Sorti il y a quelques mois en édition physique limité et également en téléchargement à prix libre pour les retardataires (grâce au lien en bas de la page), « Amito » a été pour moi une vraie découverte à la fois onirique et subtile, qui ne se dévoilait qu’au fil des écoutes. Et pour ne rien gâcher, les membres de White Note sont aussi des gars très sympas, alors la sortie de leur vidéo reprenant « Welcome Home » de Radical Face était l’occasion de revenir avec eux sur le groupe, cet EP qui m’a tant convaincu et leurs prochains projets.
Pouvez-vous présenter le groupe ?
Nous sommes White Note, groupe de Rock post-alternatif. Notre musique est dans la continuité de l’évolution du Rock au sens large du terme, avec une grande influence Post-rock, et une teinte de Pop. Entre autres influences, bien sûr 🙂 .
Pour faire un tour rapide du groupe : Nicolas Boblin (chant/guitare), Paul Jarret (guitare, chœurs), Sebastien Hurtel (basse), Dimitris Bouchez (batterie), et le petit nouveau : Antoine Karacostas (clavier, effets sonores). Chacun d’entre nous mène ou fait partie d’autres projets (jazz, pop, math rock, musique irlandaise…).
Vous étiez, au moins pour la plupart d’entre-vous, étudiants en musicologie. Comment avez-vous retranscrit les connaissances, que vous avez acquises lors de vos études, dans votre musique ?
Quand on passe par l’apprentissage dans un domaine, et qu’on veut ensuite être créatif, il faut réussir à se détacher de ce qu’on a appris, tout en s’en servant. La question, c’est : comment appliquer ses connaissances à son style de musique ? Comment construire un discours, une narration ? La musicologie permet d’étudier les codes de langages de certains courants musicaux, mais c’est aussi à toi de faire le boulot pour d’autres courants qui ne sont pas vraiment théorisés comme le Post-rock ou le Metal…puis de savoir transgresser les règles dans un vrai but musical. En ce qui nous concerne, on a toujours cherché à établir une structure de base, un squelette, puis à l’habiller (parce qu’il faut sortir couvert).
Votre nom, White Note, m’évoque quelque chose de très évasif, comme simple mot très succin, élégamment écrit à la main sur un morceau de papier sur le point d’être porté par le vent (poétique, hein ?). D’où vient-il ?
Très poétique, en effet 🙂 C’est un peu ça, l’idée de départ. White Note, une note blanche pour évoquer des passages étirés, un papier vierge d’écriture sur lequel on s’apprête à noter quelque chose, une idée en suspens qui ne demande qu’à exister mais qui n’existera réellement que lorsqu’elle sera lue. C’est aussi la représentation d’une certaine pureté souillée par l’encre, comme si le simple fait d’apposer sa marque quelque part était déjà un affront à un état de virginité. Not White, pas si blanc que ça finalement…et puis, il y a aussi la petite référence à la « blue » note, ainsi que, pourquoi pas, un formidable jeu de mots 🙂 .
Dans votre musique, j’ai pu distinguer des influences de Sigur Ros, notamment, même si elles se font beaucoup plus discrètes sur « Amito », quoi qu’on en dise, et si elles sont bien mélangées à plein d’autres choses moins Post et plus Rock. Quelles sont vos autres inspirations ?
Oulà ! Le sujet est vaste 🙂 Nous sommes inspirés par n’importe quel assemblage de sons, si tant est qu’il nous paraisse musical. On avait effectivement la volonté sur « AMITO » d’avoir quelque chose de plus pêchu que sur notre album « Undo Me ». Ça serait trop long d’énumérer toutes nos influences, mais pour donner une idée, on cherche un groove Hip-hop sur une de nos nouvelles compos en ce moment, et un riff de clavier peut rappeler le Dubstep sur une autre…finalement, l’instrumentation Rock n’est qu’un prétexte à faire de la musique au sens large, on se donne un carcan dont on veut pousser les murs 🙂 .
Et en ce moment vous écoutez quoi ?
Nico : Zapruder (hard-core de Poitiers), PJ5 (nu-jazz), Clerks (jazz), Moiré (electro-acoustique-jazz-ovni), Bach (un p’tit gars plein d’avenir), Who Made Who, Blue Chill (brestois)…
Paul : Isabel Sörling, Ambrose Akinmusire, Bombay Bicycle Club, Lennie Tristano, Loney Dear, Martin Simpson, Steve Lehman, A Tribe Called Quest, Woody Guthrie…
Antoine : Gerald Clayton, Jason Moran, Dorian Concept, Hiatus Kaiyote, Nils Frahm, Clark…
Seb: Everything everything, John Scofield, Climax Orchestra, Dawnshape, Roy Hargrove, Esperanza Spalding, Gerald Clayton, Soweto Kinch…
Dim : Alt-J, Steven Wilson, Between The Burried And Me, Trioscapes, The Roots, Storm Corrosion, Bleed From Within, Gojira, Grieves…
L’artwork de « Undo Me » me rappelle, d’une certaine manière, le Prog des années 70. Celle de « Amito » est beaucoup plus abstraite et j’adore ce système de fourreau « interactif ». D’où vous est venue cette idée ?
L’idée vient intégralement du concepteur de la pochette, Antoine Dupuy ! On connaissait déjà son travail, et on lui a donné carte blanche pour faire la pochette de l’EP, et il nous a pondu cette idée de génie 🙂 Bien sûr, il a fallu plusieurs prototypes pour en arriver là, mais le concept final lui est venu assez vite.
Comment est arrivé le choix de financer « Amito » par un site de crowdfunding ?
L’enregistrement d’ « AMITO », c’était surtout un besoin de poser à plat de nouvelles compos, plus qu’une sortie d’un nouveau CD, du moins au début. Au départ, on pensait juste sortir l’EP en numérique. Donc le budget ne devait concerner « que » la production du son. Et puis, on nous a conseillé de s’intéresser au crowfunding pour le produire, ce qu’on a fait, mais on s’est dit que si les gens participaient à la création d’un EP, la moindre des choses était de les remercier avec une version physique du CD. L’engouement du public pour notre projet nous a réellement touchés ! A force de lire et d’entendre tout le mal que l’être humain est capable de faire à son prochain, on en oublie à quel point les gens peuvent être solidaires et aidants ! Encore très récemment, on a mobilisé une bonne quinzaine de bénévoles pour le tournage de notre nouvelle vidéo, une reprise de « Welcome Home » de Radical Face. C’était une journée géniale, pleine de bonne humeur et de bonne volonté, où chacun s’est donné à fond pour un super résultat ! 🙂
Allez-vous faire de même pour votre prochaine production ?
Probablement ! Mais la prochaine production (notre 2ème album) nous coûtera certainement plus cher ! Mais nous comptons sur vous pour nous offrir votre budget vacances, bien sûr.
Les paroles de « Amito » ont un côté assez… « nuageux ». J’ai cru discerner une recherche de l’être aimé, mais ça reste assez vague, d’autant plus quand on pense à ma compréhension de l’anglais. De quoi parle cet EP ?
C’est volontairement vague, afin que chacun y trouve sa propre interprétation. Par exemple, la première chanson, « Can’t Afford Your Love », parle d’une personne qui ne peut se permettre l’amour d’une autre, pour des raisons qu’on ignore. Dès le départ, l’usage du « Can’t Afford » pose problème : est-ce qu’on parle de ce qu’on ne peut se permettre d’un point de vue éthique ou par manque d’argent ? Quel droit a la personne qui parle sur le cœur de l’autre ? Le protagoniste étant fataliste sur l’issue de cette relation déjà terminée, si tant est qu’elle ait jamais commencé, clame qu’il va chanter fort, puis danser pour la personne visée, à défaut de pouvoir l’aimer. Puis, il va lui reprocher de gâcher sa vie à accepter une autre union que la leur, et n’osera que dire qu’il l’adore, le fait de l’aimer lui semblant interdit.
Dans « AMITO (Last Smile) », il s’agit d’une personne au chevet d’une autre, qui constate que cette dernière aura le sourire aux lèvres au moment de mourir, car elle aura vécu sa vie comme elle l’entend. C’est une sorte de « remise à sa place » de l’importance des choses, ou plutôt de la hiérarchie de l’importance des choses. La différence entre vivre, et Vivre sa vie. Ça peut remettre en question le mode de vie, les projets, la vision de l’avenir de chacun. La coda (jouée uniquement par un quintet de cuivres) est volontairement funèbre, et paradoxalement porteuse d’espoirs.
« Find You » est parfaitement la recherche de l’être aimé, en effet. Cependant, ces deux mots étant les seuls du titre (ou presque : « I’ll find you »), on ne sait s’il s’agit d’une personne encore de ce monde, d’une personne disparue, d’une personne qui se cache volontairement (et qui serait menacée par l’autre ?), ou simplement d’une espèce d’introspection. On ignore également si on parle de sentiments amoureux dans le cadre d’un couple, ou d’un amour familial, fraternel, amical. Tout ce qu’on sait, c’est que le protagoniste est déterminé à réussir sa quête, il exprime sa volonté avec colère et presque agressivité, car il est passionné (au sens fort du terme). Il faut savoir que ce titre avait été écrit dans l’urgence puis diffusé gratuitement dans le but de remercier des internautes de nous avoir fait gagner un concours, sa présence sur l’EP a d’autant plus de sens pour cette raison.
Le dernier titre « Lie in Lies » est encore un monologue dont on ne sait s’il est entendu par la personne concernée, ou juste pensé. Ces paroles sont très très personnelles, et sont venues naturellement avec l’écriture de la musique. On peut comprendre qu’il y a beaucoup de reproches mêlés à un sentiment fort d’affection, de compréhension, et de tristesse. C’est le constat que la personne « incriminée » est simplement humaine, et qu’on peut difficilement lui en vouloir même si c’est légitime.
« Amito » me fait penser à un voyage, peut-être est-ce le côté très éthéré de la musique. Mais j’ai eu l’impression que, même si les morceaux sont bien séparés, qu’ils formaient un tout. Étaient-ils prévus dans ce sens ?
Au départ, on avait prévu de mettre seulement 3 titres sur cet EP : « Can’t Afford Your Love », « Lie in Lies », et « Find You ». On avait déjà quelque chose de très communs entre ces 3 nouveaux morceaux, que ça soit au niveau de la nouvelle énergie rock ou au niveau de la narration des paroles. Et puis, après que la collecte kisskissbankbank a réussi, on s’est mis à composer très naturellement « AMITO (Last Smile) » qui est venu s’insérer parfaitement dans l’EP, jusqu’à en devenir le titre principal et lui donner son nom. L’acronyme AMITO signifie « All Minds Involved Taken Off » qu’on pourrait traduire par « toutes les âmes impliquées sont emportées ». C’est une manière de remercier tous les internautes qui par leur co-financement ont permis la production de cet EP, et on voulait exprimer notre volonté de les emmener avec nous dans le voyage, dans la mesure où leur participation a fait d’eux de réels acteurs de notre musique.
Comment se déroule la création de vos morceaux ? Est-ce quelque chose de collectif, comme des discussions lors des répétitions (chose qui semble très difficile, quand on pense à la grande cohérence de vos titres), ou quelque chose de plus isolé ?
Ça dépend des morceaux ! Le plus souvent, Nico ou Paul ramène une idée de départ, et on brode tous ensemble autour. Mais parfois, le morceau naît de nulle part en plein dans une répé. Il arrive aussi que le morceau soit entièrement composé par Nico en amont. Dans tous les cas, il y a toujours un gros travail de composition/arrangement entre nous.
Avez-vous déjà commencé à travailler sur de nouveaux titres ?
Oh que oui ! 4 compos en cours, et 2 autres en attente 🙂 .
Est-ce que « Amito » est une sorte d’introduction à votre prochain album, ou quelque chose d’à part, une expérimentation que vous effacez ensuite pour pouvoir tenter d’autres choses ?
C’est clairement une introduction, voire même un extrait du prochain album ! Même si on ne sait pas encore quels titres de l’EP on va garder. Mais ça nous empêche pas de tenter d’autres choses, bien au contraire. On efface jamais nos travaux précédents, ça reste une évolution sur le long terme.
Où pourra-t-on vous voir prochainement ?
Probablement à l’International, à Paris, même si on n’a pas encore la date. Le mieux c’est de nous suivre sur facebook (www.facebook.com/whitenotetheband) pour être au courant de notre actu, ou de vous rendre de temps en temps sur notre site internet (www.whitenote.fr).
Et dernière question que j’aime bien : à quelle question qu’on ne vous a jamais posée aimeriez-vous répondre ?
Merci de poser cette question, c’est vrai qu’on manque d’opportunités de s’exprimer sur de vrais débats de fond dans les interviews en général. Les questions tournent toujours autour de notre musique, mais personne ne s’intéresse de savoir si on aime les hamburgers, et c’est toujours profondément cruel de ne pouvoir le préciser. Alors, pour répondre à cette question qui sans nul doute passionnera les lecteurs : oui, mais faits maison.
(Photos par C.Robiche ; logo par Elodie Jarret)
Site Officiel : www.whitenote.fr
Facebook : www.facebook.com/whitenotetheband
Bandcamp du groupe (Amito à prix libre) : whitenote.bandcamp.com/album/amito
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