11h40 – Valley – TRUCKFIGHTERS
Certains groupes donnent l’impression que leurs sorties d’albums ne sont que prétextes à partir en tournée, et que leur incarnation live est leur véritable visage. Tel est le cas des maîtres du fuzz Truckfighters, dont la version studio n’arrive visiblement pas à la cheville de leurs concerts. Je l’apprend avec bonheur dès les premières notes de l’emblématique « Desert Cruiser » : les Suédois ne sont pas la pour faire semblant, ne serait-ce que pour une brève demi-heure. Dango le guitariste est COMPLETEMENT survolté, courant et sautant partout avec une énergie au moins égale à celle d’un jeune Angus Young, alors que sa guitare surboostée de fuzz nous propulse tel un aéroglisseur dans le désert. Ozo le bassiste-chanteur, quand même plus discret, n’hésite toutefois pas à faire basculer son pied de micro vers la foule pour lui faire chanter à tue-tête le refrain. A voir les nombreuses casquettes du groupe qui constellent la fosse, pas étonnant que le choeur sonne à la perfection…
Chaque titre subséquent me semble plus long qu’en version studio, avec des solos à rallonge et de nombreuses participations à la foule.Ozo n’hésite pas à descendre dans la fosse pour qu’on pioche sur sa basse pendant que Dango s’approprie l’espace. C’est le délire total, la foule est en liesse, ça passe à la vitesse de la lumière, et on sort du concert avec l’impression jubilatoire de s’être fait rouler dessus par un camion et d’en être sorti presque indemne. Une incroyable découverte énergisante, à voir absolument sur scène. (Tremens)
12h50 – Valley – MY SLEEPING KARMA
Ceux qui connaissent vous le diront : lorsque My Sleeping Karma sont de passage, les rater relève du sacrilège. C’est pourquoi, bien que je les ai vu en tête d’affiche du Stone Rising Festival à Oullins ce printemps, pour rien au monde je n’ai envisagé d’aller voir autre chose. Et évidemment, je ne regrette rien : les Allemands, toujours aussi communicatifs, nous offrent encore une fois une performance impeccable, magique. Leur metal psychédélique instrumental relève du langage universel, leur musique apporte une telle impression de symbiose avec la foule, les musiciens et les images qu’elle génère qu’on serait en droit de traiter leur art comme sacré.
Rarement ai-je eu l’occasion de voir un groupe dégager une telle aura d’intégrité et de sincérité, et ce dans tout genre musical confondu. Toujours souriants, l’air avenant, les quatre compères se sentent visiblement privilégiés d’être parmi nous – sentiment que nous leur rendons bien. Et que dire du guitariste Seppi, ce gentil géant au jeu délicat dont l’instrument ressemble davantage à un jouet entre ses pattes ? Il est certainement le point focal de l’assistance, et sa timidité apparente renforce le côté humain, communautaire, de l’événement.
Comme vous pouvez le constater, il m’est difficile de parler de My Sleeping Karma sans employer un champs lexical ésotérique. C’est sans doute signe que s’opère, lors de leurs concerts, quelque chose de réellement spécial. Vu l’ovation spectaculaire que leur réserve la foule, l’une des plus chaleureuses observées de tout le weekend, je ne suis pas le seul à ressentir le phénomène. « C’est tellement bon que j’en pleurerais », me confie un ami se trouvant, comment dire, dans d’excellentes dispositions pour absorber cette musique qu’il connaissait à peine. Je n’aurais pas su mieux dire. (Tremens)
14h20 – Valley – GRAVEYARD
Je ne vous cacherai pas que je suis excité comme une petite fille pour ce concert. Comme beaucoup, j’ai été conquis par Graveyarddès la sortie de leur chef d’oeuvre Hisingen Blues (2010, Nuclear Blast), album qui fit instantanément du combo de Göteborg l’un des porte-étendards les plus en vu de la renaissance du hard rock des 70’s.
On ne passera pas par quatre chemins : on a droit à un concert de très, très haut niveau, et la mer de fans que nous sommes le fait savoir. Quelle monstrueuse claque mesdames et messieurs, le son est parfait (lire : puissant) et les musiciens sont en bonne forme. Sans pourtant se démarquer outre mesure sur scène et sans courir dans tous les sens, chacun d’entre eux offre une fougueuse performance.
De l’album cité plus haut, le groupe nous envoie « Hisingen Blues », « Ain’t Fit to Live Here » (un poil plus rapide qu’en studio) et « Buying Truth (Tack & Förlåt) » comme une tonne de brique en pleine poire. Bien entendu, il fait la part belle au mitigé Lights Out(2012, toujours chez Nuclear Blast) en nous servant ses meilleurs titres : « An Industry of Murder », « Seven Seven », le sublime « Slow Motion Countdown » ainsi que « Endless Night ». Graveyard va même piocher deux titres dans son album éponyme, « Evil Ways » et surtout « Thin Line », beaucoup plus efficace dans un contexte live.
Je ne peux m’empêcher de me sentir frustré de n’avoir droit qu’à un concert de 40 minutes tant Graveyard ne déçoit pas. De la vague actuelle de groupes hard rock inspirés des 70’s, seul le trio Kadavar peut se targuer de donner un concert plus satisfaisant. Je souhaite fermement avoir la chance de les attraper au vol en tête d’affiche lors de leur prochaine tournée, et vous recommande très, très chaudement de faire de même. (Tremens)
17h40 – Valley – THE SWORD
Finalement trop las pour me frayer un chemin au travers de la foule qui comble presque la Valley, je me pose tout près malgré mon plan initial. Il faut dire que bien que je sois fan de The Sword dans une certaine mesure, je ne ressens au final pas le besoin urgent de les voir à l’œuvre. Au contraire, je considère qu’il s’agît du moment parfait pour s’asseoir dans l’herbe et profiter du fait qu’on est en festival, bordel !
Du coup je ne porte pas attention aux morceaux joués, je ferme les yeux, je hoche la tête, je me laisse propulser à la fin des années 70 avec des images de Metal Hurlant dans le cerveau… Quelque part je suis certain que The Sword n’en demande pas plus de ma part. Un bon moment de repos avec du putain de bon heavy metal à l’ancienne comme B.O. Que dire de plus… ? (Tremens)
19h35 – Valley – DOWN
Je n’osais pas vous le dire hier, mais je n’ai d’autre choix de me lancer maintenant : je ne suis pas vraiment fan de Down ni dePantera. C’est comme ça. Par contre, je trouve Phil Anselmo extrêmement sympathique en tant que personne et en tant que frontman. Que ce soit devant une caméra ou sur les planches, je trouve que le gars dégage une aura intègre et rassembleuse. Il est doté d’un ego gigantesque certes, mais ce dernier ne l’empêche pas d’être avenant et profondément humain – ce qui fait de lui une figure fascinante et incontournable de la scène metal, il va sans dire.
Comme je disais hier, Down doit remplacer in extremis Clutch (dont le chanteur vient tout juste d’apprendre la mort de son père…) et nous a promis un concert unique et quelque peu improvisé. C’est donc pour cette raison que je suis là : je ne suis peut-être pas fan, mais si le père Anselmo et sa bande nous promettent un truc mémorable, je sais qu’ils ne mentent pas. Le concert commence bien avec le chanteur qui demande à la foule (la Valley est pleine à craquer) de se faire entendre pour rendre hommage au père de Neil Fallon. Chose faite de bon cœur : R.I.P., monsieur. Il nous explique ensuite que nous aurons droit à des chansons rares et que nous devrons le pardonner parce que sa voix est dans un sale état (il n’est pas exactement sobre et accepte volontiers de tirer sur un bong qu’on lui tend de la fosse). On s’en fout, c’est aussi ça le rock ‘n’ roll !
Alors pour faire bref : nous avons droit à deux vieux titres de Down issus de leur premier album, « Rehab » et « Swan Song », qui sont reçues avec le respect qu’elles méritent. C’est ensuite que tout se complique : en effet, les lascars interprètent des morceaux issus des divers groupes dans lesquels officient les membres de Down en parallèle. On nous balance alors du EYEHATEGOD, du Crowbar et duCorrosion of Conformity, alors que les membres s’échangent les instruments et le micro, que certains roadies viennent leur prêter main forte et même que l’ami Jason Newsted vient faire acte de présence sur « Clean my Wound » de C.o.C. On se croirait à la Nouvelle-Orléans ! Le groupe clôt les festivités avec une reprise de Robin Trower et une version abrégée de « Walk » de Pantera ! Inutile de mentionner la réaction de l’auditoire… J’ai d’ailleurs vu un mec traverser l’intégralité du chapiteau depuis la fosse jusqu’à la sortie sans qu’il n’ait à mettre un pied à terre. Si c’est pas de l’ambiance ça !
Ce concert super sympa était beau à voir, bien que j’ai eu l’impression d’assister à une réunion de famille à laquelle on m’avait invité. Je sais que certains inconditionnels de Pantera attendaient beaucoup de ce concert imprévu, y voyant une occasion inespérée pour une réconciliation avec Vinnie Paul Abbott, présent vendredi avec son groupe Hellyeah. Forcément que ceux-là seront déçus, mais bon, faut pas rêver les copains… (Tremens)
21h45 – Temple – MARDUK
Je ne sais pas trop comment j’ai pu louper l’annoce stipulant que l’ordre de passage de Ghost et de Danzig serait inversé. C’est pourquoi je suis assez surpris de voir le bonhomme Danzig se pointer tout sourire sous la Valley à 21h45. Surpris, et furieux, surtout lorsque je vais au kiosque d’information pour constater que Ghost allaient clore le festival sur la Mainstage 02 à 00h45, jouant partiellement en même temps que Swans et m’imposant par le fait même un choix cornélien cruel.
Que de considérations égoïstes, donc. Frustré, je décide de me défouler sur Marduk, sujet que je ne maîtrise pas vraiment en dehors de Panzer Division Marduk, et qui en est déjà au tiers de son set. Je connais la bonne réputation en concert du groupe (lire : une vraie tuerie) et me dis que ce sera une mince, mais adéquate, consolation. Doux euphémisme : alors que commencent les premiers accords de « Christraping Black Metal » (une chanson d’amour dédiée à Christine Boutin j’en suis certain) j’embarque instantanément dans l’ambiance infernale du concert. Les riffs de Morgan sont toujours aussi acérés et vicieux, et Mortuus domine la foule par son charisme – et ses hurlements, il va sans dire.
Le combo oscillera entre les titres meurtriers ultra-rapides dont il a le secret, et certains plus lents comme l’impressionnant « Temple of Decay » issu de Serpent Sermon (2012, Century Media), le meilleur moment du concert pour moi et facette du groupe que je ne connaissais pas. Celle-ci offre en effet un contraste saisissant et propose un côté presque (je dis bien presque) majestueux, lorsque comparé à la furie infernale et saccadée de leur approche habituelle. La foule est visiblement aussi conquise que moi, et l’ambiance sous la Temple est électrique. Un excellent, excellent concert donc, avec une bonne qualité sonore pour lui faire honneur. Pour un groupe que je ne devais pas voir à l’origine, je suis non seulement satisfait, mais apaisé, tant ce fut cathartique. Je ne leur en demandais pas tant, et leur en remercie ! (Tremens)
23h35 – Valley – SWANS
Bon, ce compte-rendu de concert risque de vous paraître bizarre et succinct. Faudra me pardonner ; j’ai beau chercher, je ne vois pas comment écrire un report conventionnel pour décrire l’expérience qui va se déployer devant moi et les trop peu nombreux, mais conquis, spectateurs qui m’entourent. Légendaire est l’aura mystique qui entoure Swans et son gourou Michael Gira, ainsi l’ambiance me rappelle un peu le concert d’Eagle Twin de vendredi – au centuple. Gira est entouré de ses musiciens (qui garderont toujours un œil sur lui) alors que commencent les premiers accords.
J’ai l’habitude de prendre des notes pendant les concerts. Ca me permet de me souvenir de ce qui est joué, d’un détail que j’ai peur d’oublier, etc. Or, je me rends compte que les notes que je suis en train de prendre sont abstraites, imagées : elles décrivent le film surréaliste qui défile dans mon esprit. Des images d’invocation de pachydermes gigantesques, amenés à piétiner le monde par un chaman militaire… Ca donne une idée de l’ampleur apocalyptique de ce qui est en train de se passer sur scène. Certaines personnes quittent les lieux, terrassées par le niveau sonore extrêmement élevé, presque douloureux, conforme à l’habitude du groupe (c’est aussi fort avec les bouchons dans les oreilles que les autres groupes peuvent l’être sans). Pour ma part je suis estomaqué par la puissance de cet espèce de post-metal répétitif qui monte en crescendo pour tout broyer sans pourtant perdre un iota de beauté pure. Devoir partir avant la fin pour ne pas rater le concert de Ghost relève du cauchemar, cauchemar pourtant bien réel. (Tremens)
00h45 – Mainstage 02 – GHOST
Après un concert titanesque et viscéral comme celui de Swans il serait sans doute normal de considérer l’entité Ghost comme étant puérile et superficielle. Maquillages, costumes, théâtralité : une grande mascarade qu’il serait facile de balayer du revers de la main avec mépris, ce que les détracteurs du groupe ne manquent pas de faire. J’ai beau être un très, très grand fan du mystérieux combo, je suis moi-même confronté au doute en me dirigeant vers la Mainstage 02 tant je suis encore ébranlé par la performance de Michael Gira et ses acolytes.
« Per Aspera ad Inferiiiiiiiii ». Suffit d’entendre ce refrain ensorceleur pour faire voler en éclat mes appréhensions : le charme opère déjà. Et c’est en chantant à tue-tête que j’arrive sur les lieux, et là, je suis foudroyé par un frisson qui n’a rien à voir avec la température ambiante. Car l’image est tout bonnement saisissante. Sur scène : le groupe, bien sûr, et un attroupement en coulisses (j’en déduis que ce sont surtout des musiciens car je reconnais parmi eux Phil Anselmo, fan avoué). Sur l’écran géant, un gros plan sur le visage de Papa Emeritus II qui semble dominer le festival en entier de son regard glacial. Et dans le ciel juste au-dessus de la scène : une pleine lune gigantesque voilée partiellement par des nuages. Ca ne s’invente pas…
Nous avons droit à une succession des meilleurs titres de leurs deux albums, interprétés à la perfection. « Elizabeth », « Year Zero », « Satan’s Prayer » (en une version modifiée impeccable), « Death Knell », « Body and Blood », « Ritual » et j’en passe ; seul morceau qui fait ombre au tableau pour moi est l’imbuvable single « Secular Haze » que j’aurais volontiers remplacé par le bien moins ringard « Jigolo Har Meggido » manquant à l’appel. Les chansons sont entrecoupées par des interventions de Papa Emeritus II s’adressant à la foule, souvent avec un humour pince-sans-rire tout à fait charmant. Un problème technique d’envergure vient toutefois créer un malaise : alors que les premières notes de l’instrumental « Genesis » se font entendre, une coupure de son vient soudainement interrompre la performance alors que le groupe, n’étant pas privé de son retour de son, ne s’en rend pas compte. Il est assez grotesque de voir un groupe costumé jouer un morceau entier dans le silence, vous en conviendrez ; pourtant l’ambiance reste pour ainsi dire intacte. On n’installe pas une telle atmosphère pour la faire dissiper par un bête incident matériel. Ainsi le groupe est invité par les techniciens à se retirer momentanément de scène pendant que le problème est traité avec célérité. Il reviendra peu de temps après pour conclure son set comme si de rien n’était, et nous offre en prime « Ghuleh/Zombie Queen » et un « Monstrance Clock » dont l’ultime refrain est scandé par la foule sous la tutelle d’un Papa Emeritus II qui fait office de chef d’orchestre infernal.
Fédérateurs et carrés au possible, Papa Emeritus II et ses Nameless Ghouls nous livrent un sans faute prodigieux, nonobstant le problème technique mentionné. Il est difficile d’expliquer la fulgurance du succès de ce jeune groupe qui jouait en plein jour sous la Terrorizer il y a deux ans à peine ; la théorie d’un pacte avec le diable pour obtenir un tel succès n’est peut-être pas à écarter… Blague à part, il fait plaisir de voir un groupe qui rassemble plus qu’il ne divise les fans de metal tous genres confondus, et ne serait-ce que pour ça, Ghost était LE groupe tout indiqué pour clore un festival tel que le Hellfest qui remplit précisément la même fonction. Merci à tous les gens impliqués pour cette belle cuvée, et à l’année prochaine ! (Tremens)
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