Intervieweuse : Bloodybarbie
Interviewés : Dany (chant/clavier), Nico (chant/guitare) et Julien (basse)
Pouvez-vous nous présenter votre line-up actuel ? Y-a-t-il eu des changements depuis votre dernier album ?
Julien : Hello, le line-up du groupe est le même depuis le début du groupe, il y a un peu plus de 10 ans : Greg à la batterie, Dany au chant/clavier, Nico au chant/guitare, Romain à la guitare et Julien à la basse.
Un petit retour dans le passé : pouvez-vous nous raconter l’histoire de la formation du groupe, vos motivations, inspirations… ? Et pourquoi le choix de ce nom si difficile à retenir ?
Julien : Comme je te disais, le groupe a été créé il y a un peu plus de 10 ans. À l’origine c’était un projet secondaire pour s’amuser. On jouait tous dans différents projets, des groupes de métal, des groupes de punk… À l’époque, Nico et moi on écoutait pas mal QOTSA, et un jour autour d’une écoute commune, on s’est dit « et pourquoi on ne monterait pas un groupe de stoner ? ». Ça a démarré comme ça, avec comme influence principale le triptyque divin Kyuss/Fu Manchu/Qotsa sans oublier les Grands Anciens que sont Black Sabbath. Et puis on a enrichi nos influences au fur et à mesure, la scène stoner s’est développée (à l’époque, il devait peut-être y avoir 10 groupes en France) et, au final, on a sorti 3 albums, 2 45t, 2 splits, 1 DVD….
Concernant le nom, c’est un choix en rapport avec notre passion pour le cinéma et la pop culture. On voulait un nom un peu long, comme un titre de cinéma, et en espagnol pour rappeler le côté USA du Sud, lieu de naissance du stoner. Et puis ce nom en espagnol nous permettait de développer un univers visuel, une mythologie autour du groupe.
Nico : En fait, je me suis rendu compte que j’écoutais du Stoner sans même vraiment le savoir depuis très longtemps. Au lycée j’étais déjà fan de Corrosion of Conformity ou Down, sans même connaître cette étiquette musicale à laquelle on les rattache aujourd’hui. Black Sabbath a été une révélation pour moi quand j’avais seulement 15ans. J’ai toujours été attiré par ces sons de guitare un peu sales et ces gammes de notes entre blues et mélodies démoniaques.
Dany : C’est assez marrant pour ma part car je ne faisais pas partie du line-up des premières semaines. Je suis allé les voir car Greg, qui était batteur de notre autre groupe, m’avait proposé de passer. Pour être tout à fait honnête, je ne connaissais absolument pas le style de musique et les noms de groupe issus de la scène Stoner étaient de parfaits étrangers. Pourtant, c’est grâce à « Go with the flow » de QOTSA que j’ai « intégré » pour une chanson le quatuor qui commençait déjà à créer les bases des riffs qui deviendront plus tard ceux de notre 1er EP, « Room 159 ». Finalement, lors du 1er concert, j’ai chanté sur une chanson et c’est de là que tout est parti. J’ai rejoint le groupe afin d’apporter cette petite note de piano percussif à la QOTSA. J’ai ensuite évolué au sein du groupe pour être chanteur/clavier à temps plein.
La pochette est donc un patchwork des membres du groupe, comment la reliez-vous au thème de l’album et des titres ?
Julien : Alors l’album raconte l’histoire d’un personnage. On souhaitait qu’il soit le plus anonyme possible. Il pourrait être toi, moi, ton frère, ton cousin, n’importe qui… Et du coup, pour la pochette, on s’est dit que plutôt que de le personnifier avec une photo d’un modèle, on a décidé de mélanger nos visages, comme si nous étions tous ce personnage.
Pouvez-vous faire un track-by- track de l’album ? Vous avez été inspirés par la situation en Syrie et les réfugiés syriens ? Que pensez-vous de cette situation et quel est pour vous la solution qui arrangerait tout le monde ?
Julien : Un track-by-track ? Ça va être un peu long et je ne veux pas « gâcher » la découverte du disque. Je ne veux pas être trop explicatif. Il faut que les gens se fassent leur propre idée.
Concernant la Syrie, je ne veux pas commencer à faire de la géopolitique de bistrot. On sait tous que n’importe quelle situation de guerre est catastrophique pour les populations civiles. Là, elle l’est particulièrement parce que non seulement elle déstabilise une région entière du globe, elle oblige des millions de gens à se déplacer (population qui se trouve entre le marteau et l’enclume, d’où une situation compliqué) et elle nous ramène 30 ans en arrière avec un vieux relent de guerre froide… Je ne suis pas diplomate, je n’ai pas de solution et surtout j’ai un pouvoir limité pour changer cette situation.
Nico : Effectivement un track by track serait trop long à développer, mais je peux vous faire un petit résumé de l’histoire que nous avons écrite. Cet homme dont nous parlions plus haut est un anti-héro par excellence. Un homme tout ce qu’il y a de plus simple et banal. Il est immigré et vit seul. Ouvrier lambda, il perd son boulot comme des milliers, victimes de cette crise géante et se retrouve sans plus aucune attache à ce pays qu’il pensait être l’Eldorado. Dégoûté de ce système et de ce que les Hommes deviennent autour de lui, il décide de rentrer chez lui retrouver la seule famille qui lui reste, sa sœur. A travers ce périple, il va être confronté à des situations, des personnes, des lieux et être mis face à face avec la folie humaine. Toutefois, il rencontrera aussi certaines formes d’espoir car tout n’est pas forcément toujours complètement noir dans ce genre de cas.
En ce qui concerne la Syrie et ses habitants, nous sommes évidemment très touchés par leur situation. Et outre l’aspect politique de la chose, c’est surtout l’aspect humain qui nous a intéressés. Se poser certaines questions auxquelles nous aussi nous pourrions être confrontés un jour. Pour ces gens-là, ce n’est pas de la fiction, c’est la réalité. Ils quittent tout, absolument tout, dans l’espoir de survivre. Serions-nous prêt à faire ça nous aussi? Vaste question. C’est à travers cette histoire qu’on a voulu s’interroger et pousser les gens qui s’intéresseront à l’album à le faire aussi. Ce qui est sûr c’est qu’on ne peut pas laisser ces gens mourir, il faut trouver des solutions d’accueil. C’est à nos gouvernements de trouver ces solutions. Nous ne sommes que des pions.
Dany : A ma connaissance, on ne s’est pas spécialement inspiré de la Syrie. La situation était sûrement déjà tendue mais ça n’est pas parti de là. On s’est mis d’accord sur le thème en s’inspirant des films/séries/livres/jeux vidéos qu’on aime bien avec le côté aventure/survie et surtout l’idée du concept-album. On s’était dit que c’est quelque chose qu’on n’avait pas encore fait et qu’on aimerait tenter. Finalement, l’expérience a vraiment été très enrichissante et on a beaucoup apprécié de créer l’album chapitre par chapitre avec le côté : « Tiens ce riff est plutôt inquiétant, ça pourrait plutôt coller au passage de la frontière et celui-là est très doux, il pourrait être utilisé pour un passage où le personnage est bien en sécurité ».
D’ailleurs vous qui êtes fans de la fiction et des séries Z, vous vous rapprochez plus de la réalité avec cet album (rire)…
Julien : Avec les deux précédents disques, on s’était plus amusé, on avait envie de parler de ce qui nous amuse, de nos influences de pop culture. Pour Human Collapse, on avait pour objectif de parler plus de ce qui ne nous amuse pas. Je ne sais pas si c’est l’âge, mais on avait envie de parler de sujets plus sérieux.
Nico: Attention, ça ne veut pas dire qu’on ne reviendra jamais vers ce côté fiction plus tard, mais effectivement, nos centres d’intérêts évoluent, nos réflexions d’homme aussi. Nous sommes des maris, des pères maintenant pour certains d’entre nous et nous avions besoin de nous exprimer sur ce genre de sujets qui pourraient bien concerner nos enfants plus tard malheureusement.
Dany : C’est sûr que le côté « fou fou » a été laissé de côté sur cet opus. Il est beaucoup plus sérieux de par le sujet traité. Comme dit plus haut, lorsque l’on s’est décidé à choisir ce thème, la situation n’était pas encore aussi préoccupante qu’aujourd’hui ou du moins, n’était peut-être tout simplement pas encore aussi médiatisée. C’est d’ailleurs assez flippant de voir les choses se dégrader peu à peu comme dans notre album.
Comment la scène métal strasbourgeoise est-elle ? J’imagine que vous êtes un des rares groupes de ce style musical (post stoner) ?
Julien : À Strasbourg, oui, probablement. Après la scène métal est très active et il y a pas mal de super groupes de Stoner chez nous comme We Are Boar…
Nico : Strasbourg a depuis longtemps été un vivier de groupes Metal, avec l’action du Dirty 8 par exemple qui oeuvre depuis plus de 10 ans. Nous nous considérons comme un groupe de gros rock et c’est tout. On ne se dit pas qu’on est forcément à 100% dans la scène Métal. Ça ne voudrait pas dire grand chose de toute façon car ce style est tellement varié que pour certains, notre musique peut paraître violente, pour d’autre hyper gentillette. Après le côté « Post » Stoner est effectivement peut-être notre patte perso et ça c’est plutôt cool.
Quel est votre statut à l’international ? Avez-vous participé à des tournées ? (si oui avec quels groupes et quand) ?
Julien : C’est dur à dire. On tourne pas mal en Europe depuis pas mal d’années, on a joué en Suède, au Danemark, en République Tchèque, en Belgique, en Allemagne, en Suisse… Difficile de définir soit même son statut international. On a clairement plus de notoriété en France, mais le fait d’avoir signé sur le label américain Ripple, ça nous a permis d’être plus visible à l’étranger.
Concernant les tournées, on a été sur la route avec des groupes comme Deville (Suède), Chron Goblin (Canada), Flashfalcon (France), Abrahma (France) ou encore Water Pipe Cult (France).
Quelle était la partie la plus difficile concernant ce nouvel album ?
Julien : Je ne crois pas qu’il y ait de partie plus difficile qu’une autre. L’objectif pour nous, c’était d’aller au bout de notre idée, de concrétiser ce qu’on avait dans la tête, autant pour la musique que pour le concept. Ensuite, on devient un peu « freak control » pour chaque étape. On s’assure que le résultat de ces dernières (écriture, enregistrement, mixage…) soit en adéquation avec notre idée. Si ce n’est pas le cas, on continue à travailler jusqu’au bon résultat. Parfois, cela prend plus de temps qu’attendu… Mais globalement, je ne crois pas qu’il y ait eu des moments plus difficiles que d’autre.
Nico : Pour ma part, le plus dur a été d’arriver exactement à ce que j’avais en tête, à travers l’enregistrement. Trouver les bons arrangements, les bonnes harmonies au bon moment. C’est un travail très subtil, un équilibre fragile à trouver. Ne pas en faire trop, mais ne rien oublier non plus. Les ingés son avec qui on a bossé au Cube sont supers pour ça. Ils nous connaissent parfaitement et savent nous guider quand on a des doutes. Parfois, tu imagines ta musique dans ta tête, avec des images liées, des ambiances, des sensations et il n’est pas toujours évident de mettre ça sur bande, mais c’est tout le défi du studio et j’adore ça. Je pense qu’on est parfaitement arrivé à ça avec cet album. On en est très fier.
Dany : De mon côté, le plus complexe finalement, ça aura été de réussir à créer des ambiances, des sons ou des extraits sonores qui collent à la situation du personnage mais aussi de mettre la bonne intonation/émotion pour retranscrire les sentiments du personnage. Comme le souligne Nico, on peut toujours compter sur les gars du Studio Cube pour nous aider à orchestrer le tout ce qui est indéniablement un vrai plus. C’est un travail collectif et toujours délicat, peut-être plus particulièrement dans cet album puisqu’il y a une réelle évolution au fil de l’histoire.
Comment se passe la composition au sein du groupe ?
Julien : Dans 90% des cas, Nico débarque en répète avec une grosse base de morceau, il nous fait écouter et ensuite, si on est ok, on dégrossit ensemble. Chacun apporte alors sa touche au morceau, ses idées. Une fois la base musicale posée, ligne de chant inclus, Nico, Dany ou moi écrivons les paroles. Et dans les 10% restant, les morceaux résultent de jam en répète.
Nico : Souvent je compose seul à la maison en improvisant sur le manche. Des fois, ça vient tout seul, des fois non. L’inspiration n’est pas quelque chose que tu peux contrôler. Ça va, ça vient, c’est en toi, ça sort quand ça veut. C’est souvent selon un certain état d’esprit que ça avance. Lorsque Julien nous a proposé ce thème d’écriture, ça m’a tout de suite parlé et les morceaux se sont construits de manière assez naturelle. J’avais beaucoup d’images dans ma tête quand je repensais à notre personnage et ce qu’il était censé vivre à tel moment de l’histoire, ça m’a beaucoup aidé et heureusement nous avions globalement tous la même vision de la chose. Ça nous a permis de composer assez efficacement et de ne jeter quasiment aucune chanson test. Beaucoup de morceaux ont été écrits d’abord sur guitare acoustique avant d’être arrangés pour du gros son.
Est-ce que l’un de vos membres joue dans un autre groupe ?
Julien : Non, pas vraiment, on participe occasionnellement à d’autres projets (Ballerine, The International Unplugged Rock’n’Roll Society…), mais aucun d’entre nous n’a vraiment de projets parallèles.
Êtes-vous endorsés ?
Nico: Oui. On est endorsé pour les guitares chez Duesenberg une marque de gratte allemande distribuée en France par Fred’s Guitar Part. Ce sont de fantastiques guitares, très belles et ultra polyvalentes. Nous les adorons Romain et moi. A cela, je rajoute 2 fabricants de pédales custom qui nous fabriquent des effets spécifiques montés à la main: Arts In Bloodshed et Poon’s Guitar Effect. En gros, on leur explique ce qu’on veut et ils nous conçoivent des pédales sur mesure, c’est le top et ça nous permet d’avoir un son très personnel car chaque modèle est unique.
Quels sont vos projets pour 2016/2017 ? Des concerts/tournées de prévues ?
Julien : On est en train de travailler sur un projet de show avec projection vidéo, un genre de backdrop vidéo qui viendra illustrer la musique et les paroles. Une nouvelle tournée européenne est également dans les tuyaux pour avril 2017 et on espère bien vous nous retrouvez sur les festivals l’été prochain (on devrait d’ailleurs annoncer un gros truc dans les prochaines semaines) !
Si vous deviez choisir trois mots pour décrire cet album, lesquels choisiriez-vous ?
Nico : Difficile à dire, car je ne veux pas que ça sonne prétentieux mais je dirais: intensité, voyage, émotion.
Je vous laisse finir avec votre citation préférée.
Nico : Pour finir sur une note légère et faire un clin d’œil à notre regretté Saint patron des rockeurs, Lemmy, je dirais : « if you think you are too old to rock ‘n roll then you are »
Dany : Rien à voir avec la musique mais je l’aime bien : « Je ne blâme pas les gens pour les erreurs qu’ils commettent, mais qu’ils en assument leurs conséquences ». J. Hammond
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