent souvenir : bosser régulièrement avec Magma, une expérience humaine et musicale incroyable. Enfin, avoir fait jouer les musiciens de mon groupe préféré : Ray Manzarek & Robby Krieger des Doors lors d’un concert à Rennes en 2012, le jour de l’anniversaire de la mort de Jim Morrison… quelle journée incroyable !
-On sait que les villes les plus actives dans le metal actuellement (en termes de concerts et audience) sont Paris, Lyon puis Nantes et enfin Toulouse et Rennes avec moins de monde j’imagine, est-ce que Garmonbozia a pour projet d’étendre les concerts de metal dans d’autres villes ?
Nous travaillons là où des organisateurs et salles veulent bien de nous J. En dehors de Paris, c’est à Lyon et Toulouse que les concerts fonctionnent le mieux. Même si c’est plus difficile dans le sud, Toulouse fait toujours de bons scores, bien supérieurs à Bordeaux ou Marseille par exemple. Pour l’Ouest, lorsque nous avons organisé nos premiers concerts, les scores à Rennes étaient égaux voire supérieurs à ceux de Paris, preuve que le public était très demandeur. Je me souviens d’un lundi soir où Immolation, Deranged, Destroyer 666 et Decapitated avaient fait 550 entrées payantes à l’Antipode, chose qui ne se reproduira plus jamais, surtout en semaine. Pour revenir à ta question, tout dépend en fait du nombre de dates en France souhaitées par les agents et tourneurs et de l’itinéraire de tournée (si ça joue en Espagne ou Italie notamment) pour pouvoir ensuite proposer un plateau à telles ou telles villes.
-Quels groupes Garmonbozia voudraient absolument faire jouer mais pour lesquels l’occasion ne s’est pas produite?
Dead Can Dance (pas faute d’avoir essayé il y a quelques temps, ironie du sort, ça joue finalement dans ma propre ville au printemps prochain), Slayer, Motörhead (c’était en discussion en 2011, on a finalement eu Alice Cooper), Emperor (on avait travaillé ensemble lors de leur venue au Hellfest 2007, j’espère qu’on arrivera un jour à faire un concert en salle, cela avait échoué de peu en 1999 lors de la tournée avec Morbid Angel !), Massive Attack, Depeche Mode (là, on est dans l’ordre du fantasme).
-Comment se porte Garmonbozia actuellement ? Est-ce que l’effet des gros tourneurs qui commencent à s’attaquer à des groupes, qui vous étaient fidèles, a eu une grosse répercussion sur vos finances ? Penses-tu que cet effet du gros monstre qui veut tout avaler va continuer ? Quels risques sur Garmonbozia ?
On a des hauts et des bas, l’essentiel est de pérenniser nos emplois tout en continuant à se faire plaisir. Auparavant, les grosses structures et producteurs ne s’intéressaient pas au Metal extrême, ce qui n’est plus d’actualité ; quelques groupes majeurs nous ont donc quitté, notre rôle est aussi de découvrir d’autres groupes qui auront ce potentiel. À long terme, le risque est de ne plus pouvoir proposer de concerts plus modestes (et donc à perte) si nous n’avons plus de groupes importants pour permettre cet équilibre.
-Comment étaient les débuts de Garmonbozia ? Vous étiez parmi les premiers organisateurs de concerts ? J’imagine que les débuts étaient difficiles ? Quelle est la meilleure et pire année de toute votre carrière ?
Lorsque j’ai débuté, internet en était à ses prémices, toute communication se faisait par fax et téléphone fixe (peu de téléphone portable à l’époque), et cela fonctionnait tout aussi bien ! Il y avait des structures sur Paris spécialisées dans le Metal extrême comme SDG Warhead (ce nom apparaît souvent sur les billets de concerts lorsque je venais voir mes groupes préférés à Paris dans les années 90), mais peut être sommes nous arrivés à un moment où justement certaines structures disparaissaient et que ces musiques n’étaient pas du tout intéressantes pour les gros producteurs. Paradoxalement, les débuts étaient bien plus faciles qu’actuellement, le business musical semblait plus simple, enfin c’est la perception que j’en avais. La pire année doit être en 2003 où après une accumulation de concerts à perte, j’étais proche de la fin. Pas évident de te dire quelle est la meilleure année, mais la période 1999-2002 puis 2004-2005 et 2013-2016 me semblent être de très bonnes périodes.
-Est-ce que la communication par tous les moyens a un gros impact dans la promotion et qu’est-ce qui fonctionne le mieux ?
Tout a tellement changé ces dernières années, les réseaux sociaux semblent être désormais ce qui touche le plus de gens, alors qu’il y a 10 ans, ne pas avoir la date de son concert annoncée dans la presse nationale Metal était la pire des choses. Je pense que le support papier a toujours de l’importance, mais cela ne m’étonnerait pas que le flyer « physique » disparaisse dans les décennies à venir.
-Peux-tu faire le médium et prédire l’avenir, du moins l’avenir proche de Garmonbozia ?
Je ne peux malheureusement pas parler de certains concerts confirmés ou en passe de l’être mais pas encore annonçables, mais si tout se passe bien nous devrions organiser nos deux premiers concerts dans la plus mythique des salles françaises à l’automne 2019. Pour ce qui concerne l’activité de Garmonbozia, l’essentiel est donc de pérenniser nos emplois, en espérant donc être là le plus longtemps possible.
-As-tu quelque chose à ajouter pour clore cette interview, une sorte de rétrospective ?
Le temps passe trop vite, faire de plus en plus de concerts chaque année avec des dates qui s’enchaînent les unes après les autres n’aident évidemment pas, déjà 20 ans, presque la moitié de ma vie passée sur la route ou dans les salles et festivals ! D’excellents groupes avec qui nous avons travaillés n’existent plus, certains musiciens ne sont plus de notre monde, récemment nous avons perdu Mathieu « Smats » Broquerie (Voight Kampff et de nombreux autres groupes), un ami proche et un musicien exceptionnel, qui était présent sur scène lors de nos trois premiers concerts avec Darkseid et qui devait se produire justement à nos 20 ans.
En tout cas Soilchronicles a un message pour vous « On vous aime et on vous soutient à fond, vive Garmonbozia! ».
Merci beaucoup, je te renvoie le compliment, Garmonbozia aime Soilchronicles et c’est toujours un plaisir de te croiser sur nos concerts !
RDV à Rennes le 26 et 27 Octobre 2018 !
Laissez un commentaire