Live report : Willhelm Von Graffenberg

Photos : Nickie LM

Il est 20 heures 30 minutes passées et la soirée peine à démarrer en ce vendredi 25 novembre 2016… Le public attend les dernières mises au point et réglages sonores dans l’antichambre menant à la scène du Hipster, café concert rouennais, un des derniers bastions ayant échappé à la vague inquisitrice de contrôles de sécurité ayant menée à la fermeture de 15 – oui, oui, vous avez bien lu – lieux où se produire dans la « ville aux 100 clochers » qui a tendance à vouloir n’entendre de son de cloche que celui non plus de la sécurité mais l’autre lui évitant des procès pour mise en danger d’autrui. Pour rappel, cette rafle de contrôles « inopinés et hasardeux » a eu lieu après un accident mortel dans la cave d’un bar l’été dernier (13 morts) : les questions de sécurité semblaient ne pas déranger auparavant et c’était un secret de polichinelle que majorité des lieux recevant du public n’était pas aux normes… mais ça n’inquiétait ni ne dérangeait personne en haut lieu… Sorti de ce cynisme politique, et il faut hélas l’admettre, leur donnant raison, la mauvaise foi va beaucoup dans d’autres réponses à cet accident mortel, demandant à certains bars de passer – avec une grosse taxe, bien sur – en régime de salle de spectacle sous menace de fermeture (déjà que la situation a plus qu’écrémé les spots à concerts dans Rouen…) mais n’a pas davantage proposé de lieu où se produire (« vous savez, ces jeunes… ils sont bruyants… et puis les metalleux sont des satanistes drogués qui partouzent avec des jeunes vierges blondes… » Merde, j’ai dû rater un épisode ! Où est-ce qu’on signe ?)

Le Hipster accueille donc, dans de bonnes conditions scéniques malgré une jauge assez limitée au niveau du public, ce soir une affiche somme toute locale avec Prophecy of Apocalypse, Sekhmet et Rebellion of the Loom, mais avec également une belle tête d’affiche en la présence des papas du Thrash/Death français que sont No Return (que nous avons eu le plaisir – et le sourire – d’avoir en interview peu de temps avant le début des concerts).

Prophecy of Apocalypse : elle n’aura pas lieu ce soir, hélas mes frères…

Le groupe rouennais n’en est pas à sa « révélation » pour traduire littéralement, car leur Heavy/Thrash Metal commence à disséminer la bonne parole un peu partout en France… Mais ce soir, la bonne parole ne sera pas énormément entendue. Le quintette subit déjà l’amputation d’un membre, Antoine, leur guitariste étant souffrant ; c’est Laurent, second guitariste, qui se chargera d’assurer les deux rôles… Mais il subit également l’absence de public. Certes, ils ouvrent la soirée… avec un petit peu de retard… mais devant un peu plus d’une vingtaine de personnes, qui ne répondent pas forcément dynamiquement, difficile de ne pas se blaser. Et pourtant ce n’est pas faute au groupe de faire un set propre, carré et dynamique, chacun des membres y mettant du sien pour faire de ce concert une réussite : Jeremy tente d’amener le public, entre deux superbes envolées lyriques, époustouflantes, à participer, en vain. Laurent assure les deux rôles de guitaristes, Camille à la basse tient sa place sans prendre de leadership – mais en faisant d’énormes backing vocals – et Baptiste… tape fort Le groupe assurera un set assez court, eu égard aux circonstances – et au retard pris – d’une musique implantée dans les sources des plus metalliennes (Maiden, Priest, Helloween, Gamma Ray) qui mérite le coup de d’oreille et je vous y invite très clairement.

Setlist Prophecy of Apocalypse :

– Infected
– Damned
– Flash of Fire
– Burnin’ alive
– Tyranny
– Steel Thunder

https://www.facebook.com/ProphecyMetalOfficial/

Sekhmet : the eye of the lion…

« Vous êtes durs, le public rouennais ! » J’eus aimé que quelqu’un rétorque un « Comme ma bite ! » de bon aloi, mais pas davantage de monde, malgré un turn over pour ce concert suivant.

Le quintette havrais connait déjà les lieux, y ayant déjà joué quelques temps auparavant, et était le premier arrivé pour installer le matériel en cette soirée : tous les groupes feront leur concert sur le rack batterie estampillé aux couleurs du groupe. Les membres occupent tout l’espace scénique, leur musique est efficace, bien foutue, dynamique, mais si le public ne suit pas vraiment, j’avoue que moi non plus. Pourtant, je l’avoue également, j’ai beaucoup aimé la construction de leurs morceaux, mélange de Heavy, de Thrash, parfois de passages Core, avec des harmonies à la voix entre Michael (chant) et Charles (guitare lead) qui font penser parfois à du A7X… Mais le contact ne passe pas, et je ne sais pas si c’est dû à une posture trop cadrée ou à l’agressivité du chanteur face au public (en tous cas je l’ai ressentie comme telle), même si celui-ci tente d’amener le public à prendre part en descendant directement le chercher dans la fosse – si tant est qu’on puisse parler de fosse au Hipster. Je noterai cependant la présence discrète mais efficace car charismatique d’Eliott à la basse et aux backings growlés qui arrive à marquer sans trop en faire.

Charles n’est pas non plus mis en relief par le mix : je ne sais pas si ce ressenti est lié à mon placement dans la salle, mais je l’ai trouvé très en retrait dans l’équilibre, que ce soit en accompagnement comme en lead, d’autant plus dommage qu’il se défend plutôt pas mal techniquement.

Un concert en demi-teinte au niveau de la réception mais musicalement assez prenant. A suivre.

Setlist Sekhmet :

– Shield
– Pandora
– Asterion
– Endless
– Still missing
– Drop dead
– Ashes and Dust
– Dead Man walking

https://www.facebook.com/SekhmetTheOfficial/

Rebellion of the Loom : Rayman va en prendre plein la gueule !

Et c’est peu dire : si le Hipster est assez connu pour être un spot rouennais de coreux, RotL y a clairement sa place tant il va dynamiter la salle. Le sextet rouennais sur le point de sortir son EP « a tout d’une grande » pour citer le slogan d’une pub d’antan, un sextet assez exceptionnel dans sa constitution avec deux chanteurs/animateurs/défonceurs de foule servis par du riff lourd et groovy. Le groupe a beau être jeune, ils pèsent déjà dans le game et l’organisation interne, au-delà des invectives permanentes d’Alexandre – le promontoire au logo du groupe placé sur un des retours est assez explicite de la vision scénique dynamique que veut transmettre le groupe –, met en évidence ses échanges de voix avec Thibault. Je les trouve même encore plus entrainants que lors de la dernière de leurs prestations à laquelle j’avais assisté, à l’Emporium, déjà avec Prophecy of Apocalypse (http://www.soilchronicles.fr/reports/rebellion-of-the-loom-trash-heaven-prophecy-of-apocalypse-a-emporium-galorium-rouen-le-05122015). Si musicalement ça n’a pas une originalité révolutionnaire, le combo est très efficace scéniquement et davantage de monde répond présent à l’appel du pogo. Un groupe à voir en live pour ceux qui ont envie de se remuer pendant un live.

Setlist Rebellion of the Loom :

– The Darkness of Men’s Heart
– Alive
– Straight ahead
– Blindness
– Old Guardian
– Strong Will
– The great Fighter
– The Beast
– Carnage

https://www.facebook.com/rebellionoftheloom/

No Return : un perpétuel retour.

No Return fait partie de ces groupes qui mériteraient depuis des années (plus de 25, en fait) de ne pas végéter en L2 du Metal, et je ne dis pas ça parce que je serais admirateur (bon, ok, je le suis, et également admiratif de leur travail et leur carrière) ou chauvin – moi chauvin, ce serait aussi ironique que moi chauve, hein ? Je laisse ça à Ingrid… Si le groupe existe depuis plus de 25 ans, soit à peu près le même temps datant leur dernier passage à Rouen pour citer Alain questionné par Mick durant leur prestation, le quintette français a une expérience indéniable de la scène. De retour de tournée européenne avec Mors Principium Est, Onslaught et Blaakyum, ils reviennent en terre natale pour deux concerts d’affilée avec Prophecy of Apocalypse et Sekhmet, ce soir à Rouen et demain à Lille.

Tout en exécutant de main de maitre une setlist allant piocher dans les productions des plus anciennes (Psychological Torment, 1990) aux plus récentes (Fearless walk to rise, 2015), le groupe est d’une coordination scénique plus qu’impressionnante et Mick, chanteur du groupe depuis 2013, ne laisse pas un instant de répit au public. Geoffrey Lebon, le bien nommé si l’on en juge par sa connaissance des morceaux et sa maitrise technique, dernier arrivant dans le groupe en 2015, a lui-aussi également déjà pris ses marques, autant musicalement que dans la symbiose avec le groupe, car on peut réellement parler de symbiose tant le combo dégage une sympathie et un dynamisme enjôleurs et généreux, auxquels se laissent prendre les derniers survivants tardifs de cette soirée de concerts. En effet, leur set ne commencera qu’à minuit passé et le public encore présent, s’il sait montrer son attachement au groupe et ses invectives, s’est réduit à peau de chagrin, ce qui à mon avis est franchement déplorable. Car si la balance n’était pas forcément optimale – un kick un peu trop fort et un équilibre des guitares perfectible – et si on omet les déboires techniques d’Alain [Clément, guitariste et dernier membre fondateur] sur « Inquisitive Hegemony », ce fut un superbe concert, sans temps mort. Un clin d’œil au passage pour la section rythmique des frangins Barbosa, bassiste et batteur, carrée et également impressionnante.

Setlist No Return :

– Stronger than ever
– Borderline
– Inquisitive Hegemony
– News Item
– Submission falls
– Paint your World
– Backdoor
– Sworn to be
– Virus
– Fanatic Mind
– Vision of Decadence

https://www.facebook.com/No.Return.Thrash/

Le grand regret de la soirée sera le manque d’affluence malgré une affiche alléchante – ce n’est pas le fan de No Return qui parle, mais le reporter qui tente de rester objectif – tant avoir une telle T.A. pour un prix si modique, à Rouen centre est chose rare ! Le Hipster a déjà accueilli pas mal de groupes de renom (Regarde les hommes tomber, Andréas & Nicolas, pour n’en citer que quelques uns), le lieu est bien situé, les conditions sont bonnes, le concert a lieu un vendredi soir… Je trouve ça limite honteux que le public metalleux ne se soit pas davantage bougé pour faire vivre la scène… Ainsi soit-il, après ça pleurera dans les chaumières, au coin du feu, qu’il n’y a « pas assez de concerts organisés » ou qu’il « ne se passe jamais rien »… Petit instant coup de cœur gaga pour la poupette emmenée à cette soirée par son papounet, qui découvre probablement No Return que son père écoutait lui-même dans son jeune temps… Le caractère intergénérationnel du Metal, ça fait plaisir et ça se célèbre !

NB : si la salle pouvait faire quelque chose pour rendre l’éclairage moins insipide (donc plus photogénique), ce petit quelque chose serait le bienvenu, tant pour les groupes que ceux/celles qui tentent de rendre le visuel de leur prestation des plus décents.

Un grand merci à Kayass Korp d’avoir programmé ce concert et nous y avoir accrédité, les mêmes remerciements allant pour les groupes et leur prestation.

https://www.facebook.com/kayass.korp