(Ou comment se refaire le Fellini en vachement moins grandiose…)
(photos, Théo de B!)
S’il y a un groupe avec lequel je ne peux être objective, c’est bien celui-ci. Mes corbeaux noirs favoris ont bel et bien décidé d’être présents à Helsinki cette année. C’est ce qui a, je l’avoue maintenant, été la raison principale de ma venue au Tuska Open Air. Bien évidemment ça faisait déjà un petit moment que je souhaitais poser les pattes sur ces terres un peu plus nordiques, que je voulais découvrir la manière dont s’exprime le metal là-bas. Avant de découvrir complètement par hasard que mon groupe favori avait pris un créneau au Tuska, je ne connaissais cet événement ni d’Adam ni d’Eve. J’ai eu la chance, proposant une promotion de ce festival en France par l’intermédiaire de mes écrits et de mes photos… d’obtenir cette fameuse accréditation, je ne peux faire autrement que de vous en faire profiter « au mieux ».
Je découvre donc le site du Tuska et je comprends sans peine pourquoi il est considéré comme étant le plus important festival metal du pays. Cela justifie sans peine le choix de Satyricon pour leur seul show de l’été. Après la tournée « Finale in Black » à quelle sauce les fans vont-ils être mangés ? A vrai dire, on n’en sait rien. Sur le site officiel du groupe, il est mentionné que les deux artistes ont grand besoin d’une pause, bien méritée je l’avoue. Jusqu’en 2009, le groupe avait quand même bien sérieusement tourné, aussi bien sur des petites scènes qu’en festival. L’album « Now Diabolical » avait donné lieu à une première grosse tournée, et on a été régalés par « The Age of Nero » et les versions live des nouveaux morceaux.
Alors oui, vous me direz, il y a les deux écoles. Satyricon aurait viré de style, forgé un tournant dans leur carrière après « Volcano » pour certains, « Now Diabolical » pour d’autres… et même encore pour d’autres… « Rebel Extravaganza »… Là n’est pas la question mais cependant il est évident que tant au niveau de l’image que de la musique, le groupe évolue ! En tant que fan, je ne puis m’exprimer autrement qu’en affirmant ma position qui est la suivante : Satyricon a gardé tout son esprit et son agressivité jusqu’au dernier album. A observer la manière dont la musique s’exprime sur scène au fil des années, comment ne pas parler d’affirmation d’un style, d’un univers, d’un type de son, d’une unicité ? Comment ne pas voir derrière un look maintenant sobre, classe, simple… l’abandon du superflu pour ne toucher qu’à l’essentiel, la puissance sonore, la puissance tout court ? Oui, qui n’a pas noté la nouvelle carrure de Satyr qu’il n’a pas dû trouver dans un paquet de Corn Flakes ou un pack de bières… Evidemment ça claque aux yeux. Frost reste égal à lui-même. Inspiré, le regard dur, c’est quelqu’un de fermement concentré. Seule, une barbe lui envahit le menton depuis peu, mais ça ne gâche rien à sa personne.
C’était pour la partie groupie du reportage. On s’en fout.
Ce Vendredi 2 Juillet, je sais que de toutes manières, je vais me régaler. Dans les méandres de mon organisation aléatoire et surtout munie d’un budget si petit qu’un microscope à balayage est l’outil indispensable pour l’observer… je parviens toutefois à rester vivante et en forme pour affronter la fosse à photographes. Satyricon va démarrer d’ici quelques minutes et j’ai déjà de grosses gouttes de sueur qui perlent sur mon front, les mes mains deviennent glissantes, tenant mon modeste Nikon fermement, prêt à se nourrir de rafales de clichés.
Fébrile, j’assiste à l’arrivée de Frost. A mon grand étonnement et surtout pour mon plus grand plaisir, j’observe l’artiste s’installer devant sa batterie. Renversant la tête… il ne montre que le blanc de ses yeux, durant près d’une bonne minute. Le temps que les autres musiciens arrivent, face à lui. Satyr arrivera en dernier, pour le « PANG » qui définira le début de « Repined Bastard Nation ». Ce morceau, c’est la première fois que j’ai l’occasion de le voir en ouverture. J’hallucine et mon appareil suit sans soucis. Dans toutes les positions je tente de capter UN moment, UNE attitude. Je sais que je n’en ai pas pour longtemps. Trois morceaux, mais lesquels ? J’avoue que ma connaissance de la musique de Satyricon m’aide énormément à l’art Ô combien difficile de la photo. Sur un rythme, une attente, j’arrive à cliquer au meilleur endroit. Seulement, prendre un cliché ou headbanguer ? C’est tout comme boire ou conduire, il faut choisir.
Sur les deux morceaux suivants, « The Wolfpack » et « Now Diabolical », je suis tout exactement dans le même état même mon Nikon devient tout rouge, HAHA. Vous voyez, ce loup célèbre qui a les yeux et la langue qui tombent devant l’adorable Betty Boop ? Pareil ici. Je suis aimantée à la scène. Ou plus précisément, je me rince l’œil et même les deux, pas de jaloux.
C’est à regret que je quitte avec mes collègues, la fosse (le paradis sur terre, cette fosse, sur point de vue intéressant dans le cas d’un groupe pareil (« couchée ! », la journaliste…). Je cours aussi vite que Rayman afin d’assister à la suite et à la fin du concert, j’en profite pour reprendre quelques clichés, je ne m’en donne pas le choix. Je ne sais si j’en ai le droit, mais je me l’accorde.
C’est donc avec une set-list dont j’apprécie énormément la valeur, reconnaissant sans peine le bon vieux « Filthgrinder » ou même « Forhekset », alternés avec évidemment « King », « Black Crown on a Thombstone », « Die By my Hand », « Fuel for Hatred » !, « The Rite of our Cross » ou le magistral « the Pentagram Burns », sans oublier le rappel indispensable et attendu de tous… « Mother North ». La totalité du public remercie le groupe par un répondant extraordinaire… je n’avais pas vu une ambiance comme ça pour Satyricon depuis le Wacken 2004, avec Darkthrone ! Satyr resplendit de puissance, jaugeant comme d’habitude, son public, qu’il menace de son regard cinglant. Frost, concentré nous fait un sans faute travaillé avec professionnalisme, discrétion, talent qui n’est plus à prouver. Le reste des musiciens, dont notre rennais Gildas le Pape, accompagne et met en valeur le duo, à la perfection. Satyricon rime avec…travail, expérience, précision. Ca rime aussi avec « ça envoie du bois ». Bref.
Le soir même, je fais le point sur le concert. Des morceaux que je n’avais jamais vus en live, une prestation tout à fait géniale qui me fait regretter cette fameuse longue pause prise par le groupe…
Peut-être une interview prévue pour le lendemain, donc je travaille mes questions, déjà maintes et maintes fois tournées dans ma tête. Je n’aurai, si cela se passe, que 15 minutes avec eux. Je rencontre par ailleurs, dans mon petit resto rapide, deux personnages déjà bien entamés par une bonne soirée, à ce que je vois. L’un d’entre eux me demande : « Vous connaissez Satyricon ? » Ouch, à trois heures du matin, qu’on me demande « si je connais Satyricon »… Je tourne simplement mon petit Pc portable afin de faire partager à mes compagnons de nuit mes photos du jour. « On travaille pour eux », me disent-ils… Ouch ! Après leur avoir tiré les vers du nez je sais maintenant qu’ils s’occupent du son, et sont dans la régie technique.
En sortant du petit resto rapide, j’emprunte les rues d’Helsinki, salies par les résidus de soirées un peu trop arrosées, les déchets jonchent le sol, beaucoup de jeunes déambulent sous forme de démarches « zig-zaguées », les yeux vitreux, l’air hagard. Je croise à ce moment là Attila, ex-chanteur de Mayhem, et toute sa troupe d’amis, ainsi que cinq ou six filles suivant derrière. Attila brandissant une croix renversée en bois, sur laquelle est fixé… un gros rat mort disloqué, se balançant dans l’air au grés des mouvements lourds de son propriétaire… je décide cependant de suivre le cortège et passer la fin de la nuit dans leur hôtel, ce qui me vaut une douche à défaut de sommeil, ça sera déjà ça de gagné.
Le lendemain, grand jour. Vers 11 heures du matin, j’arrive à l’Espace Presse, tentant de contacter le Tour Manager de Satyricon. Peu après, je suis tendue, fatiguée, je tente de remettre en ordre toutes mes questions… il y en a trop, on dirait que j’ai oublié le temps imparti. Je prends mon carnet pour réécrire tout ça et voilà que mes rétines me transmettent le message « Satyr et Frost en face ». Là ça devient difficile à gérer. Une connaissance me demandant tout et n’importe quoi à ma droite, (« tu peux prendre une photo ici… et là ?? Et que penses-tu de ça ? Et on pourrait interviewer ce groupe… ou un autre… ») des choses qui entrent par une oreille et qui ressortent aussi sec par l’autre… Un Italien tentant de faire connaissance à ma gauche en me présentant sa carte afin que je réalise une chronique de sa demo, un russe derrière moi qui attend son tour pour me présenter quatre ou cinq démos de groupes de son pays… et heuuu… Les Dieux vivants de Satyricon en face de moi, mes corbeaux, mes artistes favoris… complètement décontractés et assurant leur temps de Presse par quelques interviews. Je ne peux détacher mon regard de ces deux personnalités, je ne me sens pas bien du tout, le stylo danse quelque peu sur mon carnet (je tourne plusieurs fois les pages) et mes questions/images/souvenirs/extraits musicaux… ricochent dans ma boîte crânienne. Encore deux heures à tenir comme ça, le soleil dans la tronche, le stress dans le ventre et… toujours ces photos… devant moi sauf qu’elles bougent. Je voudrais demander au Dieu du Metal que les choses se passent… comme si je n’avais pas été aussi passionnée par l’univers de ce groupe… afin de prendre les choses un peu moins à cœur.
Au final ? Les choses se passent très vite. L’Italien de tout à l’heure assurant la prise de vue, je mène mon interview tant bien que mal, à l’avance déçue par ce que ça pourrait donner dans de telles conditions à savoir ? Hypocrisy sur la Radio Rock balançant son tube, une autre sympathique connaissance prenant quelques photos, Satyr en Frost confortablement installés à l’ombre, ne reste plus que moi, liquéfiée sur place sous le soleil et sans siège (j’ai perdu au jeu de la chaise musicale sur Mother North, il n’y a plus que deux sièges à l’ombre, et une place au soleil sans siège…). Loin de moi l’idée préalable de mener une interview dans de telles conditions. Tout s’est passé totalement à l’inverse de ce que j’espérais. Même mes questions, dont au moins la moitié a été jarretée pour cause de temps, ont changé de forme, de formulation, quelle horreur. D’habitude mon anglais n’est pas trop mal, je me mets à parler comme un cochon alsacien. Une interview fine, voire spirituelle ? Tu parles.
(Photo, Théo de B)
Bref, la retranscription détaillée, en anglais et en français est disponible sur un lien à part. Je me permettrai d’y apposer un ou deux extraits de la vidéo afin que vous rendiez compte du résultat. Heureusement que le duo est si professionnel et qu’ils ont su jouer le jeu jusqu’au bout, malgré ce soleil terrible et ce bruit infernal !
Merci à vous, Kjetil et Sigurd.
Je me relève pour une photo avec eux. Je hais ce genre de chose, mais dans ce cas je n’ai pas le choix, un petit souvenir est de circonstance… et je m’empresse de récupérer mes 16 ans en collant à l’aide d’un vulgaire morceau de scotch, mes signatures sur mon ordinateur portable. Ben voyons, Gwenn !
Du coup je mets… 4 heures à m’en remettre, de cette rencontre. Ca va mieux ensuite et je relativise. C’est passé, j’aurai espéré bien autre chose, mais voilà, quand on va trop vite, il n’est jamais évident de faire les choses bien.
Je poursuis mon travail de reporter en milieu hostile, je suis là pour ça, tout de même, Hop, on se réveille !
Satyr et Frost, dans tout leur professionnalisme et maturité, m’auront appris beaucoup. Il y a du travail, si je veux avancer. Ils m’ont surtout donné l’envie de m’en offrir les moyens.
Je ne me laisse pas démonter par ma frustration, et envisage un travail bien plus élaboré autour de l’univers et de la carrière du groupe. Je suis dans la rédaction des chroniques de la totalité des albums du groupe afin de saisir avec mes mots ce qu’ils ont souhaité partager jusqu’à présent, et ce qu’ils continueront à faire passer.
Comme je l’ai déjà dit à la fin de mon texte sur « The Age of Nero »… Un petit chat noir s’en va pour Oslo, attiser l’inspiration du groupe… enveloppé d’une épaisse couverture de nuit.
Ce que coûte, au final, une rencontre/Interview « foirée » avec le groupe Satyricon :
– Quatre nuits blanches dans des aéroports différents
– Une séparation de mon actuel conjoint.
– Une soirée avec les gars de Mayhem et un rat mort sur une croix renversée
– Une salade de pomme de terre finlandaise très mal digérée.
– Au mois trois jours de stress intense avant la rencontre
– Deux jours dans aucun centime en poche au retour, la totalité de mes ressources mensuelles en moins.
– Deux tentatives de vol de mon matériel en ville, épique.
– Un rejet musclé de la part des services de police à la gare d’Helsinki vers 7 heures du matin le Vendredi.
– Mon pied de caméra brisé en quatre morceaux
– Quatre MC dos pour me connecter sans succès alors que je hais ça.
– Une paire de chaussures éclatées à force de marcher, j’ai dû faire le Tuska en chaussures à talons civiles. Fabuleux, j’aurais mieux fait de rester pieds nus.
– Sept heures de travail de questions.
– Grosses courbatures liées à la tenue de l’appareil photo
– Deux coups de soleil
– Des piqûres de moustiques maousses costauds…
Ce qu’apporte cette rencontre ?
– Ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
– Avoir un « pétard » de micro externe.
– Travailler ses questions oui, mais par cœur, jusqu’à les réciter en dormant
– Insister pour avoir un lieu silencieux, ou presque.
– De la magie dans les yeux, et des souvenirs plein la tête. Un show énorme, quelques chouettes photos. Au moins mes fonds d’écran, je suis allée les chercher moi-même.
– Une découverte d’Helsinki qui donne envie de revenir cette fois pour en voir un peu plus.
– Et enfin, une info clef… un autre show se prépare doucettement !
Voilà mon petit compte rendu de cette rencontre tant attendue, je remercie Hector, Kjetil, Sigurd, Julien Etienne! Soilchronicles et zone-metal.net, Gilles, Dess, HMG, Thomas que j’ai bien saoûlés avec Satyricon… je remercie… Le Tuska Open Air et son organisation… la musique de Satyricon, l’inspiration qu’elle m’apporte.
A bientôt, pour un nouveau show du groupe encore coloré de mystère tant sur la date que sur le lieu… mais j’y serai !
Miss Gwenn
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