Line-up sur cet Album
- Dylan Watson : batterie
- Malo Civelli : chant, guitares, basse, claviers, orchestrations
- Guests :
- Lambert Segura : violon sur 8
- Linnéa Lindqvist : chant sur 8
- Vladimir Cochet : guitare acoustique sur 2 et 5
- Yoann Giacomelli : choeurs
- Mattieu Favre : choeurs
- Nicolas Bise : choeurs
- Romarick Gendre : choeurs
Style:
Black Metal Atmosphérique / FolkloriqueDate de sortie:
12 novembre 2021Label:
Northern Silence ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10
« Dans la forêt, quand les branches se querellent, les racines s’embrassent. » Proverbe africain
Les forêts sont probablement les endroits qui m’inspirent le plus de respect et de fascination. Cela peut sembler lunaire de dire cela mais j’aime ces lieux de villégiature où l’on peut écouter les bruits de la Nature en toute quiétude. Bon, il faut bien reconnaitre qu’avec les chasseurs, la quiétude n’est pas totalement de rigueur, mais il y a réellement un truc dans ces allées d’arbres, de feuillages, de humus et de vie animale. J’ai toujours adoré m’y promener, au gré des lieux où je vivais. J’ai une préférence toute particulière pour la forêt drômoise de Marsanne, pour celle de Saou, un petit coin de forêt qui s’appelle le Val des Nymphes et qui a une réputation ésotérique et paranormale très forte. Sans compter les légendes autour de celles d’Aokigahara au Japon (celle où l’on recense des centaines de suicides par an), de Rothiemurchus en Écosse ou de Ballyboley en Irlande du Nord. Les forêts ont toujours alimenté les fantasmes, les croyances et les rites, et encore aujourd’hui si vous êtes comme moi, sensibles aux ressentis et aux ondes, vous vous apercevrez très vite que les forêts tissent un lien particulier et exclusif avec l’Homme. Et j’irai plus loin en disant qu’outre le rôle ultra important pour notre environnement, les forêts occupent tout de même 30% de la surface de notre planète. Avant, c’était 50%. Bref, quoiqu’on en dise et quoique nos sociétés urbaines nous poussent à imaginer, les forêts ont un rôle central dans notre existence humaine précaire et imparfaite. Cela ne m’étonne donc pas de découvrir un nouvel album qui centre son concept album sur la forêt. Cân Bardd que j’ai l’immense honneur de faire en chronique propose un album qui s’appelle « Devoured By the Oak« .
Que dire de Cân Bardd sinon qu’il s’agit selon moi d’un des groupes les plus prometteurs en matière de black metal folklorique? Fondé pourtant il y a peu, soit en l’année 2016 dans la belle ville de Genève en Suisse, le duo de musiciens composé de Malo Civelli (ancien de Kaatarakt et principal compositeur) et de Dylan Watson (Kassogtha et ancien de Kaatarakt et AM:PM), le groupe a déjà à son actif trois albums avec ce dernier, tous sous la houlette franchement glorieuse de Northern Silence Productions, qui est un label qui produit beaucoup de groupes que j’adore. Il est bon toutefois de préciser que Metal Archives a fait erreur et m’a de facto induit en erreur en ne mentionnant pas que le label produisait ce troisième album! C’est du reste la seule petite anicroche que j’ai repéré, et vous vous apercevrez du nombre de personnes invitées sur cet album. A titre personnel j’adore Cân Bardd, donc je vais m’employer à faire une chronique objective mais rien n’est gagné. Vous serez prévenus comme cela!
Autant le dire tout de go, la pochette est très belle. Je ne pense que ce soit la meilleure du groupe toutefois. Pour des raisons purement esthétique, je préfère en effet un artwork plus naturel on dirait, comme les deux premiers albums qui avaient cet aspect moins cartoon, moins graphique. On aurait vraiment cru des paysages idylliques. Là, on voit tout de suite qu’il y a une exagération importante d’une création graphique et que cela fait un peu trop « ordinateur » justement. Le dénommé Michael Handt qui s’est occupé du design de « Devoured By the Oak » avait été bien plus inspiré pour l’avant-dernier album du groupe suisse Aara… Après, je trouve néanmoins que les arbres sont très bien dessinés, avec un luxe de détails plutôt intéressant, ce qui sauve les apparences mais il y a un côté un peu faux dans cette représentation d’une forêt. D’abord parce que les arbres ne sont pas naturellement droits et épais comme cela, sauf en cas de plantation mais le principe même d’une forêt c’est un écosystème autonome et imparfait. Or, ici, cette forêt sonne trop parfaite justement, et donc en vérité peu authentiquement convaincante. Ensuite, le fond rouge derrière est flou. On ne sait pas s’il s’agit d’un incendie ou d’un jeu du soleil, couchant ou levant, ou tout simplement une sorte d’enchantement, mais dans tous les cas cette présence lumineuse en fond de forêt est étrange, pour ne pas dire incongrue. Enfin, voilà. Mon lot de déception intervient sur cet artwork pour lequel la stylistique en elle-même est très bonne quoique légèrement trop « graphique », mais tout cela sonne faux. J’allais dire, si j’étais méchant, que cette incarnation trop cousue de fil blanc de forêt tombe presque dans l’oxymore du principe lié au black metal, de ne justement pas faire dans la perfection mais aller vers quelque chose de très naturel voire d’anarchique ou si vous préférez chaotique, dans le cas du folklorique en tout cas. Je ne suis donc pas convaincu par l’artwork, je pense que Cân Bardd avait été bien plus inspiré dans ses choix passés que dans le cas présent. Et j’espère que ce n’est qu’un faux pas qui sera vite rectifié pour la suite. Déception.
Mais alors… La musique. Bonté divine que c’est bon! Je vois déjà venir d’ici mon patron dire « oui dès qu’on met du pouêt-pouêt à Quantum il n’en peut plus, il jouit »! Certes. Sauf que dans le cas de « Devoured By the Oak« , on est loin, très loin de faire dans le pouêt-pouêt. La musique de Cân Bardd étant résolument et de manière maintenant bien ancrée dans un black metal atmosphérique et folklorique, on partait sur des bases solides. Mais ce que je trouve purement extraordinaire sur ce nouvel album, c’est la capacité que le groupe suisse a pour se recréer encore et encore. Je pensais avoir trouvé un point d’ancrage suffisamment important pour ne pas ou moins être surpris à la première écoute mais je me suis aperçu très vite que non. Le groupe m’a encore une fois totalement pris de court et m’a scotché sur place. C’est difficile en l’état de décrire ce que l’on ressent quand on écoute Cân Bardd, d’autant que chaque album comme je disais réserve son lot de surprises. Mais on a au moins tous les ingrédients qui font un black metal teinté d’atmosphérique d’abord et de folklorique ensuite. L’atmosphérique se traduit par de longues et longues envolées riffiques, avec des blast beat en pagaille, des lignes mélodiques aux guitares qui sont planantes au possible tout en conservant cette froideur caractéristique. Le côté tranchant d’un black metal « normal » n’est ici que peu présent, l’album tout entier est voué à l’expression d’une certaine poésie, d’un lyrisme léger mais majestueux à la fois. Le son aussi y est pour quelque chose mais j’y reviendrai dessus. La partie folklorique est tout simplement assurée par ces claviers qui sont, si je ne dis pas sottise, l’une des armes maitresses de Malo Civelli qui était un incroyable claviériste dans Kaatarakt, qui composait à l’époque des trucs de dinguerie et qui continue à mettre en avant toute cette ribambelle d’instruments qui, certes ne sont pas authentiques et issus de banques sons de claviers, mais qui sonnent tellement vrais que l’on se méprendrait. J’ai d’ailleurs cru que le nommé Lambert Segura (Saor) officiait sur tout l’album au violon, mais en fait non. Voilà donc un album d’une majestuosité désarmante et d’une beauté époustouflante. J’en ai eu des frissons et même de courts moments de larmes. La magie, si l’on peut dire, opère totalement. C’est véritablement un album exceptionnel que nous ont proposé nos amis suisses de Cân Bardd.
La production est tellement digne aussi. Vladimir Cochet aux commandes, j’ai envie de dire que lorsque l’on se paye le producteur des albums de Stortregn, on a forcément un résultat exceptionnel. C’est chose faite, on parvient très rapidement à identifier cette particularité sonore qui crée la sphère atmosphérique. C’est à dire une occupation de l’espace sonore dans sa quasi-totalité, avec un gonflement des guitares et de la basse qui permettent cette fameuse sensation d’envahissement psychique et auditif. Cette grandiloquence de l’album « Devoured By the Oak« , on la doit effectivement à cette production folle. J’adore la sonorisation de la batterie, qui retranscrit là encore l’idée selon laquelle il faut occuper le tout, et la batterie qui fonctionne comme une mitraillette permet donc d’ajouter encore davantage cet envahissement. J’adore surtout la manière avec laquelle Cân Bardd met en avant ses claviers, qui sont selon moi toute la subtilité de ce black metal atmosphérique et folklorique. A savoir que les parties metal alternent selon les besoins entre des passages très mélodiques et des moments où ces parties se mettent totalement au service des parties claviers qui sont sur un mode mélodique voire orchestral. Bref, vous l’aurez compris, j’essaye sincèrement d’être objectif et je pense y arriver même si mes propos sont d’un dithyrambe certain, mais j’assume. J’adore la production de l’album, l’énorme travail qui a été fait en studio me conforte dans l’idée selon laquelle Vladimir Cochet est un excellent producteur et Cân Bardd un groupe extrêmement sérieux.
Après plusieurs écoutes, je me suis aperçu que la musique de Cân Bardd était sur ce « Devoured By the Oak » une véritable ode à la forêt, sur des coutures peut-être un peu faciles notamment quand on lit les titres des pistes, mais la manière de composer est tellement belle et majestueuse que l’on se rend compte que la forêt a ce côté mystique. Cette qualité légendaire est parfaitement bien retranscrite grâce à ce black metal atmosphérique langoureux et emphatique au possible. L’intention musicale est claire comme de l’eau de roche. Après, les compositions sont tellement variées que ce soit d’un point de vue mélodique et d’un point de vue composal notamment en ce qui concerne les incorporations folkloriques, que l’on ne peut pas s’ennuyer et l’on ne peut pas se perdre. D’habitude ce trop de variations m’empêche de pénétrer pleinement un album, or dans le cas de celui-ci tout est limpide, c’est fou! En fait, tout est limpide en fonctionnant sur la distinction entre les pistes qui sont différentes mais se rejoignent dans la ligne directrice de ce black metal atmosphérique. Après, je vous laisserai découvrir chaque particularité de chaque morceau sinon on n’a pas fini la chronique. Mais sachez néanmoins que « Devoured By the Oak » est un album d’une richesse inouïe, dompté par un duo de musiciens que je considère comme les plus prometteurs de Suisse et qui mènent une barque qui deviendra un véritable paquebot tellement ce troisième transpire à plein poumons l’assurance, le talent et le génie. Une tuerie, une méga tuerie!
Un mot toutefois sur les différentes parties chant de l’album. Il y a ce chant principal, en voix saturée dans la technique purement high scream, quasiment en voix de tête, avec cet aspect strident et incisif qui reste l’une des seules notes old school de l’album « Devoured By the Oak« . Et tant mieux, tant la technique est très bien maitrisée et tant il faut cette reconnaissance de ce qui fait la base. Ensuite, autant le dire, j’ai incroyablement adoré les chœurs de l’album. Je trouve que c’est parfaitement audacieux de mettre des choristes sur un album black metal et dépourvu d’épique, mais ces chœurs sont utilisés avec un tel bon escient que j’en ai été bluffé, littéralement. Ils rajoutent une folle puissance et un soupçon encore dingue d’emphase! En plus, les musiciens qui font les chœurs, je les connais bien et je suis bien aise de constater qu’ils sont très doués pour cela. Enfin, il est à préciser que le dernier morceau de l’album est interprété en chant clair par une certaine Linnéa Lindqvist que je ne connaissais pas, et dont la voix mélodieuse et volupté propose un autre aspect pour cet album ô combien riche. Voilà, fin de l’histoire, les chants sont superbes et insidieusement utilisés.
La messe est dite. Pour finir cette chronique, Cân Bardd a frappé un énième grand coup sur l’échiquier si figé du black metal européen. Avec une édulcoration bienvenue qui se situe entre l’atmosphérique et le folklorique, « Devoured By the Oak » est une véritable confirmation. Confirmation d’un talent incroyable, d’un génie musical qui frôle l’indolence et l’audace, et avec en plus de cela la jeunesse si prometteuse pour la suite que l’on se demande encore comment nos amis suisses vont faire pour perpétuer tout cela. Mais j’allais vous dire, cette question on se la pose tout le temps, sur chaque album et au final, on parvient encore à être surpris. En tout cas, loin de donner sa part aux lions, Cân Bardd avance comme des gladiateurs courageux et indomptables, qui vont très probablement un jour passer devant tout le monde s’ils persévèrent à nous pondre des albums aussi époustouflants et frôlant en rase-motte la perfection absolue en matière de black metal, sous toutes ces coutures. Je considère donc au regard de ce troisième album exceptionnel que Cân Bardd fera bientôt partie des plus grands.
Tracklist :
1. Echoes of the Moss 05:02
2. Une couronne de branches 10:31
3. Devoured by the Oak Pt.I 08:34
4. Devoured by the Oak Pt.II 08:50
5. Crépuscule 09:52
6. Spleen by the Pond 02:46
7. Autumn Shore 08:25
8. Blomsterkransen 03:36
Laissez un commentaire