Photos : Antirouille
Report : Quantum

 

Bien sûr, il fallait que cela arrive! La date n’était pas choisie au hasard puisque la cumulation de galères fait que cela ressemblait vraisemblablement à une farce, du moins au début. Imaginez que vous vous levez pour aller travailler à 4h du matin, que vous voyez ce spectacle qui d’ordinaire met des étoiles dans les yeux de tous les petits et grands enfants de notre génération et qui nous ravit quand cela arrive à Noël. La neige était donc au rendez-vous, et cela devait se produire un 1er avril. Si le poisson n’était pas devenu une denrée rare, j’aurais cru que l’Homme en avait pêché un peu trop pour déranger le Dieu des Blagues. Mais surtout, cette date n’était pas choisie au hasard puisqu’elle coïncidait avec tout un tas de première ou de reprise. Bref! Tout était réuni ce jour-là pour qu’encore, je plante tout le monde. Mais j’en avais décidé autrement. La neige, le manque de sommeil, la matinée de boulot et laisser ma petite famille n’allaient pas être des excuses encore pour que je ne vienne pas.

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Première date pour moi au Brin de Zinc à Barberaz (et non Barbe Rousse, ça c’est moi…), non loin de Chambéry pour ceux qui l’ignoreraient encore. Nos fidèles lecteurs savent que ce lieu est un coin de prédilection, presque un temple de l’amitié et de la musique pour le webzine, un lieu de villégiature pour mon Céleste Maître de la Révérence et Grand Forgeron du Grésivaudan Chris Metalfreak et pour le Contremaître de l’Acier Inoxydable sieur Antirouille. La dernière venue du webzine avait même été l’occasion de rassembler mes deux amis et compères avec le Marquis Arthur qui a quitté son château pour venir voir à quoi ressembles les modestes chalets de la basse Savoie, et ma belle et grande amie Cassie di Carmilla, aussi brillante et douce que l’est la moutarde de son fief dijonnais. Chris Metalfreak avait pris avec lui son Lil’Freak de progéniture. Bref, c’était une énième occasion manquée pour moi de venir ENFIN dans ce lieu important pour la vie du webzine. J’imagine que j’ai beaucoup déçu mes amis et camarades de Soil Chronicles pour les avoir plantés au moins une ou deux fois, et d’avoir souvent dit que je venais pour au final de pas venir. Sachez, lecteurs et camarades, que je m’en suis toujours voulu de passer pour un mec peu fiable et probablement aussi incapable d’avoir les codes d’amitiés lambda qui consiste à sortir de sa torpeur pour prendre du temps avec vous. Je m’en veux.
Aussi cette soirée était l’occasion de me rattraper. Certes, je n’ai pas choisi n’importe quelle affiche, j’en ai choisi une où au moins deux groupes sur trois ne m’auraient pas déçu. Il faut dire que je suis un peu trop sélectif aussi sur les concerts que je veux voir. Cela n’excuse pas tout, mais c’est un début d’explication à mes défaillances. Voilà, pour la minute pompeuse.

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Je ne ferai pas de laïus sur le peu de monde qu’il y avait, la neige n’excuse pas tout non plus, mais on voit que la crise sanitaire a rendu le public metal particulièrement léthargique et anxieux de son canapé plus que des associations de concert. Les festivals vous le diront, c’est la galère totale.

L’affiche de ce soir était résolument sous le joug de l’éclectisme musical non sans quelques points d’accroche, avec néanmoins une thématique occulte et noire qui pouvait éventuellement rassembler les trois groupes que sont dans l’ordre Barús, Witchgrove et Blóð. Sur les trois, j’en ai chroniqué deux et découvert le dernier via une chronique de mon compère Arno. On peut donc dire que je partais sur des bases avancées, d’autant que je cumule toutes les discographies des trois groupes. Après avoir donc papoté gaiement avec mes accompagnants photographes ou non de la soirée, madame et monsieur Antirouille, pris une pinte de bière blanche et léché la pointe de mon stylo feutre (non, ça c’est pas vrai!), c’était donc parti pour le report!

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Barús, groupe bien de chez nous, soit de Grenoble, ouvre donc le bal avec son death metal très progressif. Assister à un concert de Barús, c’est une sorte de voyage dans une l’allégorie paysagère de la Folie. Pas uniquement dans le sens de la noirceur et de la souffrance – encore que la musique de nos amis grenoblois ne respire pas la jouissance de vivre non plus – mais aussi et surtout dans l’aspect chaotique, déstructuré et paralogique de la Folie. Il y a un truc très discordant dans ce death metal qui n’est pas si bourrin que cela, je dirais qu’on se situe dans un aspect hybride de la musique avec des passages clairement forts et violents, des sortes d’interludes en clean bien lents et un peu jazzy, presque mélodiquement hypnotisants, et surtout ces variations riffiques ultra sophistiqués qui perdent l’auditeur dans un méandre d’incompréhension. Barús avait déjà joué cette carte, je l’avais constaté en chronique ici pour leur dernier EP nommé Fanges. Mais c’est au-delà de la musique qu’il faut regarder et parler d’eux, parce que scéniquement parlant c’est extrêmement dérangeant! Les musiciens sont dans une sorte de tranquillité déconcertante, avec à peine un regain d’énergie mais qui se limite au minimum syndical. Ce qui signifie : pas de heandbang ni de patate folle! Les costumes sont au strict minimum, soit en civil, avec un véritable soin apporté par le chanteur qui a été pour moi l’attraction numéro une de ce concert. Totalement possédé, habité par ce rôle énigmatique dont on ne comprend pas réellement l’enjeu théâtral derrière, mais dont on devine toutefois qu’il y a quelque chose de l’ordre de la Folie avec ce regard fixe, qui fait penser à celui des personnes ayant des hallucinations, la posture qui alterne tantôt la volonté de saisir l’air lui-même ou de se mettre en signe de génuflexion ou simplement la tête basse. Cette attitude scénique conjuguée aux costumes sobres, je trouve que c’est génial. Absolument génial! Puisque, comme cela, on ne remarque que la tête de dingue du chanteur, on ne se focalise pas sur l’attirail autour. Et la prestation scénique n’en a été que plus renforcée. C’était déjà du très très sale en CD, en concert cela prend une dimension encore plus dantesque, encore plus mystique. Barús a ouvert les hostilités avec tous les ingrédients qu’il fallait pour limite bousculer la hiérarchie de ce soir, et ce n’est que la confirmation d’un groupe que je commence à réellement adorer. Bravo les gars!

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Setlist :
1/ Nouveau morceau sans nom
2/ Tarot
3/ Chalice
4/ Vitiate
5/ Dissever
6/ Châssis de Chair

 

Vient le tour du groupe lyonnais Witchgrove. Probablement l’un des rares représentants du genre doom metal sur la ville des Lumières, le trio composé d’un batteur, d’un guitariste / choriste et d’une bassiste / chanteuse débarque en seconde partie avec son doom metal bien plus complexe que cela. Oscillant entre le stoner et le sludge metal, l’occulte restait en tout cas au centre des attentions sur l’EP Goetic Songs chroniqué également par bibi ici. En relisant ma chronique, je louais le mélange habile entre le stoner, le sludge metal et le doom metal sans me douter à l’époque que les trois étaient en quelque sorte des cousins, et que même si le mariage n’est pas interdit et donne de belles histoires d’amour potentielles, la progéniture peut souffrir de quelques erreurs chromosomiques. Force et humilité sont de constater que ce mélange était original sur CD, et qu’il l’est tout autant en concert. La lenteur extrême et cette basse vrombissante, avec un volume énorme et une épaisseur sonore hyper envahissante apportent ce côté oppressant que j’aimais beaucoup sur l’EP. La guitare se met sur le même piédestal que la basse, offrant pour les spectateurs une belle complicité qu’elle soit instrumentale avec les deux lignes mélodiques en concordance parfaite, ou qu’elle soit entre les musiciens eux-mêmes qui ne cessent de se sourire et de s’amuser tous les deux. A en oublier ce pauvre batteur solitaire, concentré et très clinique dans sa rythmique lente et lourde, toujours un exercice des plus difficiles contrairement à ce que l’on croit. En tout cas, la musique est efficace et très rondement menée, avec évidemment une setlist très courte puisqu’à ce jour Witchgrove n’a à son actif que cinq morceaux officiels mais j’ai décelé de l’inédit (merci Galaad) et c’est donc de bon augure pour la suite. Mais au moins on les reconnait de suite ceux qu’on connait déjà même de loin. Je me suis réellement prêté au jeu de lâcher quelques mouvements de cheveux spontanés, très satisfait que j’étais d’entendre mon morceau préféré pour ouvrir la setlist qui est l’éponyme, et je me dis que l’ensemble est maitrisé, solide et donc très lourd. Il est bien acquis qu’il faut aimer les compositions minimalistes avec ce ou ces deux riffs seulement qui tournent en boucle, ponctués de quelques accentuations de temps en temps, le tout très propre au doom metal plus old school, mais franchement quand on aime, il y a largement de quoi se régaler. Maintenant, ma petite déception intervient dans le fait que contrairement à l’EP Goetic Songs qui en transpirait abondamment, je n’ai pas vraiment retrouvé la dimension occulte pourtant revendiquée fièrement par le groupe lui-même. J’ai trouvé la posture, le jeu de scène très décontracté et même jovial bien plus raccord avec une démarche stoner pure que le sludge metal qui pourtant me semblait être, malgré les riffs caractéristiquement stoner, le point d’ancrage de cet occultisme latent qui faisait la beauté de Witchgrove. Selon moi, une mise en scène un peu plus « dark », et résolument moins « à la cool » aurait été plus convaincant encore, surtout que le chant est particulièrement flippant et intense, comme sur l’EP. Mais cela reste un épiphénomène, histoire de tatillonner un brin. La prestation a été en tout cas fortement maitrisée aussi et j’ai pris beaucoup de plaisir, même si cela ne s’est pas forcément vu comme cela mais j’avais mes raisons.

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Setlist :
Witchgrove
One
Mood for Love
Bloodbath
Indignity
A Reason to Cry, to Despair and to Pray

Et pour terminer cette soirée décidément bien chatoyante, ponctuée de quelques remarques et quelques grivoiseries avec mon compagnon et sa compagne Antirouille, me voici donc devant le groupe que j’attendais de voir avec l’impatience d’une puce au salon de la moquette (copyright big boss Metalfreak) : Blóð. Le groupe nous vient en date unique exprès de Paris, excusez du peu! Composé d’un duo studio avec monsieur et madame Wegrich (Ulrich et Anna) et accompagné pour ce concert par une bassiste au look incroyablement dérangeant et un batteur, le groupe circule entre un doom sludge metal des plus noirs qui existent, et un chant soit éthéré au possible, soit totalement explosif, ce n’est pas moi qui a effectué la chronique du dernier né nommé Serpents ici mais bien mon camarade Arno. Ses quelques lignes m’avaient à l’époque piqué au vif et m’avait donné envie d’écouter ne serait-ce bien entendu que par le nom des protagonistes qui composent ce projet bicéphale, mais aussi par les arguments des références choisies pour illustrer les propos.

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Et bien noms des Dieux, que c’est bon en CD ! Alors en concert, autant vous le dire tout de suite : c’est une tuerie. Une méga tuerie! J’ai retrouvé absolument toute la noirceur profonde qui subsistait dans la musique en CD, avec donc ce doom sludge extrêmement efficace, cette guitare unique mais qui est bourrée d’effets plus flippants les uns que les autres, cette basse qui amène une touche mélodique que je ne soupçonnais pas autant sur CD, la batterie qui est très lourde, dotée d’un son étonnamment épais, et ce chant… Bordel ! Ce chant !

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Ajoutez à cela l’attitude scénique d’Anna qui joue de son corps pour mettre en exergue toute la noirceur et la profondeur de son chant, surtout son high scream d’ailleurs qui m’a glacé le sang. Les ambiances un peu tamisées, avec cette lumière rouge envahissante et à peine entrecoupée de blanc clignotant, ces bougies ensanglantées un peu partout allumées, et la stoïcité des musiciens qui font penser à des poupées de cire qui se désarticuleraient d’un coup comme dans un film d’horreur, tous ces éléments ont rajouté ce supplément d’âme torturée que j’attendais en concert. Bien entendu j’ai repéré les morceaux que je préférais, à savoir « Hécate » (surtout), « Haxan » et « Lucifer », je n’ai pas pu m’empêcher de lâcher les chevaux avec mes longs cheveux secoués, mon attitude de air-bassiste à deux balles, le pied sur la scène même! Mais tout cela témoigne du pied monumental que j’ai pris devant les parisiens de Blóð. Mon seul regret, c’est que la setlist était beaucoup trop courte. J’aurais adoré voir une prestation encore plus longue pour sublimer davantage ce désespoir divin que j’avais en moi, nourri par cette musique langoureuse mais tortueuse que Blóð proposait ce soir neigeux d’avril (putain, c’est vraiment fou de dire cela quand-même !). Voilà, il n’y avait pas meilleur moyen de mettre fin à cette soirée, Blóð est indiscutablement un de mes groupes français préférés dans le genre sludge metal, et on a de quoi être fier de les avoir ! Merci d’avoir bravé la neige pour nous les ami(e)s.

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Setlist :
Häxan
Lucifer
Blóð
Tentacles
Hecate
Serpent
Elysium

Ainsi s’achève cette belle soirée sous l’étendard noir du doom metal, du sludge metal et du stoner, voire de ce death metal progressif un peu incongru de prime abord. Mais au-delà de cet éclectisme musical dont je parlais au début, ce qui a rassemblé tout le monde ce soir, groupes, organisateurs, spectateurs et chroniqueurs / photographes, c’est l’envie de se retrouver évidemment autour d’une bonne bière, mais aussi de prendre une dose de noirceur et d’occulte bien chevronnée. Ici, que ce soit Blóð, Witchgrove ou Barús, on en a eu plein les oreilles et la vue. C’était une affiche osée, mais franchement réussite. Et les prestations n’ont vraiment rien à jeter, tout a été bon jusqu’au bout pour que je passe une bonne soirée. On n’a donc plus qu’à remercier tout le monde, soit le Brin de Zinc pour lequel je suis heureux d’avoir fait mon baptême, les deux Thomas pour leurs accueils et confiance, le public certes peu nombreux mais les absents ont toujours tort et les présents sont les plus braves, le couple Antirouille avec qui j’ai passé une excellente soirée, dont la bonne humeur fait plaisir à voir autant que la passion qui les anime. Merci aux groupes surtout, à la prochaine !

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