Line-up sur cet Album
- Pierre-François : basse, chant
- Tim Byrne : batterie
- Clint Willis : guitare
Style:
Stoner / Doom MetalDate de sortie:
12 novembre 2021Label:
Sleeping Church Records (réédition)Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« Atoll attend sirène pour lui passer la bague au doigt » Sylvain Tesson
Si vous cherchez un auteur formidable à lire, un peu déluré sur les bords et un brin borderline, je vous conseille Sylvain Tesson. Ses aphorismes sont incroyables. Comme celui-ci qui me rappelle la nécessité des vacances. Voilà une introduction que je n’avais pas encore pensé à faire tiens ! L’idée des vacances chez les chroniqueurs. Vous en pensez quoi vous ? Vous croyez qu’on coupe complètement de la musique quand on part en vacances ? La vérité me concernant, c’est que j’ai beau me dire que j’ai besoin de couper, je ne le fais pas comme il faudrait. J’ai la chance d’avoir un boulot qui me permet de couper contact pleinement, pendant que certains de mes collègues s’amusent à lire leurs mails professionnels chez eux (véridique). Moi, le boulot, hormis les accidents sur la route ou de la bobologie familiale, je ne le pratique presque jamais. Et c’est une chance ! Mais au niveau passion c’est une autre paire de manches. Parce que la musique fait tellement partie intégrante de ma vie désormais que je ne coupe pas ou trop peu pour que ce soit ressourçant. D’abord parce que la musique est avant tout une sorte de lotion de bonheur pour moi : si je n’ai pas ma dose je ne suis pas bien. Et cela passe parfois par des albums répétitifs. Ensuite, parce que c’est autour de la musique qu’on fait quelque fois les plus belles rencontres, et quoi de mieux que les vacances pour provoquer le déclic ? Enfin, et c’est tout con comme argument, mais parce qu’à un moment je peux m’ennuyer et donc je me remets à faire des chroniques. Je ne parle même pas des concerts ou festivals ! Je m’en tiens à l’exercice périlleux de la chronique. Donc la question subsidiaire de ce soir étant de savoir si je parviens à couper les ponts temporairement, la réponse est non ! Et si vous ajoutez en plus la publication de chroniques, la réponse est doublement non. Mais bon… Quand je vous dis que je tanne le Big Boss Metalfreak pour être payé (mais que moi ! Pas les autres !), vous allez finir par me croire. En tout cas, je ne suis pas encore en vacances mais tantôt. Demain, je pars quatre jours dans le Sud, je vais donc me demander si je vais écrire ou pas. Mais pour ce soir, je vous présente Atolah et un album qui a déjà une histoire, qui revit d’une certaine manière : « Post, Cross and Yoke« .
Car l’histoire d’Atolah n’est pas si banale que cela. Mais avant toute chose, petite présentation. Vous allez comprendre tout de suite où je veux en venir. Atolah est un groupe dont le nom sent bon les vacances, d’où mon introduction. Il y a de cela ! Parce que le groupe vient originellement d’Australie, tantôt de Perth, tantôt de Melbourne. Puis, le groupe s’est délocalisé en… Hollande. Alors, c’est là que déjà je me sens un peu égaré dans le raisonnement. Pourquoi passer de ce pays tellement beau à… Un pays de la tulipe, des moulins et de substances illicites légales ? Je n’ai pas totalement compris. En tout cas, le groupe existe depuis 2007 mais a connu une longue, très longue période de pause, entre 2013 et 2021. Résultat : on a deux EPs seulement, tous autoproduits, le dernier étant sorti en… 2012. Voilà. Sauf que ! Un label s’est penché comme par miracle je dirais, sur le cas du deuxième EP nommé donc « Post, Cross and Yoke« . Et ce label, qui n’est autre que Sleeping Church Records, nos copains français, propose donc depuis fin d’année 2021 l’EP dûment nommé en réédition ! Mais ce n’est pas tout : son membre fondateur et seul présent encore à ce jour est français ! Cocorico ! Ainsi, si on récapitule le schmilblick : on a un groupe qui a sorti deux EPs, qui n’a rien écrit de neuf depuis 2012, qui a déménagé d’Australie en Hollande puis de ce que j’ai compris de nouveau en Australie, créé par un Français, qui a connu divers changements de line up (cela va de soi) et qui au final revient aux affaires non pas avec de la nouveauté, c’était trop facile, mais avec la réédition dans un super label de « Post, Cross and Yoke » ! Mes cadets, mes petits frères, voilà de quoi croustiller sous la dent du chroniqueur affamé ! On fonce direct d’autant que cet EP n’est pas tout à fait identique à 2012 !
Car une chose est certaine : L’EP s’est transformé en fait en une sorte de compilation. J’expliquerai plus bas pourquoi, je voulais garder le côté drôle pour le paragraphe au-dessus. Mais la pochette a forcément changé puisque « Post, Cross and Yoke » est devenu autre chose qu’un simple EP. Et j’allais dire, un immense tant mieux ! Parce que la précédente pochette était foncièrement moche. Bon, là c’est un peu mieux. Je dirais que cette espèce de gros bazar visuel, avec ce patchwork de références, donne un rendu plutôt pas mal. Alors, on a pêle-mêle du démoniaque, du marin, de la Mort, des serpents, des crânes, une faucheuse, un corps de femme nue, une tête de coquillage ou de crustacé non-identifié, des ailes de démons, enfin ! Toute une panoplie aussi burlesque que visuellement plaisante pour illustrer cette résurrection d’Atolah. Après, si ont traduit le nom de l’EP, on a « poteau, croix et attelage ». Cela donnerait donc une sorte de potence avec une croix. Je n’ai pas totalement saisi le lien corrélatif entre cet artwork et le principe de parler avec une forme de mystère dérisoire d’un hybride de construction entre un poteau, une croix et un attelage. Mais bon ! Disons que cela fait partie de tout le mysticisme, voire de la translucidité qui entoure Atolah. Je trouve d’ailleurs le logo qui est nouveau aussi un peu trop illisible. Et ce jaune vif est bizarre. C’est donc sur un constat un peu circonspect, avec toutefois la balance de la décision qui se penche vers le positif pour l’effort du dessin au milieu, très mélangé mais avec moultes détails, que je clos ce premier chapitre. Un artwork plaisant je dirais, sans plus que cela.
Pourquoi je parlais de compilation ? En fin de compte, parce que sur cette réédition, Atolah nous propose aussi le premier EP en plus. Vous avez donc un rassemblement de tous les morceaux officiels du groupe australo(pithèque?)-néerlandais. Je n’ai pas écouté si les morceaux ont été réenregistrés, mais à la lecture de la biographie du groupe il me paraît que non. Bon ! Le groupe un peu melting pot sur les bords propose dans cette compilation ce qu’il a toujours fait, depuis sa création : du bon stoner doom metal ! Entendez par-là une bonne musique bien lourde, bien épaisse, bien grasse ! Bien tout ce qu’il faut quoi. Sans faux col particulier ni un peu d’agrément doux au gout. Non ! Atolah fait dans un mélange très sympathique de stoner mélodique comme il faut, rock épais et limite un peu groovy sur les bords, associés à cette lenteur caractéristique qui, de mon point de vue, se marie parfaitement avec le stoner. Inutile de préciser si vous êtes connaisseurs comme moi que la musique sur cette compilation est très rock, avec de véritables moments mélodiques qui sont plein d’énergie, et des moments d’une lenteur extraordinaire. Je vois un peu cette lenteur, la mélodie en moins, chez Sons of Otis par exemple. Atolah fait largement plus dans le mélodique, donc la compilation est très agréable et offre de bons moments enjaillants. Maintenant, ce qui change entre les cinq premières pistes (qui concerne l’EP « Relics« ) et les trois dernières qui sont issues de l’EP éponyme, se situe principalement sur le son et sur les arrangements. Ah oui ! Il y a du chant sur les trois dernières mais j’y reviendrai. Autrement, les musiques sonnent à peu près identiques, on sent que les influences et les trois années d’écart entre les deux EPs n’ont pas fait varier outrageusement le groupe. Donc, on se retrouve avec une compilation qui sonne presque comme un album dans l’intention. Elle est donc en première instance très agréable à l’écoute, se parant d’une cohérence rare dans une compilation via le stoner doom metal récurrent et invariable, franc et racé sans tomber dans un quelconque extrême du stoner et du doom metal, voilà ainsi de quoi s’y plaire ! « Post, Cross and Yoke » version compilation, même après neuf années de disette, je valide haut la main ! Excellent choix monsieur Quantum.
On a donc une production un peu « maison » si l’on peut dire. Ce qui est surprenant puisque le groupe Atolah aurait fait appel, au moins pour son deuxième EP, à un studio. Après, je sais pertinemment que cela ne veut rien dire dans les faits, mais c’est étonnant de constater que le son de la compilation est sensiblement le même que celui que l’on trouve chez des groupes qui produisent eux-mêmes, y compris en enregistrant chez eux, leurs albums. Et en plus, le premier EP « Relics » était produit par un label ! Enfin bon, je voulais vous faire part de mon étonnement sincère devant ce son particulièrement maison si j’ose dire. Ce qui n’empêche pas ce dernier d’être fort plaisant aussi ! J’aime bien moi, cet esprit à l’ancienne où la modernité n’avait pas encore enfoui son emprise avec un son électrisant plus que chaleureux. Au moins, Atolah nous délivre un son chaleureux, rebondi et même un peu balourd sur les bords. La basse est omniprésente, détail important dans la vie du stoner, mais je trouve que la ou les guitares se prêtent également bien au jeu. Elles défendent bien leur bifteck et apportent volontairement cette touche mélodique que j’évoquais plus haut. La batterie tape fort aussi ! Elle claque bien, je trouve qu’elle amène cette touche plus agressive dans un ensemble lové par la lenteur inhérente au doom metal, et qui permet au moins de claquer quelques décibels sur la rythmique simple qui suit les lignes de guitares lancinantes. Et on se dit qu’au final, avec une production aussi cool, Atolah n’avait à l’époque pas besoin de grand-chose de plus pour percer et avoir un avenir tout tracé ! Parce qu’en deux EPs, inchangés sur cette compilation sortie du chapeau magique de Sleeping Church Records, il y avait matière ! Et il y a de quoi se réjouir de l’initiative du label et du groupe. Franchement, c’est très chouette ! J’aime cet esprit.
Maintenant, ce que je trouve un peu dommage sur cette réédition, c’est que l’on n’a pas tellement d’éclairage sur les intentions conceptuelles du groupe. On comprend déjà bizarrement qu’une compilation sorte alors qu’Atolah cumule avec « Post, Cross and Yoke » seulement deux EPs, et heureusement que la musique est franchement très bonne. Mais je ne comprends pas comment le groupe, qui est australien de prime abord, n’a pas profité de cette réédition pour nous intéresser davantage à sa musique. D’autant qu’il n’y a que très peu de chant, et dont on n’a aucun accès aux textes, ce qui accentue davantage l’opacité manifeste qui émane de cette sortie. Le stoner doom metal n’apporte rien de très nouveau puisque c’est un genre excellent mais qui souffre du manque d’originalité avec les années, et qui n’amène au final rien d’extraordinaire sur l’idée de faire un concept. Voilà ! Il n’y a donc, vous l’aurez saisi, pas grande matière pour analyser l’ensemble. On a une compilation qui musicalement parlant est très bonne, qui n’a pas besoin de se défendre selon moi tant elle est extra. Mais qui souffre malheureusement d’un terrible manque d’éclairage sur le concept et sur ce que le groupe veut apporter à l’auditeur. On ne peut pas se contenter idiotement de « faire de la musique », c’est impossible. On a forcément envie de parler de quelque chose, de mettre en lumière avec des notes quelque chose. Atolah, je l’espère, va sortir un jour un premier album, j’attends donc d’eux qu’ils se décident enfin à défendre loyalement leurs couleurs, plutôt que de donner le sentiment de se cacher derrière cette réédition comme un gilet pare-balles trop fin. C’est une très bonne compilation, mais cela manque terriblement de matière secondaire. Dommage.
Je vais revenir brièvement sur le chant parce qu’il n’y a pas de quoi épiloguer encore. Il est présent uniquement sur les trois dernières pistes de « Post, Cross and Yoke« , et il faut savoir que ces trois fameuses pistes étaient instrumentales en 2012. Honnêtement, je ne vois pas tellement ce que le chant amène. Il est pas mal ! Techniquement parlant, il est plutôt posé, ce qui contraste avec la musique pleine de vie de la compilation. Le chant clair ferait bon office dans un registre plus rock psychédélique pour le coup. Mais admettons ! Je trouve qu’il est bien, trop sporadique pour être sincèrement utile et je préfère vous le dire : je suis plus en phase avec les compositions instrumentales que les chantées. Voilà, je n’irai pas plus loin sur ce cas précis.
Conclusion de tout cela, il serait aisé de dire que ce « Post, Cross and Yoke » qui s’est transformé en l’espace de neuf années d’un EP trois titres en une compilation huit titres, tire des ficelles intéressantes. Mais l’avenir d’Atolah, formation australienne fondée par un français, n’est pas des plus certains donc difficile de se projeter. En tout cas, cette réédition-transformation permet de mettre en lumière une compilation de stoner doom metal franchement intéressante sur bien des points de vue. La composition est bonne, le son un peu garage est pas mal, en tout cas donne une coloration old school à un genre musical déjà bien ancré sur ses racines, le tout demeure ainsi cohérent et coercitif. La démarche initialement instrumentale m’a beaucoup plu, bien moins avec le peu de lignes de chant qu’Atolah nous a proposées et qui s’avèrent selon moi inutiles. Je dirais donc que si le groupe se servait de cette compilation pour aller de l’avant enfin, et proposer de la nouveauté et mieux encore du concret avec un premier album, je dis qu’il faut garder dans un coin de sa tête ce groupe prometteur et franchement talentueux qu’est Atolah. Mais comme on ne peut pas être sûr de la suite, et l’avenir compte pour se donner une idée du présent, on ne peut qu’être indécis. J’attends donc la suite, s’il y en a une. Mais la compilation est plutôt cool ! A écouter.
Tracklist :
1. Dead Leg
2. Relics
3. Down It Or Leave It
4. Weedy Gonzales
5. El Duce
6. Post, Cross and Yoke
7. Mood Brewer
8. Focke-Wulf
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