C’est dans une ambiance plutôt décontractée et (très) bon enfant, à quelques heures de leur concert au Hipster Café à Rouen, que les membres de No Return acceptent gentiment de répondre à nos questions sur leur passé, leur présent et leur avenir.
Déjà plus de 25 ans, presque 30, que le groupe est actif et considéré, avec Loudblast, comme un des groupes de références du Thrash/Death français… Ça vous fait quoi d’être cités comme des « papas » de beaucoup de groupes actuels en France ?
Alain [Clément, guitariste] : Ça fait toujours plaisir de savoir qu’on a fait parti du tout début du Thrash Death en France. Après on est encore assez fiers d’être encore là parce que je pense que ce n’est pas donné à tous les groupes d’avoir une longévité comme celle-ci. Et si on peut inciter d’autre gens à reprendre le flambeau, c’est très bien.
Vous revenez d’une tournée, le Thrash Mercenaries Tour 2016 qui a duré tout le mois de septembre, avec une dream team dans le genre : Onslaught, Mors Principium Est, Blaakyum. Ça s’est passé comment ?
Mick [chanteur] : Ça s’est super bien passé, dans le sens où ces mecs sont des crèmes, tant humainement que niveau musicalité. Tu t’enrichis souvent des tournées, en tous cas, c’est mon cas, c’est mon sentiment et c’est vrai qu’on a vraiment de la chance des gars en or. On a eu la chance aussi de partager le tour bus avec eux. C’est le genre de tournées que tu ne peux pas mieux espérer. Et en plus ça a quand même fait du monde, ça a plutôt bien fonctionné comme tournée. Onslaught, c’est un peu un groupe de légende : on était très fiers d’ouvrir pour eux. Même Onslaught connaissait No Return ; je veux dire ce sont des groupes sensiblement de la même génération, même s’ils étaient d’un petit peu avant, mais connaissaient No Return de nom. C’était vraiment une bonne fiesta, franchement, c’est dur à résumer plus. [rires] Des tournées, j’en ai fait, comme Alain, Geoffroy [Lebon, nouveau guitariste du groupe] dans son expérience avant, on en a tous fait beaucoup et, moi, elle restera une de mes préférées dans le sens humain déjà, parce qu’on n’est plus non plus des gosses qui découvrent tout ça, on n’est pas là pour faire chier les gens mais on n’aime pas qu’on vienne nous faire chier, et là y a eu un certain respect de tout le monde entre eux, et j’ai trouvé ça vraiment excellent. Moi, je me suis vraiment éclaté, comme tout le monde : y a pas eu de prise de tête, ça jouait… Vraiment une team ensemble, soudée, à monter les backdrops ensemble… Vraiment, j’ai rarement vu ça.
Alain : C’était vraiment top ! A refaire…
Est-ce que chacun des groupes se considère comme une sorte de « mercenaire du Metal » pour citer les paroles de « Conte fantasmagorique » de Misanthrope, un autre groupe de référence du Metal français ?
Mick : C’est dur à dire. En fait, c’est le nom d’une tournée qui existe dont c’est la deuxième édition, on a eu la chance de faire les deux premières. Après, clairement, c’est un nom, c’est un package comme toutes les tournées, celle-là est amenée à se refaire. Moi, je me considère pas comme un mercenaire, je fais juste de la musique, c’est ma plus grande passion dans la vie. Monsieur Clément, c’est pareil.
Ce n’est pas un peu navrant de se dire qu’un tel consortium, avec qui plus est un groupe français dans l’équipe, n’a même pas fait une escale par la France ? Bon OK, j’avoue que je suis un grand amateur également des 3 autres groupes, donc un peu frustré de ce fait…
Mick : Je peux te répondre puisque je travaille dans cette boite de tourneurs, avec Jipp, mon co-ingé, et on va être très clair là-dessus : c’était mon rêve de passer cette tournée en France, mais quand tu tournes avec un tour bus, faut pas t’attendre à demander 500€… Après, on l’a pas sur-vendue, cette date, et elle a fonctionné partout. Très grosse surprise en Pologne, ça a bien fonctionné et ils prenaient les mêmes tarifs qu’en France, où personne n’en a voulu. Faut pas mettre tout le monde dans le même panier : certains promoteurs se sont montrés intéressés ; le problème c’est qu’on n’allait pas descendre à Bordeaux vu qu’on n’allait pas en Espagne et, dans une tournée, c’est un gros travail de logistique, donc on a fait au mieux et malheureusement on n’a pas pu passer en France. Mais les gens pourront se rattraper, en venant voir Onslaught au Lyons Metal Festival, dans la banlieue lyonnaise où j’invite tout le monde à venir : y aura Darkane…
Et No Return tant qu’à faire… ?
Alain : Ça, c’est calé, y aura No Return !
Vous repartez de nouveau en tournée ou vous faites un break ?
Alain : Non, là, on est en train de finir de composer le nouvel album. Donc ce sont effectivement les dernières dates, la fin de tournée de promo de l’album précédent, Fearless walk to rise qui est sorti en mars 2015.
Mick : On a beaucoup joué. J’ai pas compté mais on doit avoir fait pas loin de 80 dates, dont plus de la moitié à l’étranger, ce qui est excellent. C’est vraiment une très bonne chose pour le groupe, qu’il se développe. Le groupe a toujours été développé à l’étranger, bien évidemment, avec certains albums, mais le remettre un peu au gout du jour et comme ça s’est très bien passé… On a même rencontré des vieux fans un petit peu de partout en Europe, en Pologne, c’était incroyable.
Vous jouez ce soir à Rouen, ville dont provient un des anciens membres du groupe, Olivier qui s’occupait du local 66 à Sotteville-lès-Rouen, ce qui m’amène à diverses questions… la première étant « est-ce que vous avez un job d’appoint ou est-ce que vous ne vivez que de la musique ? »
Mick : Oui, on bosse à coté. Pour la musique, on a tous fait des choix : y en a certains qui travaillent dans la musique… Pour ceux qui ne travaillent pas dans la musique, on a fait des choix, même bien avant de se connaitre pour, justement, pouvoir s’éclater et être sur la route. Ce sont des choix de vie et ça permet de tourner aujourd’hui.
Alain : On arrive à se rendre disponibles pour la route…
Mick : Parce que c’est très dur de partir en tournée et des fois, y a beaucoup de groupes qui utilisent des [membres de] sessions. Je ne vais pas cracher dans la soupe, ça peut nous arriver un jour, on sait pas, je peux pas dire que ça sera impossible chez No Return, mais en tous cas, on est relativement assez disponibles et on a des jobs qui nous permettent de bien jongler sur nos emplois du temps ; J’espère que ça continuera, qu’on pourra toujours se rendre disponibles.
On a vu de nombreux changements dans le line up : rien que depuis la dernière interview avec Soil, un nouveau guitariste, toi, Geoffroy, a repris le poste vacant de Jérôme Point-Canova…
Geoffroy : Hé ouais !
Qu’est-ce qui peut expliquer tous ces changements, hormis toi, Alain [Clément], qui reste le seul membre fondateur originel ?… parce que la liste est quand même assez longue… Est-ce que chaque membre du groupe ne se voue qu’à No Return ou chacun a des side projects en parallèle ?
Alain : Simplement, au bout d’un moment, les gens arrêtent, quand tu ne peux plus te rendre disponible ou que tu n’es plus motivé comme il faut.
Mick : Ce sont des problèmes qui arrivent : tout le monde est plein de bonne volonté… Je l’ai connu avec mon expérience précédente, dans mon ancien groupe ; ce sont des choses qui sont récurrentes dans tous les groupes, dire l’inverse n’est pas possible. Aujourd’hui garder un même line up, tu peux… si tu fais cinq dates dans l’année, c’est carrément possible. La stature d’un groupe comme No Return, sans prétention, le fait de faire des tournées européennes, des choses comme ça, c’est obligé que quelquefois il y ait une petite chose qui se brise… Humainement, ça peut arriver, parce que répéter et se rencontrer de temps en temps, ce n’est pas pareil que vivre ensemble dans un tour bus : tu peux avoir des clashes, ça arrive… On a tous eu des prises de tête entre nous mais on est assez grands, on sait communiquer, on en reparle après. On a tous nos caractères : quand c’est chaud, on laisse un peu passer… En plus certains ont le sang chaud [Rires]… On attend le lendemain, on en rediscute à tête reposée. Là, ils sont en train de se marrer parce qu’ils pensent à moi [rires]…
David [Barbosa, bassiste] : Ça dépend ce qu’il boit…
Mick : Y a de ça aussi… Non mais en fait, il y a beaucoup de facteurs qui font que tu peux finir, pas forcément en guérilla, mais ça peut être tendu ou t’es pas bien…
Geoffroy : Sans parler que de No Return, ça me parait assez représentatif. C’est-à-dire que souvent, quand on commence à faire du Metal, on est jeune, on est à la fac, on a plein de temps… Et puis la vie, elle change, tout simplement. Et puis restent les gens qui ont une réelle motivation pour être là, parce que je pense que c’est un style de musique qui est aussi très exigeant, dans le travail personnel.
Mick : Il y a le facteur « argent » aussi. On ne fait pas ça pour manger, et « chacun voit midi à sa porte », comme on dit. Mais on préfère choisir que ce qu’on a d’entrées comme argent, le réutiliser pour faire des choix de spectacles pour les fans et pour le public, pour se développer tout simplement, donc du coup on est plutôt à la cool, on ne se prend pas la tête. Après, quand t’as une question d’argent qui commence à se mettre pour manger ou payer un jour que t’as pas fait au boulot, là ça peut créer des conflits et c’est une chose que je peux comprendre. En tous cas, moi, tout est clair depuis que je suis entré dans ce groupe, on en a beaucoup discuté avec Alain et j’ai exactement la même vision.
Alain : Donc ça se passe plutôt bien, à partir du moment où tout est clair. Des fois t’as des mecs qui veulent entrer dans le groupe pour être dans No Return ; ils n’ont pas compris qu’ils ne gagneraient pas de thune, que c’est la passion avant tout qui doit mener le projet. Ce n’est pas la thune ni autre chose : c’est la passion avant tout.
Geoffroy : Quand t’as tapé ta journée de huit heures de boulot et que tu rentres chez toi et que t’as encore du boulot à finir pour le lendemain et que t’as encore les concerts, les enregistrements, etc., c’est sur que, la motivation, elle est mise à l’épreuve tous les jours. Tu vas démarrer sur une période de 6-8 mois, un an avec des mecs avec qui tu vas te sentir super bien, et puis à un moment donné la vie te rattrape et faut faire un choix.
David : D’ailleurs, ce soir, est-ce que t’as eu le temps de changer tes cordes ? [Rire général]
Geoffroy : Non, pas encore, mais je vais le faire ! Je suis le mec qui change le plus rapidement les cordes ici : je mets dix minutes…
Faudra que tu me brieffes, je suis preneur… [Rires]
J’aime beaucoup entendre cette phrase : « le Metal, c’est une grande famille »… Quand on regarde la liste des membres présents ou passés dans No Return, elle parait un peu consanguine, la famille, vu qu’on pourrait faire un arbre généalogique assez impressionnant, entre Olivia Scemama qui a été bassiste dans la période Machinery (2002) et qui est la bassiste de Garwall et Balrog, sœur d’Anthony Scemama qui est guitariste de Misanthrope, et Steeve Petit qui est chanteur de Zuul Fx… Est-ce que vous avez/gardez des contacts avec tous ces groupes ainsi que les anciens membres ? Vous trouvez le temps de vous faire une raclette ou simplement boire un coup avec eux ?
Alain : On fait la fête tous les samedi soirs tous ensemble, soirée raclette, tout ça… [Rire général] Évidemment, on garde quelques contacts.
Mick : Après, c’est toujours pareil : ce sont des affinités… J’ai beaucoup d’affinités pour Moreno [Grosso, ancien chanteur du groupe jusqu’en avril 2010], j’adore cette époque-là. Il y a aussi d’autres périodes que j’adore, celle avec Steeve [chanteur jusqu’en 2006], je m’en suis jamais caché, j’aime aussi beaucoup le tout début, il y a des choses dont je suis moins fan mais j’ai toujours respecté le groupe. Il y a des périodes que j’ai préférées, et c’est normal sur une longue carrière : je suis vraiment un fan. Je peux pas me permettre de dire « de la première heure » parce que j’ai découvert No Return quand j’avais 16-17 ans, c’était mon premier concert et c’était avec Tanguy [ancien chanteur de 1992 à 97] : ça envoyait grave du bousin mais c’était pas ma période préférée. Je pense que No Return a toujours envoyé, avec tous les line ups passés. Moreno, je le considère comme mon frère, il y a des liens qui sont restés avec d’autres, et qu’on voit forcément plus souvent, de par le fait que, c’est humain, c’est de l’amitié.
Visiblement, la flamme ne s’est pas éteinte, loin de là, puisque le groupe continue d’avoir des choses à dire musicalement, eu égard à votre dernier album que je trouve franchement excellent. Est-ce que chaque nouvel arrivant apporte de sa patte dans la composition, ce qui fait que le groupe garde une sorte de fraicheur et de nouveauté perpétuelle, ou est-ce qu’un seul compositeur se charge de tout, genre toi, Alain, et l’évolution fait que… ?
Alain : Jusqu’à Fearless, non pas vraiment parce que c’est récent qu’il y ait une aide dans la composition.
Mick : Sur Fearless, si tu veux, on a fait un travail dans lequel Alain a composé tous les riffs. Par contre, c’est vrai que je m’en suis mêlé avec Alain, on a essayé de plus analyser ce qui serait le mieux pour la voix : doubler ceci, les arrangements… Je travaille en home studio à la maison, comme tout le monde ici.
Alain : Le problème numéro un, on y revient, c’est la motivation. Si les gars sont motivés pour apporter leurs idées pour le groupe, ça fonctionne ; si les gars ont une forêt dans la main, ça ne fonctionne pas. Par exemple Geoffroy a beaucoup plus participé sur le prochain album que par exemple Jérôme sur Fearless.
David : Peut-être qu’ils se sont plus sentis bien entre eux…
Geoffroy : Une sorte de bizutage… [Rires]
David : C’est bien un truc de picards, ça !
Geoffroy : Je travaille un peu et après je me repose beaucoup…
Mick : Non, mais c’est vrai qu’il y a une bonne cohésion guitaristiquement et même à tous les niveaux. Et ça fonctionne très bien, on s’appelle souvent et on envoie les maquettes, moi je dis : « Les gars, peut-être ici, j’ai telle idée : transformez un peu pour moi… » Vu qu’on avance chacun en home studio, t’as vraiment un super rendu pro : une fois que tout est fini, on valide, on ne revient plus dessus ; on fonctionne comme ça…
Geoffroy : C’est vrai que ça, c’est ce qui m’a charmé dans le groupe, parce qu’on s’est RENCONTRES avec Alain, la rencontre entre deux artistes [rires et regard complice des guitaristes], c’est musical mais aussi humain [échange de clins d’œil coquins]. Ce qui a été très sympa, c’était que tout de suite… Comme tu le disais tout à l’heure, il y a eu beaucoup de changement de line up mais aussi beaucoup de changement d’humain : ça te donne aussi une ligne directrice sur ce dont tu as besoin pour fonctionner. Géographiquement, on est assez loin les uns des autres, sans internet, c’est vrai que ça aurait été beaucoup plus dur de construire un groupe comme ça mais je pense qu’aujourd’hui, on n’est de loin pas les seuls à travailler comme ça et c’est vrai que ça demande une petite disponibilité… Ça te demande de répondre à ton portable, par exemple, chose que les gens ne font plus, de répondre aux mails, d’être assez réactif, d’écouter ce que l’autre envoie, de renvoyer des choses et ça prend beaucoup de temps mais c’est super intéressant quand on a cette passion, parce que ça reste le fil conducteur du groupe. Dans toutes les formations musicales, ce n’est pas forcément comme ça, et donc c’est aussi un plaisir de pouvoir le faire.
Ma chanson favorite est sur Machinery, si tant est que j’en aie une en particulier tant l’album est bon, et c’est « Disease ». J’en aurai probablement une nouvelle avec ce dernier album. Et vous ? Quelle est votre chanson préférée du répertoire de No Return, présente ou passée et pour quelle raison ?
Mick : Woah, c’est dur comme question… Ce n’est pas pour me branler parce que j’en suis le chanteur, mais il y a une chanson que j’apprécie tout particulièrement, outre le fait que je la chante : j’adore vraiment « Paint your World », je trouve que c’est vraiment un univers… [Échange de vannes entre David et Mick] J’apprécie vraiment cette chanson, je trouve qu’elle a vraiment une âme. Il y a beaucoup de titres que j’adore : il y a « Vision of Decadence », qui est un des premiers titres phare du groupe et j’aime beaucoup aussi « Disillusion » avec Steeve. Après, y a aussi… c’est dur quand même [rire]
Ça sent le fan qui parle…
Mick : Ah ouais ! J’adore aussi, avec Moreno, « News Item »… Il y a beaucoup de morceaux vraiment cool, des morceaux un peu fédérateurs et ça va être très compliqué avec le prochain album, j’ose même pas y penser. Parce qu’il y a des morceaux, même si tu fais la promo du nouvel album, ça va être un sacré casse-tête, et je pense qu’il va falloir qu’on bosse et qu’on propose à chaque fois deux setlists différentes, parce que là ça devient compliqué. Tu imagines ? Plus de vingt-cinq ans de carrière, t’as du choix dans les titres… Ça pourrait être une idée : avoir une set qui tourne et qu’on modifie à chaque date. De toute façon, on s’est déjà posé la question et on pense partir sur quelque chose comme ça.
Alain : Moi, je sais que sur l’album Inner Madness, il y a « Morgane’s Song », parce que c’est une chanson que j’ai écrite pour ma fille, c’est un instrumental.
Mick : C’est vrai qu’il est très chouette, et ce n’est pas le genre de morceaux qu’on joue en live.
Alain : Autrement, c’est vrai que sur notre dernier album, Fearless, j’aime quand même beaucoup de titres. « Submission falls », je crois que c’est un bon panel de ce que No Return sait faire : à la fois rapide, mélodique, avec pas mal de parties de guitares.
Geoffroy : Moi, je vais jouer les petits nouveaux… Et je prends beaucoup de plaisir sur tous les titres qu’on joue dans la setlist puisque, pour l’instant, faut quand même avouer que je ne suis pas arrivé depuis longtemps et que j’en ai appris qu’une [rire général]. Donc ce n’est pas pour faire mon faignant mais on avait quand même un album à composer donc voila… Mais, en tous cas, si je dois choisir un titre, il va être lié au concert parce que je ne vais pas te révéler ce qu’il y aura dans le nouvel album, ça te donnera une raison de refaire une interview [rire]. J’adore jouer « Inquisitive Hegemony » parce je suis évidemment fan de musique à guitares, et c’est un vieux titre mais on a un lead harmonisé avec Alain ; je te dirai pas qu’on en aura quelques uns sur le prochain album, évidemment, c’est une surprise ! La voix est vraiment agressive, on a des couplets qui sont vraiment thrash et le refrain, je le trouve génial… Ma deuxième petite préférée, c’est « Stronger » [than ever, sur le dernier album] parce que c’est celle que j’ai travaillée en premier et c’est là-dessus que j’ai fait ma vidéo pour passer le casting [rires].
Mick : C’est quand même moi qui faisais les pré-filtrages…
Geoffroy : …J’avais mis une chemise pour être beau et… Non, je déconne… Mais ces deux chansons-là, je les aime beaucoup. Et toi [s’adressant à David], t’en as peut-être une préférée ?
David : Alors, c’est une où tu ne joues pas dessus… [Rire général] Sur les vieux, c’est vrai que t’as « Vision », on a tous un peu connu le groupe avec ce morceau-là. Après j’ai beaucoup aimé un morceau de l’album avec Tanguy qu’on a jouée, qui s’appelle [son brouillé par un bruit de fond]… Après, période Moreno, il y a plusieurs morceaux que j’ai bien aimés sur l’album Manipulated Mind, dont « News Item » et aussi « Puzzle of Life ». Il y avait le clip à l’époque. Donc je rejoins notre ami Geoffroy avec le morceau « Inquisitive Hegemony », même si je me souviens plus des titres [rire général]. Et puis c’est vrai que sur le dernier album, y en a pas mal qui sont bien aussi, que j’aime bien. T’as cité, « Stronger », c’est vrai qu’elle est sur un super bon album.
Geoffroy : Il est puissant, il est rapide, il est véloce, il y a de très jolies mélodies dedans… Il a quelque chose qui est entrainant, de vraiment très fort dedans.
De retour sur la carrière du groupe, ça a débuté très fort, entre autres avec l’enregistrement du 2ème album, Contamination rises en 1992 à Tampa en Floride, la contrée natale de Death, une tournée de promo de cet album avec, excusez du peu, Coroner, Napalm Death et Sepultura… Un deal signé avec Nuclear Blast en 2002, puis chez Seasons of Mist en 2006, puis chez Mighty Music en 2015, là aussi pas mal de changements… Une histoire bien remplie, donc. Comment voyez vous la situation et l’évolution du Metal, en France ou à échelle internationale, de votre point de vue et expérience dans la durée ?
Alain : L’évolution, elle est déjà là. Regarde, le marché du CD est moribond… Heureusement qu’à nos concerts, il y a toujours les fans. Il ne faut pas dresser un portrait tout négatif, mais les groupes tournent de plus en plus. Après, t’as un problème de saturation parce que le réseau n’est pas infini non plus et t’as beaucoup plus de groupe, ne serait ce que par rapport à dix ans, vingt ans auparavant, et l’évolution majeure, je la vois : c’est que les groupes sont bien plus en tournée qu’avant, parce que le marché du CD s’écroule depuis plusieurs années. De toute façon, pour moi, un groupe, ça se voit live avant tout. C’est là où tu découvres le truc. Tu peux avoir des CDs mortels : on a tous écouté des CDs incroyables mais…
Les « papas » ont aussi des papas : quels sont les groupes qui ont influencé No Return et l’ont amené dans ce genre ?
Alain : Au tout début, c’est clair qu’il y a eu des groupes de Thrash comme Slayer, Testament, Kreator, Coroner…
Mick : Après, pour ce qui est de l’évolution – parce que c’est vrai que je n’étais pas là au début, à cette époque-là évidemment –, ça a commencé à s’intéresser de plus en plus à la scène thrash scandinave. Pour reprendre la phrase qu’Alain dit souvent en interview, et je la trouve très bonne : « C’est un peu la réponse des scandinaves aux américains », avec des groupes comme The Haunted, Dark Tranquillity ou les premières années d’In Flames, At the Gates, of course. C’est plus de ma génération : j’aime vraiment le Thrash scandinave essentiellement. Bien sur, je suis un grand fan de Slayer mais j’écoute vraiment énormément de Death mélo et de Thrash scandinave, The Haunted, Hatesphere, cette scène-là… Avec l’évolution, je pense que c’est un peu un mix de tout ça, No Return aujourd’hui.
Alain : No return a aussi bien des racines thrash/death américain…
Mick : … que même des racines death mélo maintenant, on pourrait dire. D’ailleurs, on a eu plein de chroniques de l’étranger qui marquaient clairement « Thrash/Death mélo ».
C’est vrai que quand on regarde l’évolution du groupe, on va vers quelque chose de toujours plus mélodique.
Mick : Mais c’est très bien : moi, ça me plait !
Une légende raconte que le groupe passait des heures et des heures à répéter pour atteindre une sorte de perfection dans les morceaux avant de les enregistrer en une fois, en une seule prise…
Mick : Ah moi, ça me ferait rigoler !
Alain : Je ne sais pas où t’as entendu ça, franchement [Rires]
Geoffroy : Tu fréquentes combien de drogués ?!
Tellement… On bosse dans la même branche donc, tu sais…
Alain : Non, non mais… Je ne sais pas d’où tu tiens ça mais…
Mick : Avec l’évolution technique, on n’est plus obligés de faire ça…
Alain : Non mais, même avant : on a des maquettes, on a toujours répété sérieusement avant d’enregistrer un album…
Mick : Après, c’est vrai qu’aujourd’hui, les membres de No Return sont dispatchés partout en France donc, déjà, il faut mettre une autre technique de travail en place, et on en peut pas fonctionner comme ça. Comme je t’ai dit tout à l’heure, on est tous équipés en home studio donc, pour un nouvel album, le créer, c’est facile : téléphone, internet et on a tous le Mac qui va bien. Mais c’est vrai qu’avant de partir en concert ou en tournée on essaye de répéter avant. Là, je n’ai pas pu, mais ils ont répété ; c’était impossible pour moi, j’avais des trucs à faire. Mais autrement, on répète toujours avant les concerts.
Alain : Pour en revenir à l’album, faire tout en une prise, ça relève plus du challenge à la con, parce qu’il n’y a rien de plus chiant que d’enregistrer le tout ensemble.
Mick : Surtout qu’avec les systèmes, la technologie actuelle permet de faire du reamping ; tout le monde le fait, dire le contraire serait mentir, même les très gros groupes le font. On fonctionne pareil, au moins on est calés, on le fait entre nous, on enregistre bien comme il fait les guitares… Et après, s’il y en a qui ne sont pas contents, je les invite à venir aux concerts et voir.
David : On travaille au maximum pour que le rendu soit aussi proche de l’album.
Geoffroy : A mon avis, il faut distinguer deux types de travail. Le premier travail, c’est celui de composition. Aujourd’hui et grâce à la technologie et au numérique, on est plus obligés, comme à l’époque de l’analogique, de filer des morceaux de A à Z pour enregistrer, parce que les bandes, c’était très onéreux à l’époque donc il fallait vraiment préparer son album à 400% pour être à 100%. Aujourd’hui, je dirais que dans le travail d’enregistrement, on travaille quasiment riff par riff pour être le plus efficace possible… Par contre après, pour préparer la scène, les lives, là, il y a beaucoup de travail d’instrumentiste classique : prendre les morceaux lentement, se les remettre dans les doigts tranquillement, avancer un petit peu tous les jours et puis arrivés en répèt’, faire des filages et voir comment ça se passe. Mais même en répèt’, on n’en est plus à faire de la mise en place, on sait tous ce qu’on a à faire en avance.
Mick : Quand on vient à la répèt’, on sait quoi jouer, pour résumer : que ça soit une setlist ou des nouveaux morceaux, parce que ça a été validé. Par contre, ça demande un gros effort de travail à la maison.
Alain : Je pense aussi que ce sont des questions de style aussi : il y a des groupes qui enregistrent live ensemble, notamment les groupes rock, hard rock classiques pour ressortir un truc… Dans le Thrash/Death Metal, aucun groupe ne fait comme ça… Enfin, à ma connaissance, je ne pense pas…
Mick : A part pour sonner old school, oui…
Geoffroy : Il y a Kreator, je crois qui a enregistré en trio les guitares ; ils ne l’ont pas refait… a ne présente pas d’intérêt parce qu’aujourd’hui, on est tous sur le même problème. Donc, à un moment donné, que tu joues ton lead au métronome une fois ou que tu le joues sur l’ensemble des morceaux, ça n’a pas vraiment d’intérêt parce que tu ne te décales pas, t’es au milieu, il n’y a pas d’arrière plan ou d’avant plan… On est sur du Metal, quoi : au milieu.
Ma question suivante va paraitre aberrante pour un chroniqueur d’albums mais est-ce que vous lisez encore et tenez compte des remarques faites dans les chroniques de vos albums ?
Mick : On ne va pas se mentir : bien sur qu’on les regarde puisqu’on a le label manager qui nous les envoie… Personnellement, je m’en tape le cul par terre : je sais si l’album me plait ou ne me plait pas. En l’occurrence, le dernier me plait, j’ai mon avis sur certaines choses à améliorer, que je garderai pour moi, mais j’en ai fait part aux autres membres du groupe. On avait sensiblement tous les mêmes idées sur ma remarque. Il y a eu d’autres remarques également… Et c’est ça qui est cool : se dire qu’au bout de 25-26 ans, on arrive encore à se poser des questions pour avancer. C’est ça qui est génial avec la musique. Bien sur, les chroniques, tu les regardes un petit peu : c’est surtout celles où on se développe, à l’étranger. Des pays comme le Danemark, je pense que le groupe n’y a jamais autant été implanté. Donc, on regarde un peu ce qui s’y passe, juste pour voir ; t’as envie de savoir, c’est de la curiosité. Mais pour cet album, quasiment partout, ça a été un superbe accueil, donc ça fait plaisir. On suit ça de loin, en fait…
Geoffroy : Je pense que le travail de chroniqueur est assez important, en fait, parce que ça permet aux gens qui n’ont pas forcément jeté une oreille dessus, ou qui n’aurait pas Deezer ou Spotify, de pouvoir se dire : « Alors, qu’est-ce que c’est, ce nouvel album ? » S’ils suivent un peu le groupe, ou pas, ils ne connaissent pas, et c’est éclairant. Quand t’es artiste et que t’as pondu un album, normalement t’es censé avoir aimé tous les titres que tu vas faire, donc si tu découvres des trucs, des avis, ok, mais tu dois être fier de ta musique avant de franchir la porte du studio sinon il ne faut pas y aller.
Mick : C’est le fond de ma pensée, ce que vient de dire Geoffroy. Pour moi, il n’y a aucun album que je regrette. Je te parle dans l’instant T, forcément, parce que quand je revois des vieilles démos de mon ancien groupe, tu fais : « Oh la, la… »
« Oh putain, j’ai joué ça ?! »
Mick : Ouais voila. Après, le principal, c’est que, quand il sort, tu sois fier de ce que tu fais, de te battre sur scène pour défendre ton album, en équipe.
Alain : Ce qui est le plus important pour moi, avec les chroniques, c’est la réaction, le ressenti des fans, des gens qui viennent te voir en concert. Si les gars viennent te voir en live, ce sont eux qui te permettent de faire que le groupe soit encore là et existe encore. La chronique peut être bonne ou mauvaise…
Mick : Le ready made tous les soirs, c’est un peu la lose… Ce n’est pas arrivé, heureusement. Je me dis qu’on a la chance de faire la musique qui nous plait, on ne fait pas non plus des Zéniths, mais on a toujours un public, que ça soit n’importe où ; c’est quand même une putain de chance ! C’est le rêve de tout le monde, donc autant en profiter, le faire et s’éclater sans se poser trop de questions.
Je vais encore revenir sur la précédente interview que tu [Mick] nous avais accordée : l’adrénaline est toujours présente, aussi bien sur une mainstage du HellFest que dans un petit club rouennais ?
Mick : Complètement, ouais ! On en a déjà souvent parlé de ça : j’aime les deux, c’est ce que j’ai souvent dit dans des interviews de tes confrères d’autres webzines. J’adore être près du public, donc les clubs comme ce soir, c’est juste parfait, parce que tu peux voir le regard du mec, t’es à fond… Bien sur, je ne vais pas cracher sur une mainstage… C’était « Chwing ! », quoi, c’est clair, évidemment… mais ce n’est pas du tout la même approche. Tu vois, même au HellFest, j’ai dû être obligé de sauter la mainstage de deux mètres, j’ai failli me prendre la taule de ma vie [Rires], mais il fallait que je touche les gens, leur serrer la main, j’ai chanté sur la barrière, c’était vraiment excellent. Ça te résume un peu mon fonctionnement. C’est sur qu’Alain, il ne peut pas avec une guitare…
Avec un H.F., peut-être…
Geoffroy : Ouais, ou avec des guitares en mousse ! [Rire général]
Mick : Après, les deux sont vraiment excellents, mais j’ai une petite affection pour les clubs, j’adore les clubs.
Alain : Je préfère aussi : c’est plus un plus petit public mais même, tu vois, quand les scènes sont trop grosses, le public te semble loin, ce n’est pas le même rapport.
Mick : Et puis souvent les conditions sont meilleures : t’as tous les retours qu’il faut… Même si c’est un peu rock n’ roll, ce n’est pas grave… Après, c’est vrai qu’il n’y a pas de diva dans le groupe… Et puis plus rien ne nous fait peur : on revient de tournée, avec un line check en quinze minutes et ça envoie. Après, t’es habitué, t’as la même équipe… On adore les deux mais petit pincement au cœur pour les petits clubs bien blindés avec une ambiance de dingue.
Pour finir cette interview en version kamoulox, « un petit mot avant de se quitter ? »
Mick : Venez nous voir en concert, déjà, et surtout écoutez le prochain album parce qu’il va déboiter ! Bon, vous pouvez aussi écouter les autres, hein… [Rires] Et puis Fearless si vous en l’avez pas écouté encore. Et puis on tient à remercier tous ces passionnés qui bougent aux concerts : il y en a certains, des fois, qu’on rencontre et qui font des bornes et ça fait vraiment chaud au cœur. Merci à tous, on est tous là pour une chose : c’est se faire plaisir, et le Metal, c’est la fête… Et merci à Soil Chronicles pour cette interview.
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1 Commentaire sur “No Return – Interview”
Posté: 28th Nov 2016 vers 14 h 52 min
[…] français que sont No Return (que nous avons eu le plaisir – et le sourire – d’avoir en interview peu de temps avant le début des […]
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