Photographe : Cassie di Carmilla
Reporter : Quantum
Et dire que j’ai vécu six années sur Bron, et qu’il faut que cinq ans après mon départ je vienne enfin dans cette salle. Franchement, la vie est bizarre quand-même! Je devais être une sorte d’ermite lors de mes années lyonnaises parce que je vous jure, j’ai habité six ans sur Bron et je n’ai JAMAIS foutu les pieds au Jack Jack. Je ne savais même pas où c’était situé exactement sur la carte de la commune avant ce jour spécial du 2 avril 2022. Spécial d’abord par la météo qui nous a fait un splendide bras d’honneur, à nous rappeler cet adage que beaucoup moque (moi le premier) qui consiste à ne pas se découvrir d’un fil en avril. Eh ben mes cadets, on a mangé de la neige en avril cette année! C’est à n’y rien comprendre. Ensuite parce que la veille, mon rythme de jour était sur l’amplitude un peu folle de 4h à 1h du matin, pour au final me relever à 4h pour aller bosser avant donc de me rendre à Bron. Enfin parce que ce soir, je retrouvais pas mal d’ami(e)s, de connaissances du milieu de webzine et metal en général, je ne pourrai pas les nommer tous ici, mais j’essayerai d’en faire une petite liste en bas pour les remerciements. Mais surtout, je me joignais à ma consœur, meilleure amie et photographe de talent madame Cassie di Carmilla que je n’avais pas vu depuis un moment, j’avais donc grande hâte rien que pour cet évènement! Non, décidément, ce 2 avril 2022 était une date vraiment spéciale. Date à laquelle je fus investi d’une mission très précise et plaisante, sinon qui me tenait à cœur : couvrir ce Dark Medieval Fest épisode deux, toujours organisé par Golden Stone Events, en association avec Ternand Médiéval mais cette année, il n’y avait pas la possibilité de mettre des exposants médiévaux comme la première édition. Place nette aux disquaires de metal comme Asgard Hass, Adipocère et les groupes.
Dark Medieval Fest 2. Mieux que Star Wars, mieux que Pirates des Caraïbes ou encore le Seigneur des Anneaux, où les deuxièmes volets des nia-nia-logies sont considérés comme le ventre mou! Mais que nenni de ce festival qui dédie sa cartographie au metal folklorique, paganique sinon black sous des coutures différentes. La première édition avait lieu en 2019 dans la commune de Chamelet, un petit bled perdu dans le Beaujolais. 2019. Vous vous souvenez? Cette douce période où la Nature ne nous avait pas encore fait son gros fuck des familles. A titre personnel, je n’avais pas fait le report tout simplement parce que j’y jouais avec mon groupe. Mais vous pouvez le trouver ici, fait avec soin et douceur par notre camarade Freddy. Il aura donc fallu patienter trois ans avant de voir se concrétiser la deuxième édition du Dark Medieval Fest avec un projet qui s’annonce très ambitieux! Jouer dans une salle aussi grande que le Jack Jack, avec une logistique quasiment parfaite, une façade aux petits oignons et donc une affiche encore plus intéressante que la première. Vous verrez qu’il y aura de tout, notamment en allant crescendo vers ce que l’on nomme vulgairement la notoriété. Mais vous verrez surtout que malgré l’ambition et la motivation de son maître d’œuvre Nathaniel, le festival souffrira du mal qui semble être l’effet secondaire de la covid (non, ce n’est ni la connerie, ni la paranoïa) : le manque de public… Franchement, c’était vraiment dommage de voir qu’il manquait une bonne centaine de personnes pour que le festival tienne bon à l’avenir. Les gens! Bougez vous le cul bordel!!! Sinon, quand il n’y aura plus de concerts du tout, vous allez pleurer enfin???
Après avoir affuté nos stylos et nos objectifs, voici que le premier groupe de la journée lancer les hostilités. Il s’agit d’Infinityum. Derrière ce nom un brin passe-partout se cache une formation qui vient de Nantes et qui existe depuis 2016. Avec trois albums à son actif dont le dernier « War » sort spécialement pour l’occasion (ou non), le groupe commence son set avec un esprit fortement guerrier! Devant une foule encore un peu timorée, le quintet du Pays de la Loire officie dans un registre qui mélange habilement le black metal et le death metal, le tout enrobé par une consonance très folklorique, et ce malgré l’absence d’instruments idoines. La musique est en tout cas très agressive, les costumes rajoutent un côté guerrier un brin solennel, et le set se montre tout du long particulièrement solide, bien interprété. Quelques riffs se montreront plus épiques, avec une voix claire du même acabit qui, loin de dénaturer l’ensemble instrumental très costaud, lui donne une touche épique qui fonctionne impeccablement bien sur scène. Mais j’apprécie de voir que le groupe n’est pas tombé dans le piège fallacieux du chant clair exclusif et les voix growlées sont excellentes aussi. La musique est résolument guerrière, pas forcément dans un registre très original puisqu’Infinityum n’a pas vraiment révolutionné quoique ce soit mais sa musique, se situant dans ce qui se fait de très bien en ce moment et pas forcément autant qu’on le voudrait en France, est excellente! Vraiment! Le public ne s’y trompera pas, parvenant à se secouer un peu les cervicales et le groupe proposant même de manière fort audacieuse (le public black metal étant un peu difficile à secouer) un wall of death! Pari réussi, puisque le public se prêtera au jeu. J’ai trouvé un peu curieux de voir le bassiste assis pour au moins la dernière moitié du set, probablement aux prises avec des problèmes de santé, mais sur le coup j’ai été surpris parce que cela casse un peu la dynamique virile et solide d’Infinityum qui jusqu’à présent avait un jeu de scène clinique et bien droit. Un petit détail que j’ai trouvé un peu dommage, ce fut que le chanteur, en parlant au public, a gardé cet effet écho dans la voix le rendant parfois difficilement compréhensible. Mais dans l’ensemble, Infinityum a très bien rempli son rôle pas franchement évident d’ouvrir le festival, le public ayant en tout cas je pense parfaitement adhéré à cette musique hautement guerrière, n’étant pas éfarouché par le mélange subtil et à propos de black metal et de death metal, dans une sorte de blackened death metal très guerrier. Une mise en bouche idéale et un pari réussi pour le Dark Medieval Fest qui se veut surtout dans un registre black metal! Cela me rappelle quand mon groupe y jouait, donc j’adhère à la démarche!
Viendra donc ensuite LE groupe que j’attendais le plus. Celui qui m’a achevé de vouloir venir couvrir ce festival. Première date en plus pour Belore! One-man band de Marseille, géré d’une poigne de fer par Aleevok que beaucoup connaissent comme étant le bassiste live de Darkenhöld, mais également d’autres groupes moins connus comme DXS, ou Continuum par exemple. Rejoint en 2021 par Charlie Videau, batteur de Nydvind, le line up de ce soir comprend également Baptiste qui joue dans le groupe plus estampillé metalcore Head Slice, mais aussi une tête désormais bien connue dans le paysage black metal français : Wÿntër Ärvn des groupes Aorlhac et du projet éponyme du même nom! Avec un tel line up, pour sûr que Belore ne pouvait pas manquer sa prestation. Que ne fut pas mon émotion quand j’ai entendu l’introduction du morceau Tale of A Knight du dernier album « Artefacts » (hommage au groupe du même nom?). J’ai pleuré. Cassie peut en témoigner. Je suis un grand émotif, et certains morceaux me foutent des frissons voire des larmes, et cette piste qui est tout simplement extraordinaire, m’a filé les pétoches. Le groupe ne pouvait pas mieux me faire plaisir que d’ouvrir avec cette piste même si secrètement je m’en doutais que ça serait celle-ci. Le reste, c’est une entrée dans une autre dimension. Celle d’un black metal atmosphérique avec énormément d’apports épiques aux samples, dans un univers onirique et enchanteresse, un peu comme le serait le pays des Elfes par exemple. Le show a en tout cas été bien préparé, puisque le cheminement de chaque piste s’est fait avec des samples entre du plus bel effet, donnant une coloration avec de l’émotion, des mythes guerriers indéniables et surtout un côté froid mais empreint d’atmosphères hypnotisantes. Quand le groupe a durant son set entonné le morceau The Return of the Fallen Heroes, pareil. J’ai pleuré comme un enfant. Je qualifie en fin de compte la musique de Belore comme un black metal « épico-magique ». En tout cas pour un premier concert, même si on sentait évidemment un peu de nervosité de la part de son leader, ce qui est normal surtout quand vous passez en deuxième et que vous avez déjà salle comble – une bonne part du public attendait ce premier concert comme moi à n’en pas douter – et que vous avez déjà une réputation de malade après seulement deux années et demi d’existence, la magie ne pouvait qu’opérer en concert. J’aurais bien vu de vrais choristes pour retranscrire certains notamment du premier album, mais indéniablement Belore a délivré un concert exceptionnel et prometteur. Ce line up est en tout cas plein de talent, à la hauteur de son maître-penseur, et le groupe est incontestablement un des futurs fleurons du black metal français. S’il ne l’est pas déjà d’ailleurs au vu des gens acquis à sa cause du soir! le Dark Medieval Fest a marqué un sacré coup en s’offrant ce premier concert de Belore en tout cas. Pas mon coup de cœur, puisque Belore l’était déjà en studio, mais une confirmation que c’est un de mes groupes préférés dans le black metal français! Exceptionnel, merci! Pour que je pleure, c’est que tout était quasiment parfait.
Parfois, vous faites une courte pause (celles avec ma Cassie sont indéniablement les meilleures), vous croisez quelques personnes que vous aimez bien, bref! Vous passez un super moment, vous restez sur votre petit nuage de sérotonine après un groupe que vous adorez. Il est bien évident que le risque après est de trouver l’autre groupe un peu décevant. Aktarum, sur le papier, avait tout pour me plaire! Groupe belge, existant depuis 2005 (quand-même!), il est à noter que le groupe va se produire pour la première fois au Hellfest cette année, sur la belle scène de la Temple, excusez du peu! On peut donc se dire que le groupe qui a à son actif trois albums dont le dernier cette année, deux EPs, trois singles et une démo, a de quoi ravir le public avide de folklorique que nous sommes. De fait, il semblerait qu’au vu de l’univers centré sur les trolls, le clavier et les costumes qui effectivement rappellent l’aspect rustique des trolls, on va avoir une musique ressemblante à ces bons vieux finnois de Fintroll. Cela fait beaucoup de trolls dans ma phrase, attendez la setlist pour voir. Confirmation dès les premières notes qu’il s’agit en effet d’un black metal folklorique, dansant et un peu flippant, à la Finntroll quoi. Je pense que c’est le genre de groupe qui assure bien plus en studio que sur scène, même si les riffs sont largement suffisants en eux-mêmes pour contrecarrer le jeu de scène un peu plan-plan que nous ont proposé nos camarades belges mais j’y reviendrai. Mais sur la prestation, qui est tout de même très solide dans son ensemble et m’a amené quelques bons sourires voire des pas de danses improvisés, j’ai relevé quelques imperfections notables en tout cas quand on se produit sur scène. Quelques errances rythmiques à la batterie, peut-être dues à un souci de retour ou probablement un état de fatigue du batteur qui semblait à la peine, en tout cas suffisamment pour qu’on le remarque (il est vrai que s’imposer de monter sa batterie, quand on en a une toute prête, c’est forcément fatigant…). Même si la musique est très entrainante, et j’ai notamment adoré au moins deux des trois chants qui sont soit diphoniques soit growlés (le clair ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, j’ai trouvé cela étrange cette voix un peu power metal sur du black metal folklorique…), je n’ai pas réellement accroché à Aktarum. Je ne sais pas si c’est mon expérience scénique qui parle, mais j’ai trouvé les musiciens fort peu à l’aise sur la scène du Jack Jack, pas tellement enthousiasmants quand on regarde d’autres prestations sur YouTube ou les clips par exemple. Comme s’ils n’avaient pas vraiment envie d’être ici en fait. Il y a eu aussi, à leur corps défendant, de gros soucis de sons en façade, avec des effets larsen fort peu agréables et n’aidant pas nos amis belges à se trouver une ligne de conduite sympathiques et festives. Mais bon! Quand on regarde le public, sans aucun doute le meilleur vecteur pour jauger un groupe et sa prestation, on voit quand-même que ces derniers sont bien rentrés dans le délire trollien d’Aktarum, puisque ce dernier s’est bien déridé quand-même. Voilà! Il faut un groupe qui ne casse pas trois pattes à un canard comme on dit chez nous, et Aktarum sera le groupe qui me laissera le souvenir le moins impérissable de la soirée. Je pense qu’ils sont largement capables de faire mieux, au vu de leur réputation grandissante et de ce qu’ils montrent sur d’autres scènes. Juger une prestation sans dire que c’est tout le temps la même chose est difficile et je ne souhaite pas jeter l’opprobre sur eux, mais sur ce festival ce n’est pas le groupe le plus convaincant. Ce n’est donc que partie remise!
Il suffit de prendre l’air quelques minutes pour découvrir un décor de scène qui sent les exhalaisons de l’actualité géopolitique. Ūkanose arbore en effet fièrement son drapeau lituanien à droite… Et un drapeau ukrainien à gauche. En même temps quand on sait combien les pays Baltes sont menacés par la Russie, on comprend de suite l’accointance avec l’Ukraine. Mais au-delà de cette incorporation scénique engagée, c’est Ūkanose en lui-même qui est une sorte d’attraction! Groupe lituanien comme je disais, qui est donc le deuxième pays le plus lointain représenté ce jour au festival, existant depuis 2012 mais n’ayant qu’un album et un EP de sortis à ce jour, c’est une attraction parce que je pense que pratiquement tous les amateurs de metal folklorique connaissent ce groupe sans le connaître, dans la mesure où cette date et une précédente à Lille le 01 avril sont les seules dates en France à ce jour, et j’ai regardé par curiosité le nombre de concerts faits depuis l’existence du groupe, et de connus il n’y en a que quatre autres, en Lettonie et Lituanie! Autant dire que le groupe n’est pas un friand de concerts et pourtant, malgré ce côté famélique pour les dates et les sorties, le groupe a sa réputation! En témoigne le public très nombreux pour assister à la moitié de ce running order! Et le groupe fait ce qu’on attend d’un groupe de metal folklorique : du festif, du sérieux et des hommages à la boisson tout en étant costumé avec des vêtements médiévaux (bon, sauf les chaussures de randonnées, mais on ne fera pas gaffe hein)! C’est un peu cliché c’est vrai, ce que ma consœur Cassie appelle le « folk pouet-pouet », vous avez un parfait exemple avec Ūkanose qui va nous gratifier d’un show étonnamment maitrisé! Pour un groupe qui se produit peu sur scène, franchement c’est très travaillé, très solide! Les compositions se situent sur un quasiment sans-faute, la bonne humeur du frontman et des autres musiciens est contagieuse avec le public dans la mesure où beaucoup, probablement commençant à être un peu avinés et « enbiérés » se déhanchent pas mal dans le pit. Globalement, la musique surfe sur un mélange de compositions très solennelles, plus ancrées sur des traditions baltes que réellement guerrières puisque les légendes ne sont pas systématiquement belliqueuses, elles peuvent être aussi mystérieuses et noires, et certaines très festives avec d’ailleurs un hommage assumé à plusieurs boissons alcoolisées, aux filles et à la bamboche. Je note un gros effort de fait pour la communication en anglais, notamment du bassiste qui m’a époustouflé par sa maitrise et sa compréhension. Bien sûr il serait incongru de parler de folklorique sans évoquer le chant clair masculin, mais aussi et surtout féminin avec la joueuse de flûte traversière qui, non seulement est très très charmante, mais aussi qui assure avec une voix juste et belle, sans tomber dans l’emphase pompeuse d’un chant lyrique. Le chanteur aussi a une très bonne bouille je dirais, sympathique et communicatif. En fait, la magie de la musique d’Ūkanose c’est de proposer un subtil mélange de traditions. Qu’elles soient épico-guerrières ou festives, on a l’impression de revivre une vie champêtre en Lituanie, en étant dans un gros banquet où on se raconte des histoires en buvant et mangeant. Peut-être aussi que l’on pourrait y faire une belle rencontre, une jolie fille au coin de feu. Je divague! Mais j’ai totalement adhéré à ce groupe sorti du chapeau, mais qui se débrouille incroyablement bien, qui communique son assurance et sa bonhommie avec nous, parvenant à nous entrainer dans un bal dansant, ce qui pour un public estampillé black metal est un fol exploit. D’ailleurs, premier exploit également de la journée : PREMIER POGO! Oui oui, vous avez bien lu! Il y a eu un pogo! Qu’on se le dise, Ūkanose a littéralement réveillé tout le monde et rien que pour cela c’est à noter que la brutalité du genre metal folklorique peut se méler au festif pour un résultat bluffant et impeccable. C’est incontestablement un de mes coups de coeurs du festival! Je me suis régalé, vraiment! Excellent choix de l’organisateur.
Suite à cette débauche de festivités, on repasse sur un versant beaucoup plus sérieux. Là, les ami(e)s, qu’on se le dise, ça ne rigolera pas du tout. Puisque, sous nos yeux ébahis, Aorlhac va venir en découdre sur la scène. Question en découdre, le groupe qui porte le nom très fier de la capitale du Cantal dont il est originaire le fait depuis son entrée en matière en 2007. Le groupe qui a produit depuis des grands classiques du black metal français comme « L’esprit des Vents » ou le dernier opus nommé « Pierres Brûlées » sorti chez Les Acteurs de l’Ombre Productions, se présente donc pour un concert mémorable à tous points de vues. Aorlhac qui s’était produit au Hellfest en 2019 (excusez du peu) est un groupe littéralement porté à bout de bras par son frontman, Spellbound qui dégage un charisme phénoménal autant que son faciès trahit une forme de souffrance psychique indéniable. Souffrance qu’il transforme en transe pour tout donner avec nous, que ce soit de la rage ou de la folie furieuse. J’ai eu énormément de mal à détacher mon regard de Spellbound qui utilise la scène avec une aisance qui frôle l’insolence, qui prend tous les espaces possibles même les plus restreints pour être au plus près de nous ou au plus éloigné c’est selon. Un peu comme un chat. Même son propre corps se dédie totalement au chant, l’accompagnant en avant quand il faut hurler les refrains, ou se montrant plus posé quand il faut. Après, sur la musique en elle-même, le black metal d’Aorlhac fleure bon la légende et l’old school, avec des riffs médiévaux pour moi, difficiles à décrire autrement dans la mesure où les mélodies sont uniques. J’ai toujours eu du mal à situer exactement sur quel versant le black metal d’Aorlhac est, mais indéniablement pour avoir expérimenté le groupe deux fois en comptant ce festival sur scène, la musique est bercée par les légendes dans leur entiéreté. Donc il se dégage de la musique d’Aorlhac une impressionnante sensation d’histoire, comme si on remontait le temps. D’ailleurs, le chant en français et plutôt compréhensible ce qui est à noter, nous plonge dans ce marasme d’antan où les contes étaient souvent noirs et tristes. Ce qui me frappe encore c’est l’énergie des musiciens sur la scène. J’ai déjà expérimenté celle de Wÿntër Ärvn qui est communicative, mais les autres m’ont marqué. C’est peut-être une des rares fois que le black metal old school se pare d’une scénographie aussi expressive, sans tomber dans l’exagération des gros groupes scandinaves. Cette simplicité permet de se focaliser sur la musique et sur le frontman qui décidément a le don de réveiller tout le monde aussi. Le public était largement acquis à la cause d’Aorlhac puisque je pense que quasiment tout le monde était présent, se secouant et scandant les refrains avec frénésie sur des morceaux qui sont désormais des incontournables, proposant aussi le nombre le plus élevé de cornes du diable en l’air de la soirée en signe de gratitude. Franchement, on peut détester Aorlhac pour de nombreuses raisons, mais au vu de la prestation de ce soir qui dépasse largement celle que j’avais vue à Grenoble, il est possible d’affirmer que le groupe est le meilleur représentant des fleurons du black metal français actuel. C’est incontestablement LE meilleur groupe actuel dans ce style très fermé, et vous pourrez me citer Seth et compagnie, Aorlhac est totalement au-dessus de tout le monde. Indéniablement. Prestation incroyable.
Alors celle-là, si je l’attendais, je n’y aurais pas cru! Varang Nord qui fait son grand retour au Dark Medieval Fest après avoir éclaboussé de son talent et sa hargne la première édition en 2019! Alors depuis lors, de l’eau a coulé sous les ponts pour le groupe letton qui a jeté ses bases en 2014 et qui se retrouve trois albums plus tard et deux EPs à revenir honorer de sa présence le festival lyonnais. Au départ ce n’était pas prévu mais le désistement du groupe XIV Dark Centuries (que j’aurais adoré voir) a décidé de rappeler le groupe de Lettonie avec lequel j’ai joué sur la première édition et qui m’en avait mis plein la tronche avec son metal folklorique puissant, enjoué et guerrier. Car oui, Varang Nord mélange habilement tous ces ingrédients et sans dénaturer quoi que ce soit sur une prestation live qui s’est grandement améliorée. Les costumes sont plus flamboyants, les décors de scène se sont étoffés et le jeu de scène également. Avec Varang Nord, c’est toujours un mélange de fête et de bataille, souvent dans l’ordre inverse comme on festoierait au Valhalla après une longue bataille de toute une vie. J’en veux pour preuve l’écrasante maturité que le groupe a eu après ces années de disette suite à la crise, ils en sont ressortis plus forts, plus en maitrise dans tout. J’adore l’énergie des musiciens y compris de l’accordéoniste qui parvient à bouger ses cheveux tout en jouant deux lignes mélodiques différentes ce qui m’a toujours épaté. Tantôt il y a de la brutalité, tantôt de bons morceaux très dansants, qui nous entrainent une grande majorité du public, je me suis réellement éclaté à danser sur une bonne moitié du set! C’est fou parce que passer d’un public, je le répète, stoïque et froid à un pit en totale osmose dans de la danse bien joyeuse, c’est presque de l’inédit pour moi! Bon, il y a eu un gros souci avec l’introduction de concert, très saccadée. Mais une fois le tir corrigé, tout a été fluide du début jusqu’à la fin! Je plains ma belle consœur Cassie d’avoir dû faire des photos dans ces conditions, surtout que la fatigue commençait à poindre le bout du nez. C’était juste mon autre coup de cœur de la soirée, mais connaissant un peu Varang Nord et son potentiel scénique, cela me m’étonne guère. Y compris d’apprendre que la formation a gagné le tremplin du Wacken dans son pays pour y jouer en 2019, offrant une progression certaine avec la signature dans un très bon label par exemple, des clips étoffés, etc. Le groupe a véritablement franchi un cap et nous l’a prouvé ce soir. Génial, tout simplement génial!
Je disais que la fatigue était présente, surtout pour Cassie à laquelle j’ai offert un fantastique panini au Nutella et un jus de fruit maison, histoire qu’elle reprenne des forces. Que voulez-vous, on prend soin de ses ami(e)s. Et pour les deux derniers groupes, les plus importants hiérarchiquement parlant, il nous fallait être en force. J’apporte une petite précision importante, qui va peser dans la suite des écrits : nous cumulons à ce moment-là beaucoup de retard, pas loin de deux heures. Cela va beaucoup peser pour la suite. Mais en attendant, Selvans se présente à nous dans son costume éclatant, ses deux claviers de chaque côté et ses musiciens. Je dis « son » ou « ses » puisque, pour ceux qui l’ignoreraient, Selvans est une seule et même personne. Luca Del Re de son vrai nom mène son bateau avec une certaine désinvolture depuis 2014. La désinvolture intervient dans la discographie étonnante de Selvans, qui cumule à ce jour « seulement » deux albums, deux EPs et un album live. Se retrouver ainsi en co-headliner si on peut dire, à égalité avec l’autre groupe donc, cela relève véritablement du génie. Et la prestation abonde dans l’inverse : le talent. Parce que sincèrement, la scénographie est énorme! Le gars cristallise toute l’attention avec cette particularité d’utiliser ses deux claviers en centre-scène et d’avoir un micro serre-tête lui laissant les deux mains libres, donne une approche de jeu de scène totalement incroyable! Les mains de Selvans sont libres de parler dans une communication non-verbale qui nous aspire dans ce black metal atmosphérique aux accentuations discrètement folklorique, mais surtout très très sombre. Après, je déplore un peu que les musiciens live ne suivent pas plus le mouvement que cela. Je trouve que ces derniers cassent le truc de leur leader qui est charismatique et totalement habité par son rôle, alors qu’eux s’amusent dans leurs coins, dans des accoutrements trop banals voire en désaccord avec l’atmosphère morbide et macabre (il y en avait un qui ressemble à un guitariste de rock ou de heavy metal…) et du coup, si on s’attarde sur eux, on se perd un peu. On perd le fil quoi. J’aurais aimé que Selvans s’entoure de musiciens qui suivent le mouvement et ne s’accoutrent pas comme ils ont l’habitude de… Cela étant dit, la musique est superbe dans son ensemble, un peu mal sonorisée pour moi mais rien qui ne dénature de trop le black metal dans des ambiances vampiriques et qui fait penser à l’époque victorienne. Non, je pense que l’intérêt principal d’un spectacle de Selvans, c’est incontestablement son leader. Il a tout pour plaire, il est beau, il est grand, il est sapé comme un seigneur, maquillé comme un acteur et en tant qu’acteur plus que chanteur, il nous fait vivre un véritable moment de théâtre. Je dirais que le groupe italien détone beaucoup dans le paysage de ce soir, parce que c’est un groupe atypique, qui fait surtout dans un versant macabre plus que folklorico-épique, s’il n’y avait pas tout le folklore circassien autour on croirait que le groupe s’est trompé de festival. Mais j’ai adoré avoir ce changement radical d’ambiances et de décorum. Au moins, le festival s’est efforcé de nous offrir un tableau varié et audacieux. Et même si le public s’est légèrement estompé avec l’heure tardive de passage de Selvans, il a adoré! Cela s’est vu de suite. Donc c’est extrêmement positif pour tout le monde.
On en est déjà au dernier groupe de la soirée, et le moins qu’on puisse dire c’est que les organismes se font sentir négativement. Les jambes, la tête, les yeux, tout souffre. Il est deux heures du matin, le festival aurait dû normalement selon les prévisions finir une heure avant, mais les aléas organisationnels typiques de ce genre d’évènement énorme font qu’on est encore là. Éreintés, mais encore là! Je pense que Nathaniel qui est venu nous faire le plaisir de venir nous voir aura apprécié. Vaillamment, on entame le baroud d’honneur pour justement faire honneur, malgré le public majoritairement parti pour n’être qu’au nombre approximatif d’une cinquantaine de personnes pour accueillir comme il se doit la tête d’affiche ultime de ce soir : Finsterforst. La grosse pointure du festival, groupe allemand signé chez Napalm Records, qui existe quant à lui depuis 2004. Forts d’une discographie de cinq albums, deux EPs et un CD de collaboration, le groupe se présente devant nous affublé chacun d’une chemise à carreau usée, d’un pantalon sombre que l’on retrouve dans les derniers clips. Drôle d’attirail pour un groupe qui se revendique d’un metal folklorique. Après, je dis cela parce que je n’avais jamais réellement écouté le groupe avant ce soir. Ma surprise est donc totale quand commencent les premières notes puisque j’ai surtout l’impression d’avoir un groupe de death metal avec quelques relents mélodiques. Ce qui n’enlève en rien la qualité intrinsèque de leur jeu de scène très sobre, mais avec une verve intérieure indéniable. Le chanteur est habité par ce qu’il chante, avec un sérieux qui conquiert tout le monde. Sur la prestation, le public est éteint mais forcément on ne pouvait pas non plus en demander trop mais j’ai noté de gros efforts, sincèrement habités par leur fanatisme à ce gros groupe qu’est Finsterforst. Aussi avons-nous vécu un moment de communion, en chantant les refrains, en répondant aux appellations du chanteur qui reste sérieux tout en notant quelques phrases d’humour avec nous, ce qui est fort appréciable. En fait, j’ai trouvé le concert solidement préparé, très bien exécuté mais je n’ai pas non plus trouvé la musique exceptionnelle. J’ai pour cela une théorie un peu scabreuse selon laquelle le groupe devait être déçu d’avoir aussi peu de monde devant lui. Avec un tel pedigree, cela peut se comprendre, et je sais que certains groupes ont du mal à subir les aléas des organisations de concerts. Du coup, même si le concert était plaisant sur quasiment tous les points, je n’ai pas été spécialement conquis plus que cela. On notera la gamelle phénoménale d’un des guitaristes, qui a fini de jouer allongé! J’ai eu peur d’ailleurs qu’il soit blessé et que je sois obligé de monter sur scène pour bosser! A trois heures du matin, vous avouerez que j’aurais eu du mal… Voilà! Je n’ai pas vraiment relevé de choses particulières, on retiendra que les musiciens ont accompli leur set avec sérieux, sans panache mais au moins ont-ils été au bout des débats fièrement! C’était très bien mais sans plus d’apparat.
Il était plus de trois heures du matin quand je suis parti de Bron pour rentrer chez moi. L’heure de trajet n’aura pas été de trop pour me permettre de redescendre de mon piédestal émotionnel. D’abord parce que j’étais debout depuis 4h du matin et qu’arrivé chez moi j’avais officiellement déclaré ma journée de 24h sans dormir. Ensuite parce que j’ai croisé des personnes que j’apprécie, aime ou adore et qu’il me fallait me rappeler de tout le monde pour consigner les remerciements par écrits (premières lignes écrites en rentrant chez moi). Enfin parce que j’ai le sentiment que ce genre de festival devient rare dans le paysage mastodonte du metal. Car le Dark Medieval Fest, revenu à la vie après deux années de rachitisme comme nous tous, aura été largement à la hauteur des attentes sur tous les plans. Humainement parlant, à son échelle familiale et amicale, ce festival a tout pour plaire, que ce soit dans l’accueil, l’organisation en elle-même avec ses défauts légitimes quand on mène un bateau aussi grand, l’ambiance chaleureuse et médiévale si j’ose dire, festoyante en tout cas, dans l’intention de faire vivre tout un type de folklore musical qui ne demande qu’à avoir des vitrines aussi larges aussi souvent. Le Dark Medieval Fest qui en est je le rappelle à sa deuxième édition, avait cette année 2022 de l’ambition! Alors, démesurée ou pas, les conclusions le diront. Mais je sais que l’avenir sera quoiqu’il arrive radieux, parce qu’on a la chance d’avoir de tels évènements dans la région! A l’heure des grandes structures festivalières en France, avoir des spectacles à l’échelle plus modeste avec néanmoins une ambition et une passion qui enjamberaient les montagnes les plus infranchissables, il y a de quoi porter fièrement les étendards feutrés de ces festivals. C’est pourquoi cette édition aura été pour ma part un quasiment sans-faute du début jusqu’à la fin! Et je crois que le public, qui n’aura pas été aussi nombreux qu’on le voulait, sera plus présent la prochaine fois.
Il est temps de porter mes remerciements : merci donc à toute l’équipe de Golden Stone Events et plus spécifiquement à Nathaniel pour sa confiance et toute sa verve, sa générosité et sa passion de nous faire vivre des journées aussi belles. Ne change rien mec, tu es un bon! Merci au staff du Jack Jack pour avoir tenu la buvette et la boufferie (et avec un public metal, du courage il en fallait!). Merci aux groupes bien sûr, pour nous avoir offert des sets de qualité et pour vous être démenés avec nous pour que les Dieux nous entendent vrombir de rage et de joie tous ensembles ce soir! Merci aussi à des connaissances que j’ai croisées avec plaisir et volupté. Chris Besse, Christophe Ginet et ses frangines, mon ami lyonnais Rick (Franck) du webzine Feedback Music, Laurent et sa copine Axelle avec leurs beaux vêtements d’époque et la corne à boire qui fait tout, Nikro de notre webzine qui est passé en fin de soirée pour nous faire un coucou malgré le boulot et les kilomètres, Julien le chanteur de Darkenhöld venu spécialement encouragé son copain de Belore et toujours content d’échanger un mot avec moi, le camarade de Valkyries Webzine Horny et les membres de l’association Leptiobyss de Dijon qui ont accompagné en voiture Cassie (et supporté! Je blague), les labels Asgard Hass et Adipocère qui ont eu de beaux stands de merchandise et qui continuent à batailler pour nous vendre leurs productions et CDs (lâchez rien les gars!), Mythoman qui était bel et bien présent, j’ai vérifié, je sais que Metalfreak et Antirouille pensent à toi (ou pas). Merci bien entendu à Soil Chronicles et toute ma bande de copains et copines pour ce que vous me faites vivre, je sais que je vous dois, et surtout au boss Metalfreak, ce genre de soirées pleines d’émotions et de bonheur, alors les remerciements vous sont largement accordés sur ce report. Et enfin si j’ose la nommer ainsi tant elle est primordiale à ma vie, ma belle et adorée Cassie di Carmilla qui m’a accompagné vaillamment et sportivement ce soir-là, qui doit trier presque deux mille photographies pour vos yeux ébahis, et que j’embrasse très fort.
On se retrouve sûrement à la prochaine édition! On y croit les gars!
Laissez un commentaire