Photos + report : Mitch
NOTE : ceci est le retour d’impressions d’un festivalier, spectateur assidu (septième édition), et non pas d’un chroniqueur accrédité, en mode reporter !
Septième Hellfest, donc, après les éditions 2014, 2016, 2017, 2018, 2019 et le deuxième week-end de 2022 !
Comme traditionnellement, on fait la route depuis Lyon un jour avant, on prend possession de la piaule chez l’habitant en milieu d’après-midi, puis on vient récupérer les bracelets, faire des emplettes à l’Extreme Market, et se mettre dans l’ambiance, vingt-quatre heures avant le début des « vraies » hostilités ; compatir à l’exode des campeurs, du parking jusqu’au camping, qui équipés de remorques ingénieuses, qui à l’arrache et dépassés par le volume de leurs bagages, qui, encore, hyper organisés, avec brioches Pitch et petites boîtes de maïs naïves et contrastant avec leur look de metalleux !
Ce tour de chauffe s’accompagne toujours d’une impatience et d’une excitation palpables. Pourtant, cette année, un léger malaise, à la limite de la culpabilité, vient tempérer l’angélisme de cette arrivée au pays du Metal. Car du « bad buzz » tourne autour du Hellfest. Les traditionnelles railleries de « machine à fric » et de Disneyland du Metal. Une interview très maladroite de Ben Barbaud, qui se lave les mains des accusations de complaisance envers les violences faites aux femmes et certains groupes aux intolérances raciales… Le déplacement en plein air de la Sainte Valley (scène stoner doom post et assimilés), au profit d’un bâtiment de merchandising Hellfest… Nous en reparlerons à la fin…
Jeudi 15 juin 2023 :
L’avantage d’une première journée de festival ne commençant qu’à 16h, c’est qu’on trouve enfin le temps de faire un petit tour dans le village historique de Clisson, de pique-niquer au pied de son château et de franchir ses jolis ponts sur la Sèvre Nantaise et la Moine.
Un peu avant 15h, il est temps de s’approcher de la Cathédrale et de patienter l’heure réglementaire pour la franchir, rafraichis par endroit par des brumisateurs géants bienvenus (apparemment le délai s’est allongé au fur et à mesure, de nombreux spectateurs ratant les groupes d’ouverture).
Juste le temps de se rouler dans l’herbe verte, fraîche et grasse (on sait que cela ne va pas durer pour elle !), avant de filer à la nouvelle Valley écouter Hypno5e. Les Montpelliérains ont la lourde tâche d’ouvrir cette scène avec leur metal cinématique, un peu Prog, un peu Post, en tout cas très barré et avant-gardiste. Ils tissent une toile sonore envoûtante devant ce nouveau parterre installé en largeur, à la fosse pavée de plaques de caoutchouc, qui laisse au spectateur un accès rapide à des toilettes, à une grande buvette, à des stands de nourriture, à des conteneurs ombragés pour grignoter sur des mange debout, le tout sous la surveillance de la Roue de Charon, venue du Burning Man, constituée de squelettes animés (et éclairés de stroboscopes la nuit venue, créant une sorte de mouvement d’animation au passage de chaque squelette devant le flash). La Valley perd, certes, son côté obscur, intime, enfumé ; mais sa disposition dos au soleil permet aux lights de fonctionner à toute heure, on peut y déambuler un peu plus « par hasard » qu’avant et y faire des découvertes, l’accès à la barrière pour les acharnés est également facilité. Toutefois, il semble que seules les places en fosse soient réellement valables, le reste de l’espace étant encombré par les deux régies très proches de la scène, et par les éléments décoratifs cités plus haut. On se retrouve donc vite empêché d’avancer assez loin, côté jardin, quand on arrive en retard à un concert à forte affluence (mais comme sur chaque scène, finalement… l’anticipation est vraiment une vertu pour le festivalier). Il se dit que cet aménagement n’était qu’une première étape temporaire pour cette scène…
On bascule ensuite sur la Warzone, scène « jumelle » de la Valley (elles sont séparées d’une zone de restauration qui les surplombe en leur centre), spécialisée dans le hardcore – punk, pour soutenir les confrères lyonnais de Kamizol-K, vainqueurs du tremplin les ayant propulsés ici ! Un rêve éveillé pour les six amis, qui ne se dégonflent pas et livrent une grosse énergie et une prestation impeccablement carrée, enflammant ainsi le pit instantanément. Leur Hardcore-Thrash est plus efficace qu’original, servi par le son énorme concocté par Thibaut « Convulsound » Bernard, et malgré les screams stridents de Marie/Chucky, qui m’ont personnellement toujours rebuté, la sauce prend et l’hyper-activité des six membres permet un gros moment d’échange et de partage. Tout musicien amateur les envie en cet instant, évidemment ! Chapeau à KZK.
Sur la Mainstage, Coheed And Cambria me rappelle que j’ai eu ma période Prog et écouté ce groupe assidument, voici quelques années. Claudio Sanchez (et sa tignasse !) délivre des vocaux aigus maîtrisés, et attire toute l’attention, avec ses guitares double manche ou Explorer peu passe-partout, pour un Metal Prog mélodique et assez vintage.
Une grosse surprise s’ensuit, avec le Metalcore de I Prevail, énorme son, musiciens impliqués, deux chanteurs, la pelouse s’enflamme et les gars du Michigan marquent les esprits.
C’est peu dire que la pression retombe avec Generation Sex, mélange de Generation X et des Sex Pistols… Une prestation indigne d’une représentation professionnelle, où quelle soit, Hellfest ou pub local… Billy Idol, qui a l’air de partager le même chirurgien esthétique que Mickey Rourke, chante faux, sans conviction, les guitaristes n’en mettent pas une dedans, les temps morts s’enchaînent, voilà un des pires concerts auxquels j’ai assistés pour ma part. Même les reprises punkisées de « My Way » et « Anarchy In The UK » tombent à plat. On part donc jeter une oreille à Nightfall, histoire de saluer l’Altar, pas spécialement ma came, mais au moins ça joue pro et dark !
19h40, In Flames joue plus tôt qu’en 2017, où il avait défendu le pop et controversé « Battles », mais axe cette fois sa setlist sur plus de classiques, s’assurant un beau succès avec les « Cloud Connected », « Darker Times » (rare) ou « Take This Life ». Les musiciens passent (on reconnaît l’ex-Megadeth Chris Broderick à la gratte !), mais Anders Friden et Björn Gelotte mènent toujours leur barque efficacement.
Boycott d’Hollywood Vampires, rapide voyage sous l’Altar pour assister au début de Candlemass : les Suédois envoûtent instantanément et semblent dans un très grand soir de Doom Metal grandiloquent ! On serait bien resté un peu plus, mais le planning original idéal doit toujours s’adapter aux contingences matérielles ! Et quand on voyage à plusieurs, il faut savoir s’intéresser aux préférences des autres, pour qu’ils vous accompagnent à leur tour dans les vôtres, et il se trouve que mon pote avait noté Architects tout en haut de sa liste de groupes à voir ! Architects se montre à sa place, à ce niveau de l’affiche, un show digne d’une MainStage, un gros son et des compos efficaces, quoiqu’un peu sur le même moule (on sent arriver à l’avance les breakdowns, reprises, refrains mélodiques et parties screamées) : difficile, toutefois, de résister à un « Deep Fake », le public apprécie ce Metalcore aux touches électroniques.
Impossible de ne pas assister à un bout des Lyonnais de Celeste, on s’esquive donc d’Architects pour rejoindre le magma sonore en fusion de ces stakhanovistes de la scène. Ayant eu la chance de remonter sur l’affiche de 16h30 à 21h50, ils bénéficient d’un début de pénombre plus conforme à leur light show et leur lampes frontales rouges intrigantes. D’après les retours, le début du concert était centré sur l’excellent dernier album « Assassine(s) » ; le Post Black très personnel de Celeste fonctionne, et inspire un spectateur facétieux : « moi qui croyais que Céleste, c’était la femme de Babar ! »
Convaincus, au bout de cinq minutes à peine, que le show de Kiss n’est pas pour nous (trop « entertainment », trop « fake » ), nous allons nous placer à la Valley bien en avance, pour commencer à nous recueillir et attendre la Grand Messe d’Amenra (deux salles, deux ambiances !). Les Belges, concentrés, finissent leur balances. La tension monte dans la fosse : qui vient si près au contact d’Amenra comprend et apprécie forcément cette musique difficile, torturée, une sorte de musique du désespoir, alternance de longues parties acoustiques minimalistes et introspectives, et de décharges d’énergie brute. Et le festival est à peine commencé depuis quelques heures, que je vis le genre de grands moments qui vous font dire « c’est bon, on peut rentrer à la maison ! » ! Pour mon cinquième concert d’Amenra, la communion est totale, je passe une heure un sourire béat aux lèvres, transpercé par le son incroyablement dense du groupe. Les projections en noir et blanc accompagnent les ambiances, les musiciens secouent leur corps d’avant en arrière sans répit. Colin Van Eeckhout, de dos la plupart du temps, est impliqué émotionnellement comme rarement, illustrant ses cris déchirants de gestes évoquant la lacération de son abdomen, abandonnant son élégante tunique pour finir torse nu, les muscles bandés, l’arcade en sang (un coup de micro ?). Et malgré la noirceur de la prestation, on ressort lavé, purifié, exorcisé, vidé de ses idées noires et léger comme une plume. Malheureusement, l’osmose n’était apparemment pas si optimale plus loin dans le public, un certain nombre de malotrus ne respectant pas le côté contemplatif de la prestation, parlant et criant impoliment pendant les moments de recueillement… Notez que la captation d’Arte Concert est remarquable, je vous invite à la regarder : au lieu de simplement reprendre ce qui était projeté sur les écrans géants latéraux pendant le show, elle propose une réalisation véritablement artistique, avec un traitement noir et blanc brumeux du plus bel effet.
Rien ne peut succéder à ce moment d’émotion, pas même quelques minutes de Katatonia picorées en passant devant l’Altar sur le chemin de la sortie. Ce Hellfest commence bien !
Vendredi 16 juin 2023 :
Le programme de ce vendredi est le moins enthousiasmant des quatre jours, me concernant. Après avoir constaté qu’un festivalier en kilt ne devrait pas s’asseoir en tailleur quand il ne porte pas de slip (coucou, paquet ! ), direction le stand de merchandising dès notre arrivée, stratégie qui s’avère payante avec « seulement » une heure d’attente, soit beaucoup moins que dans les retours glânés ici et là. C’était pourtant le but de la construction de ce beau bâtiment « Sanctuary », qui multiplie les guichets, présente les produits dans des conditions optimisées, et enlève la pression de la foule derrière le client en train de faire son choix. Les retours / échanges sont également facilités, avec un accès rapide pour qui se sera trompé de taille.
Ces moments permettent d’entendre, sans les voir, un Nostromo hyper violent sous l’Altar, et un Akiavel qui fait le taff avec un son énorme sous la Temple. Au FuriosFest 2021 (Saint Flour, Cantal), j’avais trouvé que la communication chuchotée et intimiste d’Auré faisait retomber la pression entre les titres ; ici, portée par l’adrénaline, elle harangue la foule plus dignement, et le quatuor sudiste semble prendre un gros pied devant ce qui doit être le plus large public de sa jeune carrière (même si ses membres sont loin d’être des débutants dans le milieu).
15h50, je suis à la barrière pour les chicagoans de Bongripper, groupe de Doom instrumental que j’adore sur disque et qu’il me tarde de découvrir « en vrai ». Leur set consistera en deux morceaux seulement, mais d’une vingtaine de minutes chacun ! Tout d’abord « Hail », tiré de « Satan Worshipping Doom » (2010), puis mon chouchou « Slow », pioché dans un album lui aussi à deux titres, « Terminal ». Le son est massif au possible, Bongripper pose des enclumes par paquet de dix, avec un rythme pachydermique prenant le temps de laisser se poser les ambiances, de longues montées en arpèges se concluant par de nouveaux murs de saturation. Musicalement, rien à dire, on retrouve le « gras » et les transes des albums. Visuellement, le groupe est probablement plus adapté à un club intimiste, présentant un gros déficit de charisme collectif et individuel : musiciens les yeux rivés sur leur manche, tenues de scène « civiles » avec le gros portefeuille qui déforme la poche, seul le bassiste se lâche un peu, avec son t-shirt du groupe de post japonais Envy.
Pause pipi, j’aime bien les pauses pipi du Hellfest, je m’y fais tout le temps ce que j’appelle des « potes de pisse », des gars qui lâchent de grosses conneries en même temps qu’ils partagent l’urinoir collectif avec leurs congénères ! Cette fois, un blondinet arrive avec un cochon en peluche en laisse, collier à clous et état poussiéreux déplorable, à force de le traîner par terre ! « Tu te mets là, tu es sage, hein ! Mec, tu vois ces flaques, c’est lui qui a pissé partout ! Quelle idée que de l’amener, je me fais arrêter sans cesse par des gens pour faire des photos, moi qui croyais me balader peinard avec mon porc ! ». Retour mort de rire auprès de ma femme et mon pote, « Ah ! tu t’es encore fait un pote de pisse ?! » !
Petit saut sur les MainStages pour voir un bout de Skid Row, groupe perdu de vue depuis l’époque où ils tournaient avec Metallica. Si les membres historiques ont bien changé physiquement depuis (Rachel Bolan, « The Snake » Sabo et Scotti Hill), le tout nouveau et jeune chanteur Erik Grönwall fait presque oublier Sebastian « Baz » Bach, pour un concert Hard Rock Glam US fort adapté à un après-midi de festival. « Youth gone wiiiiiild ! ».
Retour à la Valley, pour les cultes Weedeater (bouffeurs de beuh !). Le bassiste chanteur Dave « Dixie » Collins attire toute l’attention à lui : sorte de clochard édenté, une jambe de pantalon relevée, basse défoncée, ampli défoncé, sangle de basse se terminant par une ficelle, il grimace, louche, crache, harangue et fait des doigts au public, se gratte le cul longuement, biberonne amoureusement sa bouteille de Jack ! Mais musicalement, ça ne rigole pas, son jeu de basse très libre donne un groove imparable à l’ensemble, un gros son bien gras et généreux, pour cinquante minutes de Doom-Stoner parfaitement adapté à la chaleur écrasante de cette fin d’après-midi !
Les membres d’Alter Bridge sont des habitués du Hellfest, il ne se passe quasiment pas une année sans en croiser à Clisson, que ce soit Alter Bridge au complet, Tremonti en solo, Myles Kennedy en solo ou en accompagnement de Slash… Cette « routine » explique-t-elle leur décontraction à la limite de la détente ? Toujours est-il qu’ils ne donnent pas leur concert le plus intense et impliqué, malgré l’efficacité de leurs chansons Rock-Metal Alternatif US, et malgré l’extrême qualité de leur jeu et chant. Mes informateurs me disent que leur concert au Transbordeur de Lyon dix jours plus tard s’est avéré à l’opposé de ce semi dilettantisme, plus de deux heures de live intense dans une folle ambiance, ceci après un Mammoth WVH également irréprochable !
The Dillinger Escape Plan n’est plus, mais son chanteur Greg Puciato est déjà de retour en solo, à la Valley, pour un set décousu mais « artistique », de rock alternatif plutôt avant-gardiste, le genre de moments de découverte que l’on apprécie sur cette scène ; à noter, les reprises de « Them Bones » d’Alice In Chains, et de « One Of Us Is The Killer » de son groupe précédent TDEP. Après ses participations intenses au super-groupe Killer Be Killed, Greg Puciato prouve sa polyvalence et sa pugnacité.
Bref détour sous la Temple pour quelques minutes du Black Metal de 1349 : après une grosse perplexité au Hellfest 2014, devant une telle sauvagerie / bouillie sonore, heureux de voir que cela n’a pas trop changé en 2023 ! Les codes doivent nous manquer pour comprendre ce groupe, avec Frost de Satyricon à la batterie et avec une telle réputation, nous devons certainement passer à côté de quelque chose !
Démarre alors la soirée la plus longue sur les MainStages… Les Anglais de Def Leppard proposent un show pro et agréable, les guitaristes Phil Collen et Vivian Campbell sont loin d’être des manchots ! Mais un léger malaise me prend imperceptiblement, voir ces sexagénaires lookés comme s’ils avaient toujours vingt ans, l’aspect excessivement FM / gentil / commercial de titres comme « Let’s Get Rocked » que l’on raillait déjà gentiment en 1992, le son synthétique de la batterie du courageux Rick Allen, son solo inutile et absurde à base de « poum poum tchak, poum poum tchak » joué de plus en plus vite… Je respecte la carrière mais je ne vibre clairement pas.
Puis arrive la controverse Machine Gun Kelly, artiste US de Rap-Rock / Pop-Punk, sans aucune légitimité en France aussi haut sur l’affiche. Si le spectacle proposé est digne d’un show à l’américaine et d’une position de headliner (en particulier cet imposant escalier pyramidal), le malaise est encore bien présent. Pour une fois qu’une musicienne apparaît sur cette scène, elle est forcément bombasse et à moitié à poil (la guitariste, pourtant très compétente) ; le concert est pro et spectaculaire, mais « fake » et sans âme, avec un un MGK en mode ego-trip et le cul entre plusieurs chaises stylistiques. Et que dire de la fin de concert abrupte, qui laisse le public devant un clip de rap de MGK… Le concert était loin d’être un fiasco, mais il ne serait pas étonnant que Machine Gun Kelly ait simplement été imposé par les tourneurs de Mötley Crüe (MGK a joué le rôle de Tommy Lee dans le biopic « The Dirt », ce dernier a d’ailleurs fait une apparition à la batterie sur un titre du concert de ce soir).
Et Mötley Crüe, qui prend la suite à 23h15 (avec le virtuose John 5 à la guitare) ? Pareil, fake, looks décalés pour des messieurs de cet âge, forts soupçons de bandes enregistrées, et l’impression que #metoo n’est pas arrivé jusqu’à Los Angeles, avec ces deux danseuses presque nues et enchaînées, qui se trémoussent lascivement entre deux chœurs trop parfaitement chantés pour être honnêtes.
Ça suffit pour aujourd’hui, tant pis pour Sum 41 qui clôture (la soirée et sa carrière), on rentre et on va prendre des forces pour un gros samedi. Et des forces, certains en auront besoin, tel ce sexagénaire clissonnais à trois grammes, tentant de rejoindre son domicile sur son vélo : lamentable dans le chemin escarpé montant de la route au parking Est, poussant son vélo du mauvais côté, « Je suis à l’envers ! Putain, je suis à l’envers ! Je suis droitier ! » , hasardeux quand il remonte sur son vélo en s’élançant, zigzagant, dans le noir !
Samedi 17 juin 2023 :
La journée des cas de conscience et des choix cornéliens, mais LA grosse journée de ce Hellfest !
Pourquoi Evergrey n’a-t-il jamais rencontré le niveau de succès de ses compatriotes Soilwork et In Flames, par exemple ? Il a pourtant bien des atouts, un Dark Prog Metal passionnant et qualitatif, un chanteur-guitariste (Tom Englund) à la voix en or, une discographie roborative (je les ai découverts en 2001 avec l’album « In Search Of Truth » et son tube « The Masterplan »), de bons lives… Trop de changements de personnel, peut-être…? Toujours est-il qu’Evergrey ne contrarie pas sa réputation et donne un excellent concert, en ce tout début d’après-midi.
Mais mon temps fort du jour, c’est Crowbar ! Depuis que j’ai été transpercé par les « croum croum » de ses guitares ici même en 2018, j’écoute ses albums en boucle et avec passion, peu de choses me faisant plus de bien que le son de guitare énorme et les mélodies introspectives des barbus du bayou. Pas de chichis, short cargo, Vans à damiers, une seule guitare à un micro et un potard de volume, Kirk Windstein est en forme, il se moque du ventilateur qui rabattra sa longue barbe dans sa figure sur le premier morceau, du plein soleil et de sa vieille vue qui l’empêchent de voir l’affichage de sa pédale d’accordeur, il crache par terre, vient défier son guitariste et son bassiste lors de riffs harmonisés, sa voix est toujours en papier de verre et le son de sa guitare incroyable. La setlist est efficace et équilibrée, allant du classique « All I Had (I Gave) » au récent, avec le brutal « Chemical Godz », en passant par un « Planets Collide » acclamé et mémorable. Alors, clairement, Crowbar n’est pas le meilleur groupe de la terre, Windstein pas le meilleur chanteur non plus, mais ce Sludge aussi pachydermique que mélodieux est vraiment une marque de fabrique, jouissive pour qui sait l’apprécier.
Ce n’est pas le Japonais de la Valley qui dira le contraire ! Abonné à la barrière, ce jeune Nippon au bandeau aux couleurs de son pays aura vécu sa meilleure vie à Clisson, chapeau à lui d’être venu (seul) de si loin pour vibrer aux sons de ses groupes occidentaux préférés !
Pendant ce temps-là, en MainStage, les progueux Polonais de Riverside se rappellent également à ma mémoire (il va quand même falloir que je ressorte tous mes albums du début des années 2000), l’équipe de Mariusz Duda a survécu au décès de son guitariste Piotr Grudzinski en 2016 et assure une prestation solide autant que mélodique sur la MainStage 1.
Le début de journée a été chargé, il est temps de se restaurer et se faire servir une bonne bière par l’équipe du bar de la MainStage, tout en chemises à galons et casquettes de capitaine de bateau de pacotille, façon Merrill Stubbing dans « La croisière s’amuse » !
Mine de rien, Maynard James Keenan devient un habitué de Clisson, que ce soit avec A Perfect Circle, Tool, ou ce jour Puscifer. La programmation d’un tel OVNI à 17h sur une MainStage est assez osée. Mais la sauce prend, et les costards-cravate-lunettes noires-maquillage donnent une aura décalée à ce collectif (très) indé et (très) expérimental.
Je pensais passer en coup de vent devant The Obsessed, juste pour le CV de Scott « Wino » Weinrich et de ses amis, pensant tomber sur un succédané de vieux Doom à la Trouble, Pentagram, St Vitus. Et j’ai finalement passé cinquante minutes de plaisir, happé par ce qui ressemblait plus à un Classic Rock fiévreux qu’à du 30 BPM ! Excellente surprise que cette prestation, de la bouteille, de la classe, des instrumentaux gibsoniens enflammés et une sacrée intensité. Merci la Valley, une fois de plus !
Le Prog est encore à l’honneur en MainStage, avec Porcupine Tree, encore un groupe que j’ai suivi passionnément, avant de basculer « du côté obscur » de la musique. Comme il l’avait fait en solo en 2018 ici même, Steven Wilson ne surjoue pas le côté metal, pour flatter les oreilles d’un parterre à majorité métallique. Il assume la part mélodique et progressive de sa formation, réactivée récemment, avec de longues pièces telles que « Blackest Eyes », « Anesthetize », le dramatique « Open Car », l’imparable « The Sound Of Muzak », pour finir par l’acoustique « Trains » (sans casser de corde à sa guitare sèche, chose qui lui arrivait fréquemment sur ce titre lors de la tournée « In Abstentia ») ! Aux claviers, Richard Barbieri tourne toujours plus de boutons qu’il ne presse de touches, Gavin Harrison impressionne à la batterie avec son groove et sa technique jazz imparable, et les « petits nouveaux » Randy McStine et Nate Navarro remplacent sans sourciller les virtuoses historiques John Wesley et Colin Edwin. Dommage qu’un dysfonctionnement des écrans géants ait privé le public d’images pendant la majeure partie du set !
Encore un bref aller-retour à la Valley, pour planer un peu sur les jams psychédéliques des Californiens de Earthless. Une très belle communion avec le public, que ces longues montées instrumentales typiquement seventies, portées par la guitare d’Isaiah Mitchell. Excellent moment !
Je n’en dirais pas tant du concert de Powerwolf « subi » pour garder une bonne place pour Maiden ! Les spécialistes avaient l’air content, mais je suis absolument hermétique à ce Power Metal grandiloquent, guerrier et viril, à ces refrains racoleurs et cette imagerie qui m’évoque le comble du kitsch : Puissanceloup, non !
Quoi de mieux que de faire les cons pour passer le temps ? Une jeune femme à l’air ahuri et alcoolisé nous demande « Je cherche mes potes, ils devraient être par là…? », « Ils ont des casquettes, des barbes et des t-shirts noirs ? Ils sont juste là-bas, on vient de les voir ! », « Ah, génial, merci, j’y vais tout de suite ! ». Ce n’est pas bien urbain, mais elle le méritait, au final ! Complètement inattentive et ne cessant de papoter bruyamment au lieu de suivre la musique, elle ne cessera de faire des selfies insupportables avec ses amis retrouvés… sur lesquels nous grefferons autant de photobombs débiles et de doigts discrètement glissés dans le cadre ! Le visionnage des photos après dessaoûlage a dû être épique, on nous déteste, quelque part en France !
Soudain, un attroupement, une dizaine de personnes accroupies qui cherchent dans l’herbe… La solidarité métalleuse… « Il a perdu son bouchon d’oreille, aidez-nous à le chercher ! », « Ah ben moi, j’ai perdu ma dignité, si vous la retrouvez… »
Iron Maiden va surprendre le festivalier lambda en ne déroulant pas une setlist best-of, c’est tout à son honneur, et va centrer son show sur le classieux album « Somewhere In Time » (« Caught Somewhere In Time », « Stranger In a Strange Land », « Heaven Can Wait », le rarissime « Alexander The Great », « Wasted Years »), sur son dernier méfait « Senjutsu » (« The Writing On The Wall », « Days Of Future Past », « The Time Machine », « Death Of The Celts », « Hell On Earth » ), entrecoupés des standards « The Prisoner », « Can I Play With Madness », « Fear Of The Dark » (solos chantés par le public !), « Iron Maiden », « The Trooper ».
Les années passent, mais la qualité est toujours présente ! Bruce Dickinson est en pleine forme vocale et physique, il fait l’effort de présenter les titres en français, ils se bat en duel, au canon laser, avec la mascotte Eddie, il se déplace sans cesse. Adrian Smith a toujours autant de feeling et de classe en solo ; certains l’ont dit grognon (en l’occurrence sur un petit cafouillage collectif pendant « Alexander The Great »), mais de la pelouse, il n’en paraît rien. Dave Murray est toujours synonyme de « fluidité », il parsème ses solos d’impros maîtrisées (coucou, Kirk Hammett !). Jannick Gers danse la gigue, la main droite de Steve Harris galope sur sa basse, et le vétéran Nicko McBrain (71 ans) simplifie un peu ses parties, mais assure toujours derrière cet orchestre de luxe ! Difficile de deviner quels groupes de la nouvelle génération pourront reprendre le flambeau de tête d’affiche à l’avenir (Gojira ? Architects ? Parkway Drive ? Ghost ? Avenged Sevenfold ?), en tout cas ils ont du boulot avant d’égaler le répertoire, la popularité et la carrière d’un Iron Maiden !
Mon pote veut rester en MainStage pour Within Temptation, que je respecte mais n’apprécie pas trop ; la tentative d’approcher les Mongols de The Hu à la Temple est vaine, il y a au moins autant de monde agglutiné dehors que dans la tente, c’est n’importe quoi, on ne peut plus avancer d’un pas ! Il est donc temps de s’extraire et d’un petit aller-retour à la Valley, pour un nouveau moment fort du festival !
Car avec Clutch, on se croirait à Jazz à Vienne ! Ça groove, ça bluese, ça soule, ça swingue, impossible de résister à la musicalité et à la positivité de la bande ! Le chanteur Neil Fallon dégage un charisme qui dépasse les limites du site, allègrement ! Seul devant la scène, sobre en jean et chemise noire, il tient le public au bout de son micro et rayonne avec sa voix multifacettes, pleine de profondeur, d’âme et d’expressivité. Il passera même à l’harmonica et à la guitare slide en fin de set. A la basse, Brad Davis de Fu Manchu remplace momentanément Dan Maines (urgence familiale) avec succès. En 2019, Clutch avait animé la pelouse des MainStages en plein après-midi ; cette fois, de nuit et sur une scène plus intimiste, il propose un moment magique et hors du temps ! On adore !
En 2018, Carpenter Brut avait créé la surprise, en transformant la Temple en boîte de nuit géante, prouvant qu’une musique électronique jouée avec grosse guitare et batterie pouvait ambiancer les plus retors des métalleux !
Cette année, le groupe du poitevin Frank Hueso n’a pas le droit à l’erreur, propulsé en MainStage 1 à un horaire intimidant (0h30 – 2h00). Et Carpenter Brut a assuré ! Enorme son, gros show visuel, des invités (Yann Ligner de Klone sur la reprise « Maniac », Greg Puciato sur « Imaginary Fire », Persha présente sur « Lipstick Masquerade »), le palier est franchi avec brio et le groupe renvoie la confiance placée en lui, en tirant toute l’énergie possible de ses morceaux Dark-Synthwave inspirés des films d’horreur des années 80.
En quittant le site après cette journée mémorable, impossible de ne pas jeter une oreille aux jusqu’au-boutistes de Meshuggah. L’accès à l’Altar est impossible, il faut feinter, contourner le bordel et entrer par le côté de la Temple. Et là, le choc, musiciens alignés devant la scène, immobiles et intimidants, lights stroboscopiques de fou furieux, son monstrueux, riffs glaciaux et mathématiques, Meshuggah démonte littéralement la tête de l’assistance, on se demande même comment autant de gens peuvent se passionner pour une musique si violente et difficile d’accès ! Un show millimétré, robotique et franchement impressionnant !
Un dernier épisode marrant marque la route du retour. « Gendarmerie Nationale, contrôle d’alcoolémie, veuillez souffler longuement, Madame ». Et ma femme, tout sourire, « Bonsoiiiiir ! Merci, je suis trop contente de souffler pour la première fois ! Quitte à se faire ch… à ne pas boire ! Merci beaucoup, allez, bonne soirée ! », laissant les fonctionnaires surpris et amusés !
Dimanche 18 juin 2023 :
Sale temps pour un festivalier, je n’ose imaginer l’état du camping avec la pluie froide et drue qui tombe en ce matin… Le froid, la chaleur, on peut s’en accommoder, mais la pluie sur un fest en plein air, c’est insupportable !
La journée sera donc courte, nous n’arrivons qu’à 16h, ratant Halestorm et prenant position juste à temps pour les énervés hardcoreux de Hatebreed. Pas de surprise, à part le bandana de Jamey Jasta troqué contre une casquette : déferlement de vocaux dégueulés, riffs plombés, groove vindicatif, c’est primaire et bas du front, mais tellement jouissif ! « Destroy everything ! Destroy everything ! Destroy everything ! Obliterate that makes us weak ! »
Un concours de ventrigliss s’improvise sur la pelouse devant la grande roue, un jeune ventru se chauffe et se désappe avant se jeter dans la boue après une course d’élan pathétique ! Ovation générale, tout le monde mort de rire, on se croirait au concours de plats de la croisière 70 000 Tons Of Metal ! La pluie n’aura pas plombé le moral de tout le monde !
La tension monte sur la pelouse, on sent que quelque chose se prépare… Electric Callboy, le groupe allemand que tout le monde aime détester, est en approche… Si Helmut Fritz jouait du Metalcore, cela donnerait Electric Callboy ! Le genre de moments régressifs et potaches contre lesquels on a du mal à lutter ; les perruques mullet, vestes de survêtement années 80, boucles électroniques et refrains putassiers sont de sortie. Chacun a quelque chose à reprocher à Electric Callboy, mais cinquante minutes durant, la totalité de la pelouse des deux MainStages est embarquée, ça saute, ça chante, des mini circle-pits se forment jusque en-deça des bars centraux. Il faut avouer que la qualité d’interprétation est au rendez-vous, ça envoie du riff sévère, ça bouge dans tous les sens sur scène, et les mélodies aussi accrocheuses que régressives font mouche parmi la foule. Il fallait y être !
Incubus annule son passage en dernière minute pour maladie ? Qu’à cela ne tienne, Ben Barbaud annule sa traditionnelle conférence de presse (ce qui l’arrange peut-être bien, finalement…) et ramène les Espagnols de Crisix, présents sur le site, et pas perturbés outre mesure d’être bombardés sur une MainStage (qu’ils ont déjà foulée par le passé). Une heure de Thrash-Crossover déjanté et fédérateur, rien pour s’élever intellectuellement, mais ça fonctionne et le public s’éclate !
Quant à Tenacious D… De nombreux festivaliers les ont classés dans leur top 3 des meilleurs concerts… probablement des adorateurs du film, qui y ont retrouvé là l’univers qui les amuse. De mon côté, je n’ai pas compris la place du groupe à ce moment de l’affiche, de l’humour acoustique, Jack Black qui grimace, cabotine, des temps morts interminables, juste avant la force de frappe de Pantera et de Slipknot et la clôture du fest… une drôle d’idée et un sacré temps mort dans une fin de journée pourtant bien carton.
Pantera, justement, qui est plutôt un hommage à Pantera que Pantera lui-même, les regrettés Dimebag et Vinnie Paul étant remplacés par Zakk Wylde (Black Label Society, Ozzy Osbourne) et Charlie Benante (Anthrax). La formation introduit son arrivée par la projection de vidéos d’époque en mode Jackass, montrant les excès et pétages de plomb inénarrables des jeunes années du combo ; ce n’était déjà pas bien intelligent, et les discours de Phil Anselmo avec gros plans sur ses yeux bouffis de dévoreur de vie (et du reste) sont bien raccords avec ces souvenirs de redneckerie primaire. Par contre, quand le groupe se met à jouer, alors là, ça ne rigole plus ! Pantera était attendu au tournant et avait toutes les raisons de se planter, mais comme ils ont bossé et se sont préparés sérieusement, c’est une claque auditive que se prennent les 40 000 personnes présentes ! Si Anselmo est statique et ne salit pas ses pieds nus en dehors du tapis sur lequel il repose, sa voix de jeunesse est revenue, et il assure une performance vocale étonnante, bien au-dessus de celle délivrée l’année précédente avec Down ! Sans singer Dimebag à la nuance près, Zakk Wylde prend possession à merveille du répertoire du guitar-hero, et bénéficie d’un son à décorner un troupeau de mammouths ! Benante a LE son de Vinnie Paul, et Rex Brown, lui, est très mobile et double au millimètre les difficiles rythmiques de guitare. Et la setlist, bordel ! Centrée sur les albums « Vulgar Display Of Power » et « Far Beyond Driven », elle déroule tube sur tube : « A New Level », « Mouth For War », « Strength Beyond Strength » avec un breakdown d’une lourdeur incroyable, « Becoming », « I’m Broken », « Fucking Hostile », « Walk », n’en jetez plus, chaque titre est un moment fort. Difficile de jauger le degré « d’honnêteté » de la reformation, ni la proportion d’appât du gain et de besoin d’hommage aux frères Abbott ; en tout cas, le résultat est excellent, alors que l’entreprise était casse-gueule et les fans prêts à mordre.
Après que le spectateur nu emporté par sa passion de Pantera se soit rhabillé (beaux tatouages abstraits et petit zizi, mais bon, il faisait froid !), un petit bout de Slipknot, histoire de voir ce que ça donne, avant de s’éclipser avant l’embouteillage post feu d’artifice. Je connais mal le groupe, mais le spectacle a l’air à la hauteur de la place sur l’affiche, gros son (même si on peine à distinguer qui fait quoi dans ce bordel organisé, avec tant de musiciens), percussions en avant, ça bouge dans tous les sens avec les masques dérangeants et les combinaisons typiques, la fatigue et la semi-frustration de ce dimanche humide nous poussent vers la sortie, après un fest long et déjà bien amorti !
Conclusion et polémiques :
Et à peine le smartphone rallumé dans la voiture, fin de l’état de grâce et retour des polémiques : les places 2024 seront en vente dès le 27 juin 2023 (avec AC/DC à l’affiche ?) ! Donc on laisse une paye sur le site, jouant le jeu en consommant sans trop compter, et en récompense, il faut se remettre dans la bagarre des achats de places internet et sortir 329€ x 2, une semaine plus tard ? Au final, seuls 50% des places seront mises en vente immédiatement, et l’argument de favoriser ceux qui n’ont pas eu de places en 2023 (et ont donc censément plus de trésorerie disponible) sera donné : idée initiale, ou adaptation maladroite, devant les seaux de m… récoltés sur les réseaux sociaux ?
Puis, quelques jours plus tard, on découvre l’information selon laquelle le président Ben Barbaud est condamné en justice pour avoir confondu fonds personnels et fonds du Hellfest, et va être rétrogradé directeur (alors que dans n’importe quelle entreprise commerciale, cela aurait justifié un licenciement sec).
Est-ce la raison pour laquelle il ne s’est pas trop mouillé, lors de la fameuse interview polémique, où il s’est lavé les mains de pas mal de sujets ? La contribution carbone importante du Hellfest, gourmand en fioul ? Que les industriels nous proposent autre chose… La programmation de musiciens accusés ou condamnés pour violences conjugales, ou pour sensibilités racistes ? Je suis producteur de spectacles et ne suis pas là pour juger, je n’en ai vu aucun maltraiter une femme… C’est maladroit, très maladroit.
Le Hellfest ne peut être reconnu responsable de tous les maux de la société, il n’est effectivement qu’un programmateur de spectacle. Mais sa position de leader et de symbole ne lui impose-t-elle pas plus de responsabilité sur ces sujets ? De telles communications se préparent, Ben Barbaud n’est plus le petit activiste associatif innocent de ses débuts. Et qu’est-ce qui l’empêche de prendre position, devancer les problèmes, et adopter un discours proactif ? Il va s’empêcher de programmer quelques groupes « douteux » ? Et alors ? Des dizaines d’autres se pressent au portillon, pour lui permettre de proposer une affiche de qualité !
Sur les accusations de « machine à fric » et de « Disneyland du metal », je resterai plus mesuré. Le camping « VIP » est cher ? Oui, mais le camping traditionnel reste gratuit dans le billet ; et si cette offre correspond à des étrangers qui viennent en avion les mains dans les poches, ou à des spectateurs n’ayant pas trouvé de logement chez l’habitant (où les prix montent en flèche d’année en année) et souhaitant rester dans l’ambiance du site avec un minimum de confort ? Il est toujours possible de loger gratuitement, de boire de l’eau au robinet et d’amener son sandwich.
Le merchandising prend une place croissante ? Rien ne nous oblige à en acheter, personnellement j’ai très bien vécu plusieurs éditions sans y dépenser un centime.
Les festivaliers ne sont plus des passionnés mais des touristes ? Des touristes capables d’investir le prix de la place et des à-côté, et une semaine de leur vie, dans des conditions fatigantes, pour de la musique qu’ils n’aiment pas, je demande à voir. Faut-il imposer un questionnaire à l’entrée, pour trier les « trve » des imposteurs ? Personnellement, je vois de moins en moins de « déguisés » et de rigolos, depuis deux ou trois ans. Et la « surpopulation » constatée dès le matin tend à montrer que les festivaliers sont désormais plus assidus aux concerts, alors que cela ne se remplissait avant qu’en fin de journée, certains glandant au camping, d’autres n’arrivant en soirée, que pour les têtes d’affiche.
Et le Hellfest serait-il rentable à programmer uniquement les pépites inconnues des scènes annexes, s’il n’engrangeait pas la masse des contributions des spectateurs des MainStages ? La baisse des scènes Altar et Temple tient peut-être plus à une perte de vitesse des styles qu’elles représentent, qu’à la seule gentrification du public.
Alors oui, le public évolue, il vieillit (comme le metal…), monte en CSP, mais il se féminise aussi, ce qui est une bonne chose. Le fest dure un jour de plus, les cachets des gros artistes explosent, le prix des billets augmente donc (mais j’ai quand même vu plus de quarante concerts pour 329€…), et le pouvoir d’achat des spectateurs potentiels avec. Mais, à la vue des récentes tournées de Metallica et de Kiss, par exemple, est-ce un problème général de l’industrie de la musique, ou un symptôme réservé au Hellfest ?
Le Hellfest, ce festival capable de proposer, chaque année, le top des groupes de chaque style, dans les conditions visuelles et sonores de grande qualité, dans un respect du timing à la seconde. Qui tient compte des remarques de l’année précédente pour améliorer les conditions d’accueil de l’année suivante (plusieurs agrandissements du site sans changer la jauge en spectateurs, par exemple). Où on peut manger et boire varié non-stop, de 10h30 à 2h du matin. Ceci dans une décoration soignée, bien dans le thème : assister à Amenra ou 1349 sur fond de containers enflammés, ce n’est pas vraiment ma définition du monde mercantilo-enfantin de Disneyland Paris !
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