Aorlhac + Nydvind + Griffon + Bovary (Grenoble, l’Ampérage, 07 décembre ...
Photos : Melissa Beugnies
Report : Quantum
Ce concert, c’est l’histoire d’une antithèse : Ondes Noires qui organise une soirée avec quatre groupes estampillés black metal, dans leur globalité, à l’Ampérage qui est une intensité électrique et par définition, une source de luminosité, je trouvais cela assez cocasse. La lumière et l’ombre réunies pour le temps d’une soirée avec quatre groupes français, dont certains deviennent ou sont déjà des sommités dans le milieu black pagan. L’affiche est belle pour l’amateur de black metal pagan que je suis : sont réunis ce soir deux groupes dont j’ai chroniqué un CD – Griffon et Bovary -, un groupe inconnu au bataillon en la personne de Nydvind et Aorlhac que j’ai malencontreusement loupé au Hellfest (le laissant pour ma vénérée consœur BloodyBarbie) et dont je me faisais une joie de voir en concert, vu les échos favorables que j’en avais.
Premier couac sur l’organisation du concert : l’ouverture des portes était annoncée pour 19h, or me voilà avec quelques clampins de galère devant porte close, dans le froid. Outre le fait que j’ai eu le temps de décortiquer la façade rouge et noire de la salle et d’écouter les balances de Bovary, cette attente m’a permis de découvrir qu’il y a quelques visages connus pour ce soir : Matthieu Laforêt du groupe Hellixxir qui me tiendra gentiment compagnie et surtout, Aleevok le bassiste live de Darkenhöld ayant le one-man band Belore qui a lancé son premier morceau récemment, et qui s’annonce de bien belle facture. Ce dernier est venu de Marseille exprès pour voir Aorlhac, ce qui est à souligner! Enfin, 20h00 annonce l’ouverture des portes et Bovary entre en scène avec un peu de retard.
L’introduction démarre, la même que celle du premier EP Mes Racines dans le Désert et les musiciens attendent, dos tourné, l’arrivée de leur chanteuse et le set démarre sur le morceau « Ta Vie C’est mes Chiottes », morceau que je reconnais aussitôt ce qui est un bon point pour le groupe puisque j’avais chroniqué le premier CD et que je l’avais beaucoup aimé.
Le constat que je fais de Bovary a deux poids deux mesures : en restant strictement scénique, le groupe a du potentiel, c’est évident. Certains musiciens ont de l’expérience et cela se voit, d’autres un peu moins (et cela se voit aussi) mais malgré cela, certaines incohérences sont bien présentes. Si l’atout principal du metal dépressif est le stoïcisme – et le public leur a bien rendu hommage en restant de marbre -, certains se sont montrés par moment souriants sur scène ce que je trouve, non pas extrêmement grave, mais au moins incongru. D’autre part, et c’est là que le bat blesse le plus je dirais, l’enchaînement des morceaux ne collait pas. On voyait bien qu’ils n’étaient pas du tout disposés à être joués ensemble, d’où ma question intérieure : est-ce que j’ai en face de moi un clone de Bovary mais en moins bien, ou juste le même groupe mais qui a changé de style musical ? N’ayant pas écouté le deuxième CD, je ne saurais dire avec exactitude, mais je pressens qu’encore une fois, le talent de composition de Saurus qui est indéniable, a encore été trop loin dans l’expérimentation et la dispersion… Mais pour avoir un contenu plus détaillé, je vous invite à lire la chronique du deuxième CD que je vais faire prochainement.
L’autre point que je voulais relever et qui me gêne, c’est toujours ce côté bordélique dans la prestation du groupe et notamment cette alternance de changements de sons insupportable de Saurus qui a passé l’essentiel du concert à regarder ses pédales, les piétiner sans jamais réellement conniver avec nous. A trop vouloir faire compliqué, on en devient redondant, et c’est exactement l’effet que j’ai ressenti. Pas besoin après de provoquer le public en lui reprochant d’être mou si tu n’arrives pas toi-même à ne serait-ce que le regarder pendant tes morceaux et provoquer une simple réaction.
Ce qu’il faut également noter de leur prestation est la présence d’un invité, dont je n’ai pu retenir le nom (et je lui présente mes excuses), sur le morceau… et, je me dois de l’avouer, je me suis vraiment demandé ce qu’il faisait ici. Certainement une opportunité de jouer avec son ami Saurus, de ce que j’ai compris. Et le public aussi, semble-t-il, au vu de sa réaction aussi immobile qu’un bloc de béton sous une bise légère. L’ambiance était non pas morose, mais surtout ennuyeuse je dirais…
La seule à avoir joué une carte de mise en scène est la chanteuse et, en ce qui la concerne, j’ai beaucoup aimé son chant, déjà bien à propos sur le premier CD du groupe, et qui screame le français de bien belle manière! Un bon point pour Bovary sur ce concert. Le batteur a eu quelques pains bien audibles mais il a fait le job, et de cela on en retiendra l’essentiel.
Bref, en quelques mots, Bovary m’a un peu désagréablement surpris avec ce set « désarticulé » et cette prestation scénique encore trop hasardeuse pour ne pas être flagrante. Il y a encore du boulot, et ce n’est pas le départ de la chanteuse – rare satisfaction de la soirée avec le bassiste qui a fait le job – qui va, je pense, arranger les choses. Affaire à suivre.
Voilà que se profile un des groupes dont j’ai eu le plus gros coup de cœur en 2019 avec son split avec Darkenhold appelé « Atra Musica » : il s’agit des parisiens de Griffon. Déjà que j’aurais tendance à vanter largement le talent incroyable qui émane des deux CDs du groupe, mais alors la prestation scénique va me laisser encore plus en pâmoison qu’il m’aurait cru possible. Griffon en concert, c’est juste génial. Une prestance incroyable, une mise en scène qui laisse coi d’admiration, qui hypnotise et électrise l’assistance qui restera de marbre durant tout le set. C’est même une des rares fois où je n’ai pas été très dérangé par le fait que le public ne bronche pas car l’osmose était parfaite. Mention spéciale aux costumes et corpse paint des musiciens qui donnent un côté black metal qui manquait à cette soirée avec le premier groupe. Le set est bien évidemment dominé par le split donc je n’ai eu aucune surprise particulière, hormis que les morceaux sont très efficaces en concert notamment bien aidés par les samples entre les morceaux et le chant d’Aharon qui est encore plus puissant de noirceur que sur CD. Mais alors, quand le groupe met à l’honneur le premier album « Har HaKarmel« , je me suis retrouvé… scotché. Premiers headbangs de la soirée pour moi, et nom des Dieux, que cela fait du bien!
Malgré mes éloges, je souhaite présenter mes excuses à Griffon car la longueur de mon propos n’est pas aussi fourni que pour Bovary, mais… en fait, quand l’évidence même du talent est là, que la mise en scène et le son sont à la limite de la perfection, et que le groupe est tout simplement extraordinaire, il n’y a pas besoin de tricoter. Chapeau les gars, je suis définitivement fan de vous. Longue vie aux futurs dignes représentants du black metal français!
Troisième groupe de la soirée, aux antipodes totales des deux premiers d’ailleurs : les autres parisiens mais néanmoins « vikings » de Nydvind. Alors, comme vous le savez, lorsque l’on découvre un groupe, on aime à connaitre le parcours des musiciens. Fort a été mon étonnement lorsque j’ai vu des noms de groupes aussi familiers comme Temple of Baal, Bran Barr, Monolithe, Acromion, Mind Asylum, etc. Parenthèse : Bran Barr est juste l’un des premiers groupes à avoir sérieusement représenté le folk metal en France avec Aes Dana, donc rien que pour le parcours, et en hommage à Amduscias Baal (ex-Bran Barr, actuel Conviction, Temple of Baal et Unnamed Seasons) que je salue, ma curiosité est décuplée. Ainsi attaque-je le set de Nydvind par le bon bout, c’est à dire l’enthousiasme. Musicalement, on est sur un metal aux différents accents – death, black, voir thrash -, mais tout tourné autour d’un paganisme sincère, et plus précisément encore la mythologie nordique. Evidemment, cela ne pouvait que me plaire, et la prestation scénique du groupe m’a bien plu, tout en sobriété autour des costumes (les musiciens arborant les mêmes tenues avec un écusson identique).
On voit une expérience certaine de la scène notamment pour le frontman Hingard qui, par son regard accrocheur et sa posture, harangue tout le monde et nous conduit vers une victoire assurée. Malgré tout, je n’ai pu m’empêcher de ressentir un certain malaise face, encore une fois, à l’imperméabilité du public, et ce malaise a été partagé par le guitariste qui a tenté vainement de motiver les troupes, tout en essuyant un magnifique vent des familles… En fait, c’est ce qui renforce mon hypothèse de départ : cette affiche a quelque chose d’incongru avec la présence de Nydvind qui aurait tendance à vouloir communier avec le public, au milieu de tous ces groupes plus estampillés black metal et par la force des choses, plus stoïques. Et je plains le groupe, d’avoir dû essuyer une telle déconvenue. Mais n’en déplaise à certains, le groupe a assuré malgré tout en nous proposant des morceaux épiques, accrocheurs et surtout guerriers. C’est donc sur un constat très positif que je clos mon écrit sur Nydvind, et je me promets en crachant intérieurement d’écouter attentivement les albums et de rattraper mon retard au plus vite.
Enfin, le clou de la soirée se fait sentir avec les fiers auvergnats d’Aorlhac qui mène l’affiche pour ce soir. Aorlhac a la particularité, pour ceux qui l’ignoreraient encore, de proposer un black metal baignant dans les traditions et les légendes auvergnates et occitanes, et domine de plus en plus la scène française, au point de s’exporter sur le plan européen et d’avoir participé au Hellfest en 2019. Rien que cela ! Depuis 2007, on a fort à parier que le groupe va gagner davantage en notoriété, et le concert de ce soir s’annonce évidemment sous de bons auspices. L’entrée est d’ailleurs parfaitement orchestrée, et ce qui me frappe immédiatement est à quel point le public attendait le groupe : il bouge ! Oui oui, il bouge ! L’autre point qui me saute aux oreilles est l’aspect très médiévalo-épique de la musique d’Aorlhac, qui se veut très rythmée et limite dansante. L’envie de secouer ses omoplates et ses cervicales se fait pressante mais, au delà de la musique qui me transporte littéralement vers des temps passés, c’est l’attitude du chanteur que je ne peux m’empêcher d’observer. Quel frontman ! Jouant une carte plutôt sombre, limite un peu possédé ou en transe, la posture est exactement ce que j’apprécie en tant moi-même que chanteur, et on sent que Spellbound n’a rien à envier à personne à ce niveau-là. Je reconnais aussi le batteur qui officie également dans le groupe Hysteria et Himinbjorg, et je ne boude pas mon plaisir de voir qu’il gère toujours comme un dingue à la batterie.
Autant j’ai adoré Griffon pour sa mise en scène sophistiquée, autant j’idolâtre Aorlhac pour sa sobriété et la place de choix qui est laissée à la musique, et uniquement la musique. Du grand concert, vraiment je ne regrette pas ma venue.
Mais… Il y a un gros problème à déplorer. J’ai été, comme beaucoup d’autres spectateurs je pense, scandalisé par l’arrêt prématuré d’Aorlhac pour une question d’horaire. Devoir faire payer au groupe tête d’affiche un tel manque de timing et d’organisation m’a révolté au plus haut point. Qui est fautif, réellement? Je ne sais pas, et je ne suis pas enquêteur ni inspecteur des travaux finis pour me permettre ce genre de jugement, mais il n’en demeure pas moins que ce procédé ne devrait pas arriver. J’espère sincèrement que la lumière sera faite, car au delà qu’elle m’a gâché mon plaisir et ma soirée, en tant que musicien je trouve cela injuste pour Aorlhac…
Merci malgré tout à Ondes Noires et aux membres de l’Ampérage pour cette belle (et rare) affiche metal extrême sur Grenoble, un grand merci aux groupes pour avoir fait vivre cette belle soirée. Un merci particulier à Griffon pour leur disponibilité, leur sympathie et leurs remerciements pour la chronique, une reconnaissance fait toujours chaud au cœur. Merci au public d’avoir répondu présent et d’avoir été nombreux. J’espère qu’elle telle affiche se reproduira plus souvent à l’avenir !
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