Entretien réalisé à Clisson par Mr Olc, support vidéo par Miss Gwenn
La première fois que j’ai réellement écouté la musique de Watain, c’était à Paris en première partie de Dissection. Je m’étais pris une sacrée claque et avais suivi le groupe de près depuis ce moment. A travers les années et les albums, le groupe s’est imposé comme une valeur sûre en matière de musique aussi noire que profonde.
Je ne pouvais donc pas louper l’occasion de discuter avec Erik pendant le Hellfest et d’en apprendre plus sur Lawless Darkness , leur dernier album, mais également sur ce qui anime ce groupe emblématique..
Place donc à une longue discussion.
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Il y a quelques jours a eu lieu l’Armageddon Festival avec des groupes qui partage la quintessence de Watain : Von, The Devil’s Blood, Repugnant… Comment c’était ?
Excellent. J’ai vraiment été satisfait de cette expérience. C’était également un plaisir de voir qu’au cours de ces 11 années en tant que groupe, nous avions toujours eu beaucoup de gens autours de nous, nous encourageant et nous aidant, parfois indirectement, et beaucoup de ces personnes étaient là ce soir. Il y avait ces amis de très longue date mais également des personnes que nous ne connaissions pas 11 ans plus tôt et qui aujourd’hui sont là pour nous.
Ce concert vous a donc permis de faire le point, de voir ce que Watain avait accompli au cours des 11 dernières années.
Oui, exactement.
Selim Lemouchi apparait à deux reprises sur Lawless Darkness, tu l’as également aidé sur son album en écrivant les paroles de The Yonder Beckons. Les liens entre les deux groupes semblent être forts. Comment as-tu découvert The Devil’s Blood ?
Il me semble que j’avais rencontré Selim avant qu’il commence The Devil’s Blood. Le lien entre les deux groupes est quelque chose de très naturel. Watain et The Devil’s Blood, sans faire la même musique, expriment la même chose à partir de la même source d’énergie et restent dirigés vers cette même source d’énergie. C’est ce qui nous lie car très peu de groupes ont ce même désir, cette même ambition. D’ailleurs, je pense que le lien se serait fait tôt ou tard même si nous ne nous étions pas connus auparavant. Aujourd’hui, nous sommes devenus de très bons amis, très proches. Nous avons même des projets ensemble.
Tu veux parler d’un groupe qui vous réunirait ?
C’est trop tôt pour en parler. Watain, tout comme The Devil’s Blood, sont deux groupes très créatifs. Pour le moment il ne s’agit que d’idées, nous verrons bien…
Parlons maintenant de ce nouvel album. Si Sworn To The Dark pouvait être ressenti comme un cri d’unification sous le serpent, Lawless Darkness nous laisse davantage au milieu d’un chaos complet où seule la Mort nous attend. Pourrais-tu nous en dire plus sur l’âme de cet album ?
C’est une très bonne question, mais il m’est impossible d’y répondre correctement. Lawless Darkness est la chose la plus forte que nous ayons créée avec Watain, et c’est quelque chose que j’exprime bien mieux à travers la musique qu’avec n’importe quel mot. Ce que nous faisons avec Watain est une parfaite traduction, ou je devrais plutôt dire notre meilleure tentative de traduire ce que nous ressentons intérieurement, ce qui nous traverse.
« Ces mots ne sont pas prononcés par moi, mais à travers »… [Paroles de I Am the Earth – ndlr]
C’est exactement ça.
Vous avez contacté Zbigniew Bielak pour réaliser la couverture de cet album. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce choix, car je ne connaissais pas cet artiste, et sur le sens de la couverture ?
Et bien, personne ne connaissais ce type en vérité. En fait, c’est lui qui est venu nous contacter de lui-même pour proposer ses services. Je suis donc allé voir son site et puis je me suis dis « Pfff… Il n’y a rien d’intéressant pour nous ». Par la suite, il a continué à nous écrire et à insister donc j ‘ai fini par lui envoyé un brouillon en lui disant « ok, essaie ça et nous verrons ce que nous ferons. » Le jour suivant, il m’a renvoyé l’illustration de Kiss of Death, et là je lui ai répondu « Euh… Ok, c’était quoi ton nom déjà ? » (rires)
Donc ça a été une réelle surprise pour toi ?
Ouais, complément. Le fait est que ce mec n’a jamais vraiment travaillé pour aucun autre groupe. Il a réalisé très peu de choses, ça c’est son plus grand boulot. Nous étions en train de travailler sur Lawless Darkness quand nous nous sommes dit « merde, il faut que ce type bosse avec nous sur cet album, il faut que ce soit lui ! »
Parce qu’avant, c’était toi qui travaillais sur les couvertures ?
Non, je n’ai pas fait les couvertures. Je m’occupe des livrets et nous avons toujours donné les idées pour les couvertures mais c’était un autre type qui les faisait avant, Timo Ketola. Pour Lawless Darkness par exemple, c’est moi qui ai écrit les paroles de l’album, et les illustrations doivent être liées à cela, mais elles sont réalisées par Bielak. Quand nous avons commencé à travailler ensemble, nous échangions, pour chaque illustration, des mails qui prenaient une heure à lire.
Pour revenir à la couverture, l’idée, en simplifiant, est que ce sont les trois membres de Watain qui sont représentés : moi avec la trompette, Håkan avec les baguettes et Pelle avec le trident en guise de guitare. Ensemble, nous retirons le voile qui mène à l’obscurité sans loi, Lawless Darkness.
Afin de montrer que ce que vous offrez à travers votre musique est un passage vers l’obscurité…
Exactement, et la couverture de Lawless Darkness en elle-même est basée sur les Tables de la Loi de Moïse qui sont brisées. Et à partir des restes anéantis de la Loi nait l’esprit de Satan qui, sous sa forme libérée, peut retourner à son combat avec Dieu.
Ok. Tu as parlé d’une illustration que Bielak a faite pour Kiss of Death, de quoi s’agit-il ?
Ah oui, la voici. [Erik ouvre le livret du vinyle de Lawless Darkness]
Ah d’accord, je n’avais pas encore vu le livret. Et donc c’est la première illustration qu’il t’a envoyé ?
Oui, tu comprends pourquoi maintenant !
Oui, ça convient parfaitement à l’esprit de Watain, c’est impressionnant.
Il a fait un boulot énorme et superbe. Le symbolisme derrière chacune des illustrations est très complexe. Je pense qu’un boulot pareil m’aurait demandé 10 ans à réaliser. Il y a tellement de détails et de symbolismes dans ces illustrations…
Donc il est possible que vous travailliez avec lui par la suite ?
Oh oui, absolument, il le faut !
Lawless Darkness n’est pas seulement la chanson-titre de l’album mais également un morceau instrumental inhabituel. Pourquoi ce morceau porte-t-il le titre de l’album et pourquoi avoir choisi de faire qu’il soit seulement instrumental ?
A cause du simple fait que Lawless Darkness est un terme qui a été crée pour représenter quelque chose qui ne peut pas être exprimé avec des mots. Nous ne voulions pas essayer de communiquer le sens de cette chanson avec des mots car cela n’aurait fait que limiter le ressenti des gens. Nous voulions laisser les auditeurs s’approprier le morceau au fur et à mesure qu’ils l’écoutent. C’est pour laisser la porte ouverte en quelque sorte.
Vous ne vouliez pas figer tout cela avec des paroles.
Voila, c’est ça.
Quels écrits ou quelles philosophies nourrissent ta vision de l’occulte ?
Tout ce qui est écrit avec un certain niveau de discernement à propos de l’occultisme ou à propos de la religion m’intéresse. J’ai ma propre façon d’exprimer, de clamer mes croyances et tout ce que je lis et que j’expérimente est en rapport avec cela. Parfois les gens sont surpris quand j’utilise la Bible en tant que référence. Pourtant, je n’ai jamais dis que la Bible en elle-même est la clé de la sagesse. Je dirais plutôt que la Bible, ou n’importe quel écrit religieux, peut être utile pour élargir son champ de pensée et pour mettre des mots sur des choses ou des symboles qui, arrivés à un certain niveau, sont du domaine de l’abstraction. Voila comment j’utilise les écrits religieux.
Arioch, de Funeral Mist et Marduk [Mortuus dans Marduk –ndlr], utilise aussi fréquemment la Bible d’une façon très intéressante. Partages-tu son point de vue sur tout cela ?
Je dirais que je partage son approche générale de la religion. La façon donc nous l’exprimons en revanche est différente sur certains points. Il s’exprime presqu’ uniquement à partir des écrits bibliques et en langage biblique [Arioch détourne souvent des écrits bibliques écrits en latin –ndlr]. Personnellement, je me sens lié à cela, c’est certain, mais je ne me limite pas à un seul moyen d’expression. Cependant, je comprends et je respecte totalement la façon dont il fait tout cela. Se limiter, dans le contexte religieux, peut revenir à faire un choix qui permet d’obtenir plus de pouvoir. Tu sais : plus tu presses quelque chose, plus il devient compact et dense, et donc plus la source devient puissante. C’est un moyen d’illustrer ça. Donc, la façon dont il fait cela, absolument, je peux m’y identifier, mais je ne m’exprime pas à 100% de la même façon, je préfère être plus ouvert, je pense, quand il s’agit de source religieuse.
Vous utilisez la même source mais vous ne lui faites pas prendre la même forme en quelque sorte. Plusieurs années séparent chaque album de Watain. Comment travaillez-vous sur l’écriture ?
Ah oui… Je ne sais pas… Enfin je veux dire, je ne me souviens pas réellement du procédé d’écriture. Je peux comprendre que la plupart des artistes soient à l’aise sur ce genre de question, mais pour moi c’est complètement chaotique. Tout d’un coup nous nous retrouvons en studio avec un album comme Lawless Darkness et nous nous disons : « putain mais comment on a fait ça ? » Cela a à avoir avec le fait que je ne considère pas vraiment les 3 membres de Watain comme l’artiste principal du groupe, j’en considère un quatrième, dans notre cœur et nos tripes, qui est la principal pilier artistique.
Encore une fois, « ces mots ne sont pas prononcés par moi, mais à travers ».
Exactement, cela explique également pourquoi il est si difficile pour moi de mettre des mots ou de décrire une structure à propos de la composition.
Je pense que tu partages cette idée avec The Devil’s Blood car…
Oui, absolument ! Je pense que moins tu t’intéresses à cela, plus tu obtiens de puissance. C’est pour faire comprendre qu’un artiste, en tant qu’être humain, doit chercher à comprendre le moins possible ce qu’il fait, car il n’est qu’un receveur.
Quel regard portes-tu sur Casus Luciferi (2002) aujourd’hui ?
Justement, j’en parlais hier avec les autres membres du groupe. Pour moi, cet album a été notre premier vrai pas avec Watain dans une réalité complètement différente et nouvelle pour nous. Nous venions d’arriver au moment où nous avons compris que nous n’étions plus aux commandes désormais, et je peux encore ressentir exactement cela quand j’écoute cet album aujourd’hui.
Vous réalisiez que ce n’était pas vous qui l’aviez écrit ?
En quelque sorte, ou tout du moins, qu’il n’y avait pas que nous qui étions impliqués. Que quelque chose de plus grand l’avait également enregistré.
Il y a un morceau qui, selon moi, est au-dessus de tous les autres, enfin, c’est mon avis… Mais je pense que I Am The Earth est une chanson qui reste au-dessus des autres. Que ressens-tu pour cette chanson ?
Elle est très importante pour moi et nous la jouons toujours lors des concerts. Cette chanson est l’un de ces choses qui arrivent sans prévenir et qui se révèlent telles qu’elles sont sans que tu aies besoin d’y réfléchir. Oui, I Am The Earth signifie beaucoup de choses lorsque nous la jouons.
Quelque chose de complètement anecdotique, durant la chanson Reaping Death, on peut t’entendre crier « Here’s no peace », est-ce un clin d’œil à Marduk ?
Non, ce n’est pas un clin d’œil à Marduk mais il y a plusieurs de références cachées dans cet album. Et puis, le « here’s no peace » de Marduk fait plus allusion à la mort, alors que je le mien, dans les paroles, est lié à l’obscurité, je pense. Mais il y a plein d’allusions dans les paroles et j’aime bien la façon avec laquelle je peux travailler avec.
Y a-t-il des groupes de Black Metal français que tu écoutes actuellement ?
J’adore écouter Antaeus de Paris. Mkm est un frère de longue date si je puis dire. Et je trouve toujours cela regrettable qu’ils n’aient jamais réussi à maintenir le groupe. Sinon en dehors de cela, Hell Militia est un excellent groupe et Arkhon Infaustus également… Il y a tout un ensemble de groupes et d’amis qui ont toujours été proche de Watain à Paris.
As-tu écouté le nouveau projet de Mkm, Aosoth ?
Non à vrai dire, je me tiens très peu au courant des dernières sorties. Probablement parce que la plupart des choses que j’écoute sont des vieux morceaux que je continue de redécouvrir.
Et tu es toujours proche de Norma Evangelium Diaboli à présent ?
Oui, oui ! Ils ont sorti le vinyl.
Mais vous travaillez avec Season Of Mist à présent.
Oui mais Norma sortira toujours la version vinyle. C’est un moyen de conserver les liens qui nous lient car au départ Norma Evangelium Diaboli a été crée à partir de groupes qui sont maintenant sur le label. C’était une idée que nous avions en commun pour renforcer un cercle Black Metal qu’il y avait à l’époque et qui existe toujours d’ailleurs, malheureusement, un peu moins avec nous, mais nous appartiendrons toujours à Norma Evangelium Diaboli.
Pour toi, ce label est un lien entre des groupes qui partagent la même vision.
C’est ça.
Season Of Mist ne semble pas douter de votre potentiel. Nous pouvons voir qu’ils ont mis le paquet dès le single Reaping Death. Comment ça se passe avec eux ?
C’est un très bon label et tout se passe très bien. Mais pour moi ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse, c’est comme une banque. Ils font un excellent travail mais c’est en dehors de Watain. Tout ce que je peux dire c’est que ça se passe bien et qu’ils s’occupent de tout, de sorte que je n’aie pas à m’en soucier moi-même. Il faut savoir un peu ce qu’il se passe tout de même, mais je le suis car je sais ce que nous faisons et où nous allons. Il faut trouver la bonne personne pour s’occuper de cela, et je pense que c’est le cas, mais ça ne va pas au-delà.
J’ai l’impression que la ligne de basse a changé depuis Casus Luciferi. Est-ce toujours toi qui l’écris ?
La basse est quelque chose que nous partageons dans le groupe. Nous n’écrivons jamais de ligne de basse avant l’enregistrement.
Ah bon ? Même sur Casus Luciferi ?
Oui.
C’est surprenant, parce que sur cet album la basse exécute un vraie mélodie souterraine.
Oui, parce que nous faisons beaucoup d’efforts sur cet instrument mais quand nous composons il n’y a que moi, Pelle et Håkan et nous utilisons seulement les guitares et la batterie à ce moment.
Dernière question : comme nous sommes au Hellfest, faisant face aux portes de l’Enfer, qui existe bel et bien finalement, quelle serait ta première pensée ?
[Long silence] J’espère que je ne serai plus capable de penser à ce stade mais… Je suis enfin chez moi.
1 Commentaire sur “Watain au Hellfest”
Posté: 20th Nov 2010 vers 0 h 37 min
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