Seyminhol

Le 24 juin 2015 posté par celtikwar

 

1. Pouvez-vous nous faire une rapide présentation de votre formation pour ceux qui auraient manqué vos vingt trois ans de carrière ?

À vrai dire l’origine de Seyminhol est beaucoup plus ancienne puisque Christophe Billon-Laroute notre bassiste a monté ce projet en 1989. Mais à l’époque le groupe s’appelait Spirit. Ce n’est qu’en 1992 que le nom a changé pour Seyminhol. Cette même année j’ai intégré les rangs du combo au poste de chanteur. Notre premier concert a eu lieu en juin 1992 et très vite l’envie d’enregistrer quelques titres est apparue comme une évidence. À cette époque les radios françaises martelaient du Hard rock et du Grunge tous les jours. On pouvait entendre Guns’n’Roses, Scorpions, Metallica, Aerosmith, Ugly Kid Joe, Bon Jovi et Nirvana en boucle sur les ondes. C’était vraiment chouette et nous étions sur un petit nuage. Notre première démo est sortie en 1993 est bizarrement notre musique ressemblait davantage à du Noir Désir et du rock alternatif plutôt qu’à du hard FM ou du heavy ! C’est avec le premier MCD Thunder in the Dark que l’orientation Heavy Metal a commencé à poindre. Mais jusqu’en 2002 – soit dix ans après la création officielle du groupe – aucun disque n’avait vu le jour : on tournait beaucoup, on sortait des mini-albums et on apparaissait sur d’obscures compilations très underground. C’est réellement avec l’arrivée de Nicolas Pélissier aux claviers que Seyminhol a décollé et commencé à proposer une musique plus symphonique. Northern Recital est né des compositions de Nico, des apports très Heavy de nos deux premiers guitaristes (Marco Smacchi et Éric Peron que je tiens à remercier au passage) et de notre 3e MCD Nordic Tales. L’idée des vikings m’est venue par le biais de mes études et suite à la lecture d’un bon bouquin de Régis Boyer, l’historien de référence sur ce thème. Un premier coup d’essai nordique avec le titre « Fury of the North » sorti sur notre 2ème MCD Indian Spirit avait été très concluant. Du coup, avec notre premier véritable album, les atmosphères très normandes et celtiques ont été décuplées. C’est ce disque qui nous a fait connaître partout en Europe, surtout en Russie et en Finlande où nous avons sorti l’album grâce à une licence vendue 300 dollars à l’époque. Une belle arnaque, mais un superbe coup de pub. 2002-2005 ont été des années phares pour les concerts et la promo ! On pensait vraiment toucher au but. Des soirées mémorables avec de superbes premières parties ont eu lieu : Vanden Plas, Blaze Bayley, Loudblast, Royal Hunt, Virgin Steel ou Paul Di’Anno. C’est notre pote et manager actuel, Charles Zampol, de Tagency qui était déjà sur le créneau pour nous placer dans ces plans dantesques. En 2005, avec Septentrion’s Walk qui reprenait le flambeau du metal viking, on a enfoncé le clou. 3000 albums vendus en France et de nombreuses copies écoulées à l’étranger. Encore et toujours des concerts et festivals très intéressants, notamment une soirée mémorable à Paris au « feu » club Drouot, mais aucune possibilité de trouver un label plus gros capable de nous proposer un contrat plus sérieux pour l’étranger. À cette époque, je terminais ma thèse et je subissais pas mal de pression, ma vie privée était assez compliquée et j’ai décidé de tout arrêter. Oh, ça n’a pas duré bien longtemps et lorsque j’ai réintégré le navire nous étions en 2006. Un ras le bol général nous avait gagnés et Nico souhaitait composer des choses plus dures.

Moi-même j’étais plus sombre dans mes paroles, plus vindicatif. D’ailleurs, mon chant s’en ressent beaucoup sur Ov Asylum, un disque accouché dans la douleur en 2009. Malgré tout, nous étions très fiers de cet album (nous le sommes toujours) mais malheureusement en plus d’avoir perdu nos fans de la première heure, certains médias nous ont complètement assassiné. Moins de 400 cds ont été vendus. Je crois que les chroniqueurs n’ont pas accepté le revirement de style. C’est vrai que le symphonique Metal était loin à cette époque et qu’on jouait maintenant une espèce de trash électro très étrange. C’est vrai aussi que ma voix avait, comment dire, beaucoup changé mais nous ne nous attendions pas à de tels retours ! Après quelques concerts, la première partie de Mass Hysteria et un bon show avec les belles suédoises de Crucified Barbara, le groupe a décidé de faire un break. Ce n’était pas vraiment un split parce que nous étions toujours en contact et que nous avions des projets musicaux en commun (Snaked, Symakya), mais il s’agissait de faire une longue pause pour recharger les batteries, faire le point sur l’avenir possible du groupe et voir si Seyminhol avait encore des choses intéressantes à raconter.

Bref, en 2013 Nico m’a proposé de relancer la machine et nous nous sommes mis sur la compo de The Wayward Son. Je dois dire que ce concept était écrit depuis longtemps, depuis 2007 en fait et, petit scoop, ce disque sur Hamlet aurait du sortir à la place de Ov Asylum. Finalement, avec le recul, je ne regrette pas du tout d’avoir sorti en 2009 un disque de trash un peu barré au lieu d’un album de prog metal symphonique. La maturité nous a permis de donner le meilleur de nous-mêmes sur The Wayward Son et j’ai surtout repris goût aux belles envolées lyriques grâce à mon projet parallèle Symakya.

2. Vous dites avoir fait une pause après Ov Asylum, était-ce un vrai break ou plus le temps nécessaire à l’écriture de The Wayward Son ?

Non, il s’agissait d’un vrai break. Pour être vraiment honnête, lorsque Nico est venu me retrouver en 2013 pour ce nouveau projet Seyminhol, je ne voulais pas refaire un disque même si je savais au fond de moi que ce serait une très belle aventure. Je n’étais pas encore prêt. C’est même très récemment que j’ai compris que je pouvais remonter sur scène. Je ne me voyais pas reprendre le chant et relancer toute cette machine. Ma vie avait changé, mon quotidien avait changé et mes priorités étaient ailleurs. Bref, Nico a dû batailler longtemps pour me convaincre d’aller de l’avant avec ce nouveau projet Seyminhol. Il m’a dit que ce break finirait par être une vraie rupture si on continuait comme ça et qu’il fallait maintenant envisager la suite ou renoncer à tout ! Je tiens d’ailleurs à le remercier pour ça. Il fallait vraiment faire ce disque parce que le résultat est étonnant. Il le sera pour nos anciens fans à mon avis. Mais attention, il s’agit bien de Metal symphonique et progressif ! Nos envies trashisantes sont assouvies.

3. Vous avez aussi un nouveau batteur, bien connu de la scène française. Comment Thomas a-t-il rejoint vos rangs ?

Eh bien, j’ai rencontré Thomas das Neves grâce à mon ami Matthieu Morand guitariste du groupe La Horde et Akroma (il a d’autres projets que je n’ai pas le temps de mentionner ici. Pour les curieux, jetez un œil sur sa page facebbook). C’est en évoquant la possibilité de monter un projet ensemble (Symakya, dont l’album Majestic 12 est paru en 2011) qu’il m’a permis de rencontrer Tom qui est un incroyable batteur doué d’un très grand professionnalisme. Je crois qu’il apporte beaucoup au visage actuel de Seyminhol. C’est un très bon technicien et un gars avec qui on peut échanger, discuter sereinement sur la manière de jouer une partie de caisse sans qu’il explose ou qu’il se ferme. C’est vraiment appréciable ! Finalement, la communication est la base essentielle pour la survie d’un groupe. La communication et l’humilité.
4. Cet album est d’ailleurs un concept autour de « Hamlet. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour passer de la Scandinavie médiévale à la littérature classique anglaise ?

Tout ça n’est pas si éloigné finalement. L’histoire d’Hamlet se passe au Danemark. Ce sont des descendants des Vikings ! Non, plus sérieusement, la littérature d’une manière générale est ma seconde grande passion après l’histoire. Je m’essaye moi-même à l’écriture et mes époques de prédilections sont le XIXe siècle et la fin du XVIe siècle. Shakespeare est un auteur sublime. C’est une banalité de le dire, mais c’est lui qui pose les bases du roman gothique à mon sens. Certes, Hamlet est une pièce de théâtre, du théâtre tragique mais l’image du spectre est extrêmement novatrice, la folie réelle ou déguisée comme moteur des actions des protagonistes principaux donne aussi une dimension haletante aux situations. Et les ambiances sont choisies, ce questionnement sur le temps qui passe, le devenir de toute chose, cette espèce de conscience élevée de la mort chez Hamlet, c’est quelque chose de prenant, d’obsédant. Avec ce drame, il y avait donc tous les ingrédients pour réaliser un très bon disque. J’aime beaucoup la littérature de langue anglaise : les sœurs Bronté, Wilde, Walpole, Shelley…Il y a beaucoup de matière pour développer une musique aux atmosphères gothiques, voire black metal.

D’ailleurs, nous avons déjà quelques idées pour le thème du prochain album. Il faudra en tout cas proposer quelque chose d’au moins aussi fort qu’Hamlet.


5. Comment aves-vous choisi la pochette de cet opus ? Qu’évoquent la rose, la serrure, l’épée et même la coupe renversée ? Je me doute que le crâne est pour « to be or not to be » ? C’est peut-être évident pour ceux qui connaissent l’œuvre par cœur, mais disons que j’aurais besoin d’un petit rappel.

J’ai beaucoup aimé le travail de Flow de Chromatorium sur le dernier album d’Akroma. Je l’ai donc contacté pour qu’il participe à ce projet et l’idée lui a semblé très intéressante. J’ai voulu m’attarder sur la symbolique de l’histoire. Bien entendu le crâne rappelle la tirade célèbre d’Hamlet : « être ou ne pas être telle est la question ». Mais c’est aussi le crâne de Yorick (le bouffon du roi) qu’Hamlet tient dans sa main lorsqu’il passe par le cimetière et qu’il disserte sur la vie et la mort avec les deux fossoyeurs. Il se souvient du rire de ce personnage qui, lorsqu’il était enfant, le faisait sauter sur ses genoux pour l’amuser. Là, le pathétique de la situation est à son comble, la probabilité qu’Hamlet retrouve Yorick sous cette forme est un fabuleux coup du sort. Le crâne, c’est la moelle de la connaissance et, là, devant une caboche vide comme une coquille, Hamlet s’interroge sur son propre devenir et sur le but de toute cette mascarade qu’est la vie. Selon moi, cet épisode est même plus fort que le « To be or not to be » déclamé plus haut. Dans une certaine mesure, ce crâne peut aussi être perçu comme celui de tous les disparus de la pièce : Polonius, la reine, le roi usurpateur, le roi défunt, Ophélie et Hamlet lui-même. Cette pièce est une hécatombe, il n’y a pas de « happy end » chez Shakespeare. C’est ce qui donne la puissance à cette œuvre. L’épée qui traverse le crâne permet d’évoquer le duel final entre Hamlet et Laërte et donc, une nouvelle fois, la mort au bout du compte, comme un couperet. La coupe elle-aussi renvoie à une forme de finitude, c’est le poison bu par la reine mais également une incarnation du pouvoir. La serrure caractérise l’inconnu, tout ce qui est caché, dissimulé, le mystère en quelque sorte. Enfin, le fait que le crâne se change en rose permet d’insister sur la transformation de toute chose, le corps retourne à la poussière mais pourra engendrer – par son engrais – la vie (le seul côté positif en somme). Les fleurs sont aussi très présentes dans les interventions d’Ophélie qui est une sorte de dame nature, de jeune-fille évoluant dans un environnement végétal que ne comprennent pas ses proches, qu’il soit question de son père ou de son frère. Je trouve qu’elle pourrait être comparée à une bonne sorcière ou à une fée, un peu comme Viviane. Elle communique grâce aux fleurs. Meurt-elle à cause du décès de son père, Polonius, ou par amour pour Hamlet ? S’est-elle suicidée ou est-elle décédée d’une mort accidentelle ? Les critiques littéraires se questionnent encore sur ces différentes possibilités. En tout cas, la pochette recèle une quantité de symboles à vocation mortifère d’une manière générale. C’est un peu comme un Memento Mori pour l’observateur.

6. Il est très difficile de ne sélectionner que quelques titres de l’album. En effet ils sont une suite logique et gagnent en force avec les différents interludes. Comment allez-vous faire votre sélection pour les jouer sur scène ? Ferez-vous l’album en entier ?

Je suis tout à fait d’accord avec ton analyse. Il est, en effet, impossible de rendre toute la richesse du disque en ne privilégiant que quelques morceaux. Pour cette raison, nous avons choisi de jouer la totalité du disque sur scène avec des samples et des chœurs grandioses qui accompagneront notre prestation. Parfois, lorsque cela sera possible, les choristes nous rejoindrons en live pour assurer les voix féminines qui donnent beaucoup de force à certains titres. Idem pour les violonistes que nous aimerions voir à nos côtés lors de prestations particulières. Il va de soi qu’emmener tous ce beau monde sur une date à l’étranger ou dans d’autres régions de France risque d’être très compliqué en termes de logistique mais, qui sait, ce serait un beau challenge !

7. Peut-être avez-vous déjà joué quelques titres sur scène ? Si oui, quels ont été les retours du public ?

En effet, nous avons présenté l’album quasi-complet en avant-première au Sid Bar dans notre fief d’origine en Moselle. Le retour a été fabuleux comme en témoigne les nombreux messages d’encouragement et de soutien que nous avons reçu sur notre page Facebook. Je pense que les auditeurs ne s’attendent pas à ce genre de show en se rendant à un concert étiqueté « métal ». À vrai dire, nous ne nous sentons plus très proche du métal traditionnel et nous préférons défendre l’étiquette hard rock symphonique et progressif. Le terme métal est vraiment trop réducteur et, dans l’esprit de beaucoup de personnes, il signifie bruit, hurlement et satanisme. C’est malheureusement une image beaucoup trop véhiculée. Par exemple, certains groupes de black jouent sur ces poncifs, d’autres cherchent à provoquer mais il faut toujours creuser la musique et l’imagerie pour mieux s’apercevoir que même au sein d’une scène aussi extrême que celle-là, il y a énormément de richesse et d’inspirations littéraires ou ésotériques. Je pense que le mot métal est trop galvaudé, mal compris et mal perçu. Voyez le Hellfest et la levée de boucliers qu’il subit ! Pour cette raison, nous défendons un style symphonique, mélodique et progressif qui puise ses racines dans le hard-rock des origines ou des groupes comme Queen et Marillion. C’est ce qu’Opeth a choisi de faire avec la réussite que l’on connaît, c’est ce que nous souhaitons véhiculer à notre niveau.

8. Obligé de jouer costumé sur certains titres ?

Non, bien sûr que non. Ce n’est pas d’actualité et nous avons, par le passé, voulu mettre en lien look et musique et les critiques n’ont pas compris ce que l’on faisait. Idem pour nos pseudonymes sur « Ov Asylum » qui n’ont pas été appréciés alors qu’ils avaient simplement pour but d’accentuer le concept de l’album en faisant incarner par chaque membre du groupe un personnage de l’histoire que nous développions. Désormais, on évite ce genre de choses.

9. Vous est-il possible de nous faire un track by track de votre album, quelques mots pour chaque titre. Nous raconter l’intrigue de chaque scène, les personnages qui interviennent ? Une anecdote d’enregistrement…Enfin, tout ce que vous voulez.

Eh bien je vais tâcher d’exposer la pièce de Shakespeare et de poser l’intrigue d’Hamlet pour ceux qui ne connaissent pas cet auteur dramatique anglais de la fin du XVIe siècle. Hamlet et le fils de la reine Gertrude et du roi du Danemark. Ce dernier qui vient de mourir apparaît sur les remparts du château d’Elseneur sous la forme d’un spectre aux officiers de la garde (Marcellus, Bernardo et Francisco), ainsi qu’à l’ami du prince Hamlet, Horatio. Cette apparition sème le trouble et l’effroi dans l’esprit de ces hommes ce qui pousse Horatio à établir un lien avec les temps qui précédèrent la fin du grand Jules César à Rome, épisode au cours duquel les morts quittèrent leurs tombes pour se répandre dans les rues comme un signe funeste annonciateur du jugement dernier (A night at Elseneur). Horatio décide donc d’en informer Hamlet afin qu’il observe lui-même ce phénomène étrange. Ajoutons que, dès la mort du roi, son frère, Claudius, s’est empressé d’épouser sa veuve, la reine Gertrude ce qui intrigue Hamlet au plus haut point et le révulse. Cela renvoie indirectement à la fameuse phrase prononcée par Marcellus : « il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark » (Marcellus’s ascertaining), qui traduit la perfidie de la politique à cette époque et la décadence des mœurs de la cour.

Peu de temps après, Hamlet observe le fantôme de son père défunt sur les remparts. Le spectre lui apparaît sous les traits d’un homme en armure, d’un chevalier dont l’attitude et le costume ont pour but d’expliquer au lecteur que l’ancien roi incarnait des valeurs médiévales nobles aujourd’hui disparues. Le spectre explique à son fils comment il est décédé (The spectre’s confidence) et l’on découvre que c’est Claudius le propre frère du roi maintenant sur le trône qui est à l’origine de ce meurtre horrible. The Oath on the Sword renvoie au serment que le spectre demande à Hamlet et à ses compagnons. Le roi défunt veut être vengé et délivré d’une damnation éternelle ! Pour cela, le secret de l’assassinat doit être bien gardé afin qu’Hamlet puisse mettre en place une machination infernale capable de faire éclater au grand jour la vérité.

À cette fin, Hamlet choisit – comme il le dit, juste après avoir juré sur l’épée (Act 1, scène V) : « d’endosser le manteau de la folie » (Mantel of Madness) – dans le but de tromper son entourage et de semer le trouble dans l’esprit de ses proches. Son idée est brillante puisqu’il souhaite faire jouer par une troupe de comédiens arrivée au château (Comedian’s parade) une pièce intitulée : « Le meurtre de Gonzague » dans laquelle il réécrit quelques passages pour que certaines tirades soient l’illustration parfaite du meurtre de son père par l’actuel roi (Theatre of the Dream) et, qu’au moment de l’empoisonnement, le visage de Claudius traduise une mimique ou une gêne qui sera perçue par Horatio comme la preuve irréfutable de la culpabilité du fratricide. Le morceau Theatre of the Dream est une sorte projection : c’est l’esprit d’Hamlet qui parle avant même que la scène de la pièce donnée par les comédiens dans la salle du château ne soit jouée. Il se projette et entrevoit par la pensée sa machination. Dans ce titre, il y a aussi un paragraphe consacré à Ophélie, l’amante inaccessible dont Hamlet fait son autre devoir de quête. Le passage « To Die, to sleep » (Act III, scene 1) renvoie quant à lui à la célèbre tirade « To be or no to be » et à la première réflexion profonde d’Hamlet sur la vie et la non vie, sur les mécanismes qui activent l’avènement de la mort et notre incapacité à maitriser cela. J’ai volontairement choisi des allers-retours dans la pièce à certains moments afin de donner corps à une œuvre écoutable et limpide musicalement. Into the black chamber est un titre très important dans ce concept puisqu’il s’agit d’une confrontation extrêmement rude entre Hamlet et sa mère. Hamlet a de l’aversion pour elle, une haine irrépressible et ses mots à son encontre son d’une grande dureté. C’est aussi le dernier acte où le spectre apparaît à Hamlet devant Gertrude qui, elle, ne voit pas le fantôme.

Cela ajoute un peu plus à la démence d’Hamlet qui devant sa mère converse par moment avec le néant. Bref, ce titre constitue un tournant majeur puisqu’il entraine aussi la disparition de Polonius. Celui-ci, en effet, était caché derrière une tapisserie dans la chambre de la reine pour épier la conversation entre Hamlet et Gertrude. Ainsi, Hamlet voyant bouger la tenture, transperce de sa lame le corps de Polonius qu’il croit être un rat : en fait, il poursuit dans son jeu de duplicité en faisant croire qu’il a pris Polonius pour un rat. The Death of Polonius est une sorte de transition très sombre qui conclue à merveille Into the Black Chamber et qui amène tout naturellement vers la deuxième véritable partie de notre concept, celle où la tragédie va s’installer complètement pour ne plus quitter l’histoire jusqu’à son dénouement dramatique final.

Shadow of Death résume d’une certaine manière toute la pensée d’Hamlet sur ce qu’il convient d’accomplir dans la vie avant de disparaître. En voyant l’armée de Fortinbras toute fringante prête à combattre pour un motif politique de faible portée, Hamlet conclue à l’importance de l’honneur et de la hardiesse à lutter pour la plus petite des causes. Lui, paradoxalement, doit se battre pour une cause bien plus haute : faire la lumière sur la mort de son père et venger sa mort outrageuse. Ce titre se place dans le contexte du départ forcé d’Hamlet pour l’Angleterre : une manière de calmer la colère après la mort de Polonius, mais surtout un prétexte pour le roi usurpateur d’éloigner de la cour un prince trop ambitieux. Cette chanson dévoile, de façon très mélancolique, la vision d’Hamlet sur ce qu’il convient d’accomplir et sur ce qu’il laisse à contre-cœur derrière-lui : le château d’Elseneur avec ses souvenirs et ses secrets, le spectre de son père en errance ! Ici, la mort est encore et toujours au centre du discours. Hamlet préfèrerait peut-être cette issue à l’action, comme une sorte de suicide ou d’abandon lâche.

Ce titre finalement est un peu le double d’A Poem for a Maid. Comme dans un miroir se lisent la mélancolie et les paradoxes d’Hamlet et d’Ophélie. En effet, en apprenant la mort de son père, Ophélie, d’après certains littérateurs, sombre dans la folie. Le langage des fleurs utilisé par la jeune fille transparaît parfaitement dans cette interlude mais par la bouche d’Hamlet cette fois qui évoque le pouvoir des fleurs comme : un bouclier de désespoir pour Ophélie ou comme l’élément qui pousse à sa disparition. En effet, Ophélie en voulant tresser une couronne de fleur va mourir noyée. Derrière ce titre réside toute l’ambiguïté de la pièce elle-même. Ophélie est-elle désespérée par la mort de son père au point de se suicider ? Sa noyade résulte-telle plutôt d’un simple accident ? Est-elle amoureuse d’Hamlet au point d’en mourir ? Transpose-t-elle la mort physique de son père sur la mort psychique de son amour pour Hamlet ?

Bref, voilà un titre qui permet de réfléchir sur le sens profond de la pièce. The Conspiracy parle encore de la mort de Polonius mais vue, cette fois, par Laërte. Ce dernier évoque la démence de sa sœur qu’il croit être du à la disparition de son père. Il parle aussi de la lâcheté du roi Claudius qui aurait dû punir Hamlet. Finalement, après une longue discussion entre les deux hommes, Laërte et Claudius décident de mettre en place un guet-apens : recouvrir de poison la lame de l’épée de Laërte dans le cadre de ce duel légitime qui verra inéluctablement la mort d’Hamlet. Ce dernier, en effet, est sur le point de revenir. À son retour, il passe par le cimetière (Into the cemetery) et trouve deux fossoyeurs en train de disserter sur la disparition d’une jeune personne. Ces deux là parlent aussi du rang des hommes, de leur différence dans la vie mais de leur égalité dans la mort. L’intervention de Joe Amore de Nightmare retranscrit en outre parfaitement la question posée par l’un des fossoyeurs : quelle est la demeure qui est la plus solidement bâtie ? Celle qui durera le plus longtemps ? Il s’agit de celle du fossoyeur, car elle est la maison du défunt pour l’éternité. Ici, il y a un échange improbable entre l’esprit d’Ophélie, le fossoyeur qui est très pragmatique et Hamlet qui disserte sur le crâne du bouffon Yorick qu’il trouve à ses pieds et vis-à-vis duquel il éprouve un certain malaise. Cet homme qu’il a connu jadis n’est plus et son crâne ressemble à tous les autres : où sont les lèvres qui insufflaient des plaisanteries, où sont les bons mots du bouffons ?

Avec A Disguised Corpse, j’approfondie un peu plus cette idée développée dans le titre précédent et le refrain entêtant dit en substance : les mots passent mais les souvenirs restent. Il y là l’idée du souvenir visuel de la personne, un peu comme une photographie que l’on observe et sur laquelle les personnages ne peuvent s’exprimer. Celui qui regarde pourtant arrive à se rappeler le son d’une voix, une discussion qu’il a eue, etc. J’évoque aussi le bateau du passeur, l’âme et l’esprit. Les os qui, une fois délestés de leur chair, leurs tendons et leurs muscles ne sont que de simples os mélangés entre eux et face auxquels on serait bien incapables de différencier le riche et le pauvre. D’une certaine manière, je conclus en disant que la terre est l’univers des vers.

The Great hall of the Castle annonce le titre suivant, celui de duel. Hamlet accepte le combat et lance : l’essentiel c’est d’être prêt ! (the readiness is all). Prêt à combattre certes, mais prêt à venger la mort de son père, prêt à être vraiment perçu comme un homme qui assume son rôle et prêt aussi à mourir le cas échéant. The Duellist décrit la lutte entre Laërte et Hamlet sous fond de vengeance et de tragédie. Tous meurent… C’est décidément la route vers les Champs-Élysées qui s’ouvre pour Hamlet et la route de la damnation et de l’enfer qui se présentent aux traitres. Toutefois, avec The Last March of a Prince, on entrevoit un côté positif à toute cette histoire. C’était ma volonté de proposer une forme d’espérance : Hamlet s’exprime après qu’il soit mort et laisse planer un soupçon d’espoir en disant : King by my side, Queen by my side et en insistant sur le fait qu’il est désormais capable d’aimer et de pardonner. Voilà…c’est un peu long, mais l’essentiel de cette pièce vient d’être décrite et expliquée. Je pense en tout cas…

10. Quel studio avez-vous choisi ? Quel producteur et pourquoi ?

Nous avons tout enregistré dans notre home studio, chez Nico. Désormais nous sommes en parfaite autonomie et débarrassés de toutes les contraintes budgétaires inhérentes à un tel enregistrement. Du coup, plus de stress, plus de timing, plus de problèmes d’organisations au millimètre. On travaille au feeling, à l’envie, etc. Donc, nous sommes aussi les producteurs de ce disque. L’expérience une fois encore nous a montré que nous avions toutes les capacités pour mener ce projet à son terme.

11. Vous avez peut-être des dates de concert de prévus ?

Oui, il y a déjà des dates de programmées. Le 21 juin nous donnerons un concert en première partie du groupe Evergrey à Thionville puis, à la rentrée, un festival est d’ores et déjà prévu en Normandie. Entre temps, la promo va continuer, le travail sur de nouvelles chansons également et nous allons creuser la possibilité de faire quelques grosses dates. Pour cela, il faut négocier.

12. Une news de dernière minute ?

Oui, et c’est une première ! Nous travaillons actuellement sur la réalisation d’un vidéo clip très ambitieux visuellement avec notre ami Guillaume Klein et son équipe. Il s’agira de mettre en images The Duellist dans des lieux exceptionnels.

13. Je vous laisse les derniers mots ?

Merci à toi pour cette belle interview. C’est toujours un plaisir de pouvoir défendre notre musique et notre groupe de cette manière. Merci aussi à notre équipe de choc : Charles Zampol de chez Tagency, Roger Wessier de Replica promotion et Alain Ricard de Brennus music.

On espère vraiment qu’avec ce disque Seyminhol sera prêt pour réaliser de grandes choses…The readiness is all !

 

Facebook:https://www.facebook.com/pages/SEYMINHOL/113670030262?fref=photo

Chronique de l’album:http://www.soilchronicles.fr/chroniques/seyminhol-the-wayward-son

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