Mais qu’est-ce qui peu bien pousser trois metalleux sur les routes de France et de Navarre ? Essentiellement deux choses : l’appel de la bière (mais il en faut une sacrée quantité) ou plus généralement l’appel du gros son, personnifié par l’un des groupes favoris du trio de pélots en question. Jusqu’à présent, à titre personnel, seule une succession de concerts de Maiden et l’affiche Opeth/Unexpect du dernier Prog Nation avaient réussi à me convaincre de monter jusqu’à la capitale. Cette fois, ce sera Opeth, seul, qui nous motivera à faire le déplacement pour un concert un peu spécial comme nous allons le voir d’ici quelques lignes, le temps d’une (presque) petite citation de Michel Audiart : « Nicolas mon petit … Je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier. L’homme de la Pampa reste toujours courtois mais la vérité m’oblige à te le dire : tes radars commencent à me les briser menu ! »

Bref ! Mais alors, Opeth dans tout cela, ils se réservent le Bataclan pour eux tout seul ? Et bien oui mon bon monsieur, mais attention, pas pour n’importe quel show, non, ce « Evolution XX » Tour, est tout simplement l’occasion pour Mikael Åkerfeldt (leader et seul rescapé du line-up d’origine) de fêter les vingt ans d’existence de son bébé. Vingt années parsemées d’une dizaine d’albums studios et de deux DVD, pour un death-progressif exemplaire d’intensité et de feeling. Vingt années fêtées sobrement avec la mise sur pied d’une mini-tournée (six dates à travers le monde) plutôt alléchante si l’on en juge par le programme : un premier set présentant l’album « Blackwater Park » dans son intégralité (outch), suivi d’un second constitué de titres rarement interprétés en concert (re-outch). Lorsqu’on connait la discographie conséquente des suédois et qu’un live comprend en général une dizaine de morceaux pour quasiment deux heures, avouez que cela laisse augurer des plus folles possibilités et que quelques minutes s’avèreront nécessaires pour éponger la flaque de bave tombée au pied du PC.

Le Bataclan n’étant pas une grande salle (500-600 places ?) et le stock de billets disponibles s’étant écoulé très rapidement, c’est sans surprise qu’à notre arrivée sur les lieux, la foule déjà conséquente, s’étire en une longue file d’attente (certaines personnes sont là depuis le matin, d’autre viennent de tout l’Europe : Pays Bas, Espagne , etc.). Une fois à l’intérieur, le Bataclan, assez proche d’un théâtre en terme de configuration, se révèle être une salle tout à fait sympathique et plutôt conviviale. A une dizaine de rangs de la scène, l’attente commence. Lorsque les lumières s’éteignent enfin, et que le groupe prend place, la foule n’en tarit plus de cris et de hurlements allant jusqu’à couvrir le larsen naissant annonçant d’emblée ‘The leper affinity’, premier titre et premier classique du « Blackwater Park » (2001).

Le départ est donné, et on enchainera sans surprise par l’énorme ‘Bleak’, puis le plus nuancé ‘Harvest’ et ainsi de suite jusqu’à l’apothéose finale qu’est le monstrueux morceau phare ‘Blackwater park’. Cet album demeure un classique du metal et reste un album charnière dans la discographie du groupe, sombre, heavy, mélodique, tout simplement bandant, mais dont la restitution live n’a rien d’aisée compte tenu du nombre impressionnant de pistes de gratte empilées sur les versions studios et à restituer ici, avec deux guitares seulement. En tout cas l’interprétation se veut consciencieuse et appliquée, le groupe n’échangeant avec le public qu’un ‘merci beaucoup’ à la toute fin de ce premier set, fait surprenant si on en juge par le caractère habituellement prolixe de son leader. Par rapport aux versions originales, peu d’écarts mais quelques petites réadaptations, notamment au niveau de Per Wiberg et son piano (la fin de ‘The leper affinity’), initialement enregistré par Steven Wilson (Porcupine Tree). Martin Axenrot à la batterie, ne cesse de peaufiner son jeu et de gagner en précision, se débarrassant peu à peu de cette fâcheuse habitude à tout noyer sous un déluge de cymbales. Et c’est tant mieux, car ce soir le son est honorable, et sans être d’une pureté cristalline on distingue néanmoins les parties de chaque musicien (contrairement à leur dernier passage à Lyon ou un larsen persistant a gâché les deux premiers titres). Seule la basse de Martin ‘j’ai pas bougé du concert’ Mendez nécessitera une oreille plus attentive afin d’en apprécier toutes les subtilités (quoiqu’un regard, donne déjà un bon aperçu du jeu du bonhomme). Petit plus maison, l’écran géant en guise de backdrop, alternant affichages de logo et effets graphiques (eau saumâtre, paillettes, éclairs, course effrénée en forêt) qui, sans révolutionner quoique ce soit renforce les ambiances et donne du corps aux compositions, déjà bien puissantes à la base. Parmi les titres plus rares de cet opus, ‘Dirge for november’ et ‘The funeral portrait’ prennent une toute autre dimension en live et tendront à confirmer que cet album, tout comme cette première partie de set, déboite sévèrement son cul de poney !

Paf ! Déjà plus de 70 minutes de concert (environ le temps du show complet de Within Temptation lors de leur passage à Lyon, seuls aussi, pour la tournée de « The Silent Force« ) et le second set se profile déjà, après les 20 minutes d’entracte annoncées. Et chose promise chose due, c’est sur des titres plus rares en concert qu’Opeth va maintenant se pencher. Et d’entrée, un ‘Forest of october’ en pleine tronche, ça rabote les gencives. Sur cet extrait de « Orchid » (1995), le premier opus du combo, le style Opeth, déjà identifiable, reste néanmoins encore un peu brouillon en terme de composition (sur les transitions, par exemple) et Åkerfeldt nous demandera en plaisantant après coup, de l’excuser pour cette ‘merde‘. Et oui, le guitariste/chanteur n’est pas devenu autiste malgré le mutisme dont il a fait preuve durant le premier set, bien au contraire. Ainsi, entre chaque morceau, le sympathique suédois, prendra quelques minutes pour nous raconter, album par album, des anecdotes d’enregistrement, de tournée, et faire le point sur les changements de line-up. Ainsi du début de carrière du groupe se succéderont donc ‘Advent’Morningrise », 1996) et ‘April Etheral’My Arms, Your Hearse », 1998), un choix peu surprenant pour ce second pavé, le groupe l’ayant ressorti de ses tiroirs à l’occasion du Prog Nation européen (Octobre 2009) et qui … avait pu ‘choquer’ certains trve fans de Dream Theater par son côté bourrin totalement assumé au beau milieu d’un set plus nuancé. Là aussi, l’interprétation se veut sans faille et de qualité. Le public, constitué de fans essentiellement, n’hésite pas à donner de la voix et ne manque aucune occasion d’encourager la formation.

Et dans la fosse, les personnes présentes ayant vite saisi le principe du 1 album/1 titre, se prêtent rapidement au jeu du « Mais quelle chanson, boudiou ? ». Ainsi arrivé à « Still Life » (1999), l’album de la maturité pour beaucoup, se sera finalement ‘The moor’ (amputé de sa lancinante première intro) qui obtiendra les faveurs du combo. Baignée de lights rougeoyantes et chaudes et agrémentée de détails de l’artwork en fond, la scène devient le théâtre d’une fidèle reconstitution historique. Ceci-fait les suédois se permettront de faire l’impasse sur l’album « Blackwater Park » sous les huées d’une bonne partie de la salle qui en redemande et nous voilà attablé à cet autre gros morceau discographique qu’est « Deliverance » (2002). Outre l’archi-classique ‘Deliverance’ dont l’absence n’est pas une surprise, le choix restait vaste entre un ‘A fair judgement‘, un ‘Master’s apprentices’ ou encore (soyons fous) un ‘By the pain I see in others’. Quelque soit l’heureux élu, les minutes à venir allaient forcément s’avérer croustillantes. Et après une réplique dont seul Mikael ‘the swedish sexy beast’ Åkerfeldt a le secret (« For some people the next song is just noise … but for you guys, it’s sex ! ») voilà que l’écrasante ‘Wreath’ déboule. Sans doute la chanson la plus éprouvante du concert, surtout vécu depuis la fosse. Passé ce déluge, le calme reviendra avec ‘Hope leaves’ issue de « Damnation » (2003), l’opus acoustique du groupe. Cette soirée, mis à part le fait d’être terriblement jouissive, a cela d’intéressant qu’elle permet, par cette approche chronologique, de s’apercevoir de l’évolution musicale, au fil des années, de la musique du combo, de plus en plus contrôlée et mâture. Le temps de souffler un peu (merci pour la distribution d’eau des vigils) et nous voila embarqués pour la dernière ligne droite, avec les deux derniers albums du groupe « Ghost Reveries » (2005) et « Watershed » (2008). Comme pour « My Arms, Your Hearse », dont ‘April Ethereal’ a été jouée en Octobre dernier, on s’attendait plus ou moins à voir le show s’achever sur, respectivement, ‘Harlequin forest’ et ‘Hex omega’. Bingo pour le premier, loupé pour le second, et c’est bien dommage car le choix de terminer sur ‘The lotus eater’ est plus que discutable. Hormis le fait qu’elle ait été systématiquement jouée lors des dernières tournées des suédois, il faut avouer qu’il y a bien mieux (et plus rare) sur ce disque, à commencer par le ‘Hex Omega’ suscité, un ‘Burden’ ou, mais là on touche à l’utopie, un ‘Hessian peel’. M’enfin …

Quoiqu’il en soit, cette soirée fut une énorme baffe et Opeth, une fois de plus, quittera la scène en laissant ses fans comblés. Et même si certains classiques pourront manquer à l’appel (‘Deliverance’, ‘Demon of the fall’, ‘Ghost of perdition’), avec un « Blackwater Park » dans son intégralité, avouons qu’il y avait quand même de quoi s’empiffrer copieusement. Et puis ce n’est pas souvent non plus que l’on peu prétendre assister à un show de 16 morceaux, pour plus de trois heures de musique, pleines à raz la gueule. Un concert marathon de haute volée pour un anniversaire scénique de grande classe, des musiciens au top (la qualité du chant clair après trois heures passées à grunter est déconcertante), une très bonne ambiance, voici en tout une soirée dont l’on se souviendra.

Bon anniversaire Opeth !
Wën

Set ‘Blackwater Park’
01. The leper affinity
02. Bleak
03. Harvest
04. The drapery falls
05. Dirge for november
06. The funeral portrait
07. Patern in the ivy
08. Blackwater park

Set ‘historique’
09. Forest of october
10. Advent
11. April Etheral
12. The moor
13. Wreath
14. Hope leaves
15. Harlequin forest
16. The lotus eater

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