Soilchronicles : Salut Sascha, comment vas-tu ? Alors, pour rentrer dans le vif du sujet, en ce milieu de tournée en compagnie de Stratovarius, tout se passe bien ?
Sascha Gerstner : Salut, bien, bien, merci ! Oui, tout se passe bien, c’est une très belle affiche ! Nous étions déjà dans une situation comparable lors de la dernière tournée avec Gamma-Ray, avec ce côté co-tête d’affiche, en quelque sorte. C’est une situation que nous aimons beaucoup et on comprend donc que pour le public, cela peut aussi être une opportunité de passer une bonne soirée.
SC : Concernant Helloween, je suppose que votre setlist fait la part belle au nouvel album ?
SG : Et bien non, pas tant que ça. En fait nous tentons de varier la setlist en changeant certaines chansons, ça et là, nous n’avons donc pas, à proprement parler, de setlist ‘typique’. Mais, fondamentalement, c’est assez dur, lorsque tu commences à avoir douze-treize albums studios, de pouvoir interpréter les indispensables de chacun d’entre eux, ou de te dire que tu vas en jouer plus de celui-ci ou de celui-là …C’est impossible. Il y a tellement de chansons que tu peux jouer, que tu ne peux en garder que quelques unes par album. Nous essayons donc de consacrer une bonne moitié de la setlist à la période « Keepers », tandis que l’autre sera réservée aux débuts de l’ère ‘Andi Deris’, à quelques exceptions près. En revanche, nous ne jouerons aucun titre des nos récentes productions, mis à part un petit panel du dernier opus. Et crois-moi, c’est assez dur, de faire tenir tout cela, dans un set de deux heures.
SC : Pour commencer, revenons un peu sur « Unarmed », une compilation de réenregistrements de classiques du groupe. Comment vous est donc venue cette idée ?
SG : Et bien, quand nous avons commencé à réfléchir à la manière de célébrer cette 25ème année, nous étions d’accord pour dire qu’il nous fallait quelque chose de spécial. Nous nous sommes alors réunis pour y réfléchir, proposer des idées et savoir ce que nous voulions vraiment faire pour cet album. Il en est ressorti que nous pouvions nous lancer dans un projet orchestral ou acoustique, par exemple, mais ce que nous désirions surtout, c’était de proposer quelque chose qui n’ai jamais été fait avant. Or, des groupes se sont déjà frottés au mélange des genres comme ‘rock VS classique’ ou bien ‘metal VS classique’ … et qui n’y est jamais allé de son album acoustique ? Nous ne voulions pas ça, alors nous avons réfléchi à comment reprendre ces mélodies et ces chansons d’Helloween pour les réenregistrer dans un style musical complètement différent, afin d’en faire quelque chose d’original.
SC : Ah oui, très original même.
SG : (rires) Oui, tu vois !
SC : Oui, et je pense qu’entendre ses propres chansons réinterprétées par tout un orchestre doit être une expérience bien à part …
SG : En effet pour ce medley plutôt spécial (ndlr : ‘The keeper’s trilogy medley’), nous sommes allés assister, Markus (ndlr : Grosskopf, basse) et moi-même, aux séances d’enregistrement de l’orchestre philharmonique tchèque. Et entendre et voir ces gens réinterpréter tes chansons alors que tu es tranquillement installé dans un fauteuil est juste énorme, oui !
SC : Dans cet album, vous proposez des idées pas banales, comme ces saxophones ou ces chœurs. Comment avez-vous choisi de travailler sur telle ou telle chanson ?
SG : Nous avons procédé à un tour de table en retenant quelle chanson pourrait convenir à quel style, laquelle pourrait être adaptée de façon lounge, ou être enregistrée avec un orchestre, ou être adaptée à la ‘Neil Young’, etc. Et il nous est apparu rapidement quelle chanson allait pouvoir être adaptée parfaitement de telle ou telle manière. Si tu écoutes ‘Dr. Stein’, par exemple, cela aurait pu être le parfait générique de ‘Alf’. Tu te souviens, cette série TV des 80’s, ‘Alf’ ? Et bien ce générique est semblable à la version « Unarmed » de ‘Dr. Stein’, avec les saxophones, le feeling … C’est une chanson marrante. Ça aurait été marrant même si nous avions gardé les guitares électriques pour les solis, mais nous nous sommes dit que ça pourrait donner une bonne version, en la tournant à la sauce ‘big-band’ style Blue Brothers.
Hellowwen – Dr. Stein (Unarmed)
SC : Mais il semble que cet album, destiné à être une sorte de cadeau pour les fans qui vous suivent depuis le début, a été plutôt mal reçu, non ? Les fans n’auraient-ils pas compris le concept ?
SG : Oh, oui … « Unarmed » devait être un cadeau, mais bon … Je veux dire que nous avons passé tant de temps à expliquer le concept … et que certains ne l’ont toujours pas saisi. Tant pis. Je pense que certaines personnes n’ont surtout pas voulu le comprendre, certaines personnes ne sont tout simplement pas ouvertes d’esprit et se refusent à sortir des sphères metal, n’écoutant rien d’autre (en mimant des œillères) : metal, metal, metal, metal ! Elles s’enferment dans un énorme tunnel, sans possibilité d’écouter ce qui se fait dans d’autres styles. Nous connaissions cet état d’esprit et nous savions qu’il y aurait des gens qui n’apprécieraient pas à « Unarmed », mais après tout, c’est cela qui caractérise Helloween, la prise de risque et le fait de s’essayer à de nouvelles choses. Voila, nous savions que ça pouvait arriver et … quoi que tu fasses, de toute façon, il y aura toujours des mécontents. Beaucoup s’attendaient à un nouvel album et étaient totalement focalisés là-dessus, attendant leur dose de metal, tandis que nous, en tant que musiciens, nous avions notre propre idée que nous avons préféré suivre et ce, même si c’était le choix le plus osé.
SC : Oui et de la même manière, on se souvient que votre « Metal Jukebox », s’était aussi attiré l’ire de certains et n’avait pas non plus reçu de très bonnes critiques.
SG : Oh, tu sais quoi ? D’une manière générale, nous tentons de ne pas tenir compte des chroniques. Simplement parce que ces chroniqueurs ignorent totalement comment pensent les artistes, ça, ils l’oublient. Par exemple, prends un sculpteur, il ne va pas vouloir faire la même sculpture encore et encore. Il veut juste s’exprimer et que son œuvre puisse être appréciée à sa juste valeur. Mais tout le monde ne va pas la trouver belle, certains vont y voir quelque chose sans spécialement savoir ce qu’elle représente ou quelle en est la finalité. Tandis que les gens qui bossent dans l’art, eux, vont avoir le regard qu’il faut pour l’apprécier … Et bien, ça fonctionne pareil avec la musique et le heavy. Nous ne nous sommes jamais assis autour d’une table en nous disant « faisons ainsi, ça va plaire aux fans ». Non, nous sommes là pour faire notre musique : si tu as de la chance, les gens aimeront … et si tu n’as pas de chance, et bien les gens n’aimeront pas.
SC : Passons à « 7 Sinners », le nouvel album, si tu le veux bien. Premièrement vous avez quitté SPV …
SG : Pour Sony, oui.
SC : Oooook. Peux-tu nous dire quelques mots à propos du processus d’écriture ?
SG : Il n’y a pas eu de révolution majeure par rapport à « Gambling With The Devil ». Le processus est resté très similaire : n’habitant pas la même ville, chacun écrivait chez soi et envoyait les chansons ainsi composées aux autres, puis nous décidions quelles étaient les meilleures chansons à garder pour le disque. C’est sur que « Unarmed » nous a prit du temps, nous ignorions, avant de nous y mettre, qu’il y aurait autant de boulot … C’est d’ailleurs l’album d’Helloween qui a réclamé le plus de travail, bien plus qu’un album classique. Donc après cela, combiné au fait qu’Helloween n’avait plus donné de concert depuis un petit bout de temps, nous n’avions qu’une envie : rebrancher les amplis et faire un max de bruit.
SC : Le nouveau line-up est maintenant en place depuis trois albums, cela joue peut être aussi un rôle important dans le processus ?
SG : Oui, oui, certes ! Personnellement, quand j’ai rejoint le groupe en 2003, je me rappelle que … ce n’était plus vraiment un groupe. Bien sur, un nouveau batteur et moi, le nouveau guitariste, venions d’arriver, et nous avions cet enregistrement, « Rabbit Don’t Come Easy » à finir. Personne n’était rassuré. Markus, Weiki et Andi hésitaient sur la nouvelle direction musicale à adopter et ignoraient comment allez de l’avant avec deux nouveaux membres. C’était tendu. Ça a pris du temps, et c’était naturel, au final : pour collaborer avec de nouvelles personnes, tu as besoin de temps, de passer des moments ensemble, de partager des expériences, bonnes ou mauvaises, c’est comme ça que tu créé une bonne équipe. Nous avions planifié de tourner avant de se lancer sur un nouvel album, « The Legacy » en l’occurrence, puis nous nous sommes à nouveau embarqués sur une énorme tournée … Et ce n’est qu’à partir de là, que l’osmose s’est vraiment faite, que nous avons commencé à nous sentir comme un groupe uni. Avant cela, ce n’était pas vraiment le cas, ça a pris du temps et chacun y a du y mettre du sien. Pour « Gambling With The Devil », on se connaissait déjà, on revenait d’une tournée, nous avions déjà enregistré ensemble donc, logiquement, oui, ca a été bien plus facile de bosser en commun. Idem pour « 7 Sinners ».
SC : A propos de l’artwork, celui-ci est très agressif, et avant d’écouter le CD, on sait déjà qu’on va se prendre une leçon de heavy-metal. C’était l’effet escompté ?
SG : En fait la philosophie d’Helloween, c’est qu’on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre, quelle direction vont prendre les choses. Nous voulions que la pochette annonce la couleur, afin que les personnes qui tombent dessus sachent immédiatement qu’il s’agisse de heavy-metal et de rien d’autre, surtout celles qui n’avaient pas saisi le concept de « Unarmed ». Encore maintenant, les gens continuent à nous demander si « Unarmed » est un album ‘normal’ et nous leur expliquons encore et encore que non, c’est un opus à part, quelque chose de bien spécial, qu’ils n’ont pas à l’acheter si ils ne l’aiment pas. Et malgré cela, certains reviennent à la charge en nous demandant si c’est là, la direction musicale que l’on voulait adopter ? C’est des conneries … Comme tu l’as dit pour le « Metal Jukebox », se sont des albums à part, qui n’ont rien à voir avec les opus habituels. Et si c’était des albums studios ‘ordinaires’ alors, bien sûr, nous aurions joué du heavy-metal.
SC : Oui, ce sont juste des compilations de chansons, des cadeaux …
SG : Oui, et je pense que, cette fois, il n’y a pas besoin d’avoir fait math sup pour comprendre le concept … Nous espérons juste que les gens vont réaliser que le contenu correspond à ce qu’ils sont en droit d’espérer d’un enregistrement d’Helloween, parce que pour le coup, le groupe fait ce qu’il sait faire le mieux : du Helloween. C’est pourquoi nous tenions à ce que l’artwork soit si représentatif du contenu.
SC : Et comment définirais-tu « 7 Sinners » en quelques mots ?
(silence …)
SG : Audacieux, tranchant et heavy.
SC : Ça, on peut le dire … A ce propos j’ai lu qu’après la parenthèse « Unarmed », vous aviez juste besoin de monter les amplis à fond et de jouer ?
SG : Oui, et c’était fun ! Après cette longue période, ca nous a fait du bien de pouvoir s’y remettre. Je pense que ça a même apporté une certaine fraicheur et une énergie nouvelle. Mais, si tu compares « Gambling With The Devil » et « 7 Sinners », tu verras qu’ils sont dans la continuité l’un de l’autre et qu’ils poursuivent l’évolution logique d’Helloween. Il n’y a pas tant de différence que cela. Alors bien sur, les chansons ne sont pas toutes identiques, mais je veux dire, qu’il est difficile de qualifier l’un de ‘plus musclé’ que l’autre.
SC : Que peux-tu nous dire à propos du titre ?
SG : C’est juste une idée proposée parmi d’autres qui est ressortie. Nous somme tous intéressés par la mythologie, c’est un sujet qui nous tient beaucoup à cœur. L’idée en question est née à propos d’un répertoire dans l’ipod de Mikael nommé par 7 étoiles. De fil en aiguille, nous nous sommes rapprochés des ‘Sept Péchés Capitaux’, puis de ces ‘Sept Pécheurs’. Mais il n’y a pas à proprement parlé de concept derrière ce titre. Certaines chansons peuvent se rapporter aux sept péchés, mais c’est assez involontaire au sens où nous n’avons pas planché délibérément sur un concept qui tue. C’est juste une idée qui nous a beaucoup plu à tous.
SC : D’accord. Mais mine de rien, ce ‘7’ revient souvent dans les thématiques d’Helloween.
SG : Ah oui, totalement. Nous écrivons tous des paroles traitant de ce type de sujet, et ce n’est donc pas étonnant de retrouver chez Helloween, un titre d’album y faisant référence.
( … à suivre …)
Propos reccueillis par Wën le 12/01/2011, Villeurbanne (Le Transbordeur)
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