Photos : Vigdis
Report : Mitch

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Loin des querelles régionales entre Lyonnais et Stéphanois, c’est avec plaisir que nous nous rendons dans la belle salle du Fil, située à quelques centaines de mètres du Zénith de Saint-Etienne, en ce dimanche soir, pour une date toute en émotions et planeries diverses.
D’une capacité maximale de 1 200 places, la salle peut accueillir 450 personnes en version gradins rétractés, et représente, ma foi, une belle alternative aux CCO, Kao ou Marché Gare lyonnais.

Slow Crush #38

L’affluence est déjà conséquente pour accueillir les Belges de Slow Crush. Entre post rock et shoegaze, le quatuor tisse des toiles assez envoûtantes ; les guitares naviguent entre arpèges lumineux et entrelacs de saturations tournantes, le tout soutenu par une batterie sonorisée avec une forte réverb. La voix de la bassiste-chanteuse Isa Holliday fait plus office de nappes que de point d’attention, elle se fond dans le mix au point qu’on l’oublie un peu. Le résultat est plutôt élégant, même s’il manque un peu d’accroche, des morceaux relativement courts ne permettant pas d’utiliser à plein la panoplie que l’on connaît au post rock en live, avec des montées gérées sur le long terme et des cassures propices aux contrastes. Mais la prestation est bien maîtrisée et agréable, elle est tout à fait dans le ton de la soirée, et constitue une bonne entrée en matière.

Slow Crush #28.color

Changement de style avec les Néerlandais de Gggolddd, qui ont complexifié leur patronyme pour être moins noyés dans la masse lors des recherches internet, « Gold » étant trop générique ! Et pas question, donc, d’attendre de leur part un quelconque « ohé, ohé, capitaine abandonné » (désolé ! 😊). Avec Gggolddd, on navigue entre trip hop à la Portishead et dark electro parfois un peu énervée.

Gggolddd #11

La formation n’est pas académique, la batterie est jouée sur des pads électroniques, un des deux guitaristes est le plus souvent derrière ses claviers sampleurs, et il n’y a pas de bassiste à proprement parler. La musique part, parfois, dans des envolées saturées, mais elle reste le plus souvent dans un minimalisme arty laissant toute la place à la chanteuse Milena Eva.

Gggolddd #09

Celle-ci est vraiment le centre de l’attention sur scène, elle interprète et vit ses textes, à grand renfort de mouvements de bras lascifs et d’expression avec ses mains. A titre personnel, je n’ai pas trop vibré, étant plutôt dans l’humeur du mur de son qui allait suivre avec Cult Of Luna, mais je reconnais que ce groupe culte présente une vraie personnalité artistique et mérite son succès et sa place sur cette tournée.

Les cornes de brume guerrières de « Cold Burn », morceau introductif du dernier album « The Long Road North » retentissent, Cult Of Luna investit la scène en nous en mettant plein les yeux d’entrée !

Cult Of Luna #06

Une story vue sur les réseaux le lendemain disait « deuxième morceau, et je suis déjà aveugle ! », on n’en est quand même pas là, mais il est vrai que les lights toutes orientées depuis le fond de scène et vers le public mettent les rétines à rude épreuve. La perception diffèrera selon qu’on est photographe (coucou à ma collègue co-reporter Vigdis !), car il était extrêmement difficile de shooter des musiciens à contrejour 99% du temps ; ou, selon qu’on est spectateur habitué des groupes de musique sombre, doom ou post-quelque-chose, qui laissent les musiciens s’effacer derrière la musique, et visent, avec leurs lights, à maximiser l’immersion dans leur univers musical. Car là, il faut avouer que le spectacle proposé par Cult Of Luna était magnifique. A l’instar du chanteur d’Amenra, qui se présente souvent dos au public, pour ne pas cannibaliser l’attention du public par une position de frontman trop prégnante, les membres de Cult Of Luna s’effacent derrière des murs de brouillard, s’offrent telles des ombres fantomatiques découpées dans des halos, le tout devant des poursuites fines et mobiles, comme autant de projecteurs anti-aériens un soir de bombardement ennemi (les stroboscopes !).

Cult Of Luna #70

Seul le chanteur-guitariste Johannes Persson bouge de sa place attitrée, il parcourt le plateau et vient en tout bord de scène pendant les longs instrumentaux, physiquement très impliqué dans sa performance, ses petits bras musclés bandés sur sa guitare.

Visuellement, la présence de deux batteries est également un gros plus. Si Magnus Lindberg se montre souvent percussionniste « délicat », Thomas Hedlund s’octroie les parties les plus violentes et détruit littéralement son kit, en mettant une énergie et un jeu visuel absolument impressionnants. Ainsi, les rythmes hypnotiques et tribaux, tout autant que les nuances les plus fines de la musique du Cult, sont parfaitement retranscrits sur scène. La synchronisation entre les deux batteurs est remarquable.

Cult Of Luna #58

Et, de façon générale, la performance du groupe est parfaitement efficace, tant dans les parties calmes qui « montent » progressivement, que dans les moments énervés qui donnent lieu à un véritable mur de son. La cohérence entre l’ambiance visuelle et la musique est vraiment travaillée, il s’agit là d’un parti-pris esthétique assumé, tant de noirceur musicale et de paroles éructées s’accommodant vraiment bien d’éclairages barrés, à mon goût tout du moins !

Concernant la setlist, vraiment compacte et cohérente, il est difficile de ressortir un titre plus qu’un autre, nous avons eu droit à neuf longs voyages riches en contrastes et en émotions.

Cult Of Luna #86

Les sorties récentes ont été privilégiées (les albums, pas les EP). Du dernier album « The Long Road North », en plus de l’introductif « Cold Burn » évoqué plus haut, « Beyond 1 », à la voix féminine délicate interprétée par le guitariste Fredrik Kihlberg, pause dans ce maelstrom de noirceur, et le nihiliste « Blood Upon Stone ». Du double album « A Dawn To Fear », le grinçant « Nightwalkers » et l’épique « The Silent Man », sans oublier le quart d’heure de « Lights On the Hill », probable sommet d’émotion du concert. Et pour varier les atmosphères, l’ambient « I: the Weapon » (sur « Vertikal »), et « Finland » de « Somewhere Along The Highway » (titre le plus post rock du concert).

Le public, religieusement attentif (sauf deux types en transe qui se sont rapprochés et ont fini amis pour la vie !), s’est montré conquis, les corps se balançaient en rythme, la déception a point quand les lumières se sont rallumées, tout le monde espérant un petit rappel « pour la route ». A noter, la présence de nombreux musiciens de groupes stéphanois, lyonnais, grenoblois, pas forcément de l’univers post-metal, d’ailleurs, signe que la qualité de Cult Of Luna rassemble largement. Si l’on met de côté la difficulté à exercer des photographes, cette soirée aura été une pleine réussite ! Un Grand merci au Fil pour cette soirée.

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