Line-up sur cet Album
Magister L. : tous les instruments, chant
Style:
Black MetalDate de sortie:
27 novembre 2023Label:
Autoproduction (digital)/Remparts Productions (CD)Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
“C’est une malédiction pour les épis de ne pas être moissonnés, et ce serait une malédiction pour les hommes de ne pas mourir.” Epictète
Récemment, notre bien aimé, vénéré et idolâtré chef suprême Chris Metalfreak nous vantait les mérites de la scène sud-américaine. Curieusement, alors que je suis épris de découvertes, et que ma curiosité est l’incarnation logique de ce qui pourrait être un vilain défaut, je n’ai jamais véritablement creusé l’idée. Après, j’ai quelques connaissances de groupes bien reconnus, quand-même ! Mais cela se limite au bas mot à Sepultura, Shaman (avec feu Andre Matos, une des plus belles voix que je connaisse) et spontanément, comme cela, c’est à peu près tout. C’est vous dire ma totale méconnaissance criarde de la scène sud-américaine. Ce sentiment de honte est d’autant plus renforcé par le fait que j’ai découvert via Metal Archives, que rien que le Brésil compte plus de 8000 groupes à son actif ! Je n’ose regarder les autres pays, même s’il me semble, de prime abord, que le Brésil est un formidable pourvoyeur de groupes en tous genres. Voilà donc pour résumer mon état d’esprit du jour, et la raison pour laquelle je suis un peu en peine. Il est vrai que Chris Metalfreak ne manque pas de dithyrambes quand il s’agit de vanter les mérites et talents des groupes de ce continent. Et le pire est qu’il trouve des formations dans des pays, que nous oserions appeler « peu conventionnels » dans l’exercice du metal ! Des pays comme l’Argentine, la Colombie, le Venézuela, etc. Je suis franchement épaté parce que je me rends compte, même si quelque part je le savais déjà, que le metal est un style totalement mondial, et que même des pays que l’on ne soupçonnerait pas, produisent un petit vivier, sans être pour autant modeste, de groupes intéressants. J’ajouterai même dans des styles que l’on serait à des années-lumière de s’imaginer possibles dans le cas de cette région du monde tropicale, chaude et humide, plutôt connue pour son banditisme et son côté exotique que les habituelles forêts de conifères et autres confréries des visages peinturlurés qui font les crabes pour l’objectif. Eh bien, mesdames et messieurs, ne vous en déplaise, cela existe ! Et je profite de cette nouvelle chronique pour inaugurer ce qui ressemble bel et bien à un nouveau partenariat pour moi avec un label. Label important, discret toutefois, underground au possible, mais qui a un choix de groupes pour son roster qui ne laisse pas indifférent, notamment les fanatiques du black metal « maison », ou des sorties plus personnelles. Un label qui est de surcroit français, et dont la reprise de partenariat soufflée par notre ancien et regretté camarade Seblack me semblait comme une évidence, tant ce dernier mérite que l’on s’y intéresse davantage. C’est pourquoi ce jour, je fais d’une chronique deux coups : la découverte d’un groupe sud-américain avec Atrium, et la sortie de son deuxième album nommé « Spectral Oneiric Lands » chez un label qui va, je l’espère, me prêter toute satisfaction à l’avenir : Remparts Productions ! C’est parti !
En fait, pour nuancer un tout petit peu les choses, Remparts Productions a récupéré « Spectral Oneiric Lands » qui était sorti initialement en juin 2023 sous forme digitale pour produire des exemplaires physiques CD en novembre de la même année pour une édition limitée. Je savais que la gérante de ce label fonctionnait au coup de foudre artistique (nous lui devons notamment le dernier album de Bovary que j’ai réalisé en chronique), mais j’ignorais en revanche que sa soif de découverte la conduirait jusqu’à un pays aussi exotique que… la Colombie ! Eh oui ! Atrium est un projet colombien, issu de la ville de Copacabana (ne pas confondre avec la ville brésilienne balnéaire bien connue des touristes !) et qui a jeté ses premières bases en 2019. Projet musical porté par une seule et même personne depuis le départ, soit un certain Magister L., connu dans d’autres formations avec d’autres pseudonymes comme Necrolord Darkcrow Daemon, Lvx Occvlta ou tout simplement son identité propre : William Yepes Alarcón. Artiste prolifique, cumulant donc cinq projets différents, quasiment tous en solo, Atrium en est en comptant cette sortie qui vaut une chronique, à deux albums. Rien de plus, rien de moins ! Pas de fioritures ni de goodies, juste deux albums posés là comme deux manifestes satiriques, comme un coup de poing ravageur dans le cercle intime des groupes undergrounds très personnels, qui se moquent des qu’en-dira-t-on ! Et c’est tout ce qu’on aime quand on est féru comme moi de projets personnels et intimistes. On fonce !
PS : quand je parlais d’absence de goodies, je me suis trompé. Le label propose l’album en vente dans une magnifique sacoche en cuir. A découvrir sur le Bigcartel de Remparts Productions.
Ce qui m’a frappé d’entrée, en lien avec cette étonnante destination colombienne, c’est le caractère identairement nordique de la pochette. A la rigueur, on pourrait dire médiévale, mais un médiéval très européen quand-même. A moins qu’en Colombie, il y ait des châteaux de cet acabit… C’est possible ! En tout cas, si je n’étais pas chroniqueur, je croirais sans difficulté que cette pochette provient d’un groupe scandinave, ou germanique. Avec cette superbe bâtisse en arrière-plan, sur un sol qui paraît enneigé, ou tout simplement un terrain asséché, je repense à mes nombreuses sorties urbex, moi qui suis un passionné de cette pratique, ce genre de bâtiment m’aurait ostensiblement attiré ! Après, sur le décorum en lui-même, au-delà de l’aspect esthétique indiscutablement réussi (la photographie est sublime y compris dans sa retouche un peu effet sépia), je suis plus hésitant sur l’idée identitaire d’Atrium, et de son album « Spectral Oneiric Lands ». Mon scepticisme est à prendre avec des pincettes puisqu’il s’agit surtout d’une simple interrogation, mais quand-même ! Je me demande, hormis le caractère nostalgique ou honorifique de la sortie de cet album, et de la musique en général, si cela ne dénature pas un peu les origines sud-américaines d’Atrium. En ce qui me concerne, j’aurais vu d’un meilleur oeil l’idée de reprendre les origines colombiennes pour mettre en avant des légendes, des contes, ou peut-être une imagerie tout simplement plus « sudiste », plutôt que de copier les sempiternels codes de la musique idoine et de casser un peu le côté « découverte » que peut amener un projet aussi exotique. D’autant que la même démarche a été accomplie pour l’album précédent… Mais si l’on reste strictement sur l’image, l’artwork est superbe, ce qui est tout de même un sérieux atout pour la suite ! Et évidemment, pleinement raccord avec la musique, ce qui est un excellent point.
https://www.youtube.com/watch?v=Ad-FGn8vesA
En revanche, la musique ne souffre d’aucune contestation possible sur, dans un premier temps, le style, et dans un second temps, la qualité. Comme je le révélais à demi-mot dans mes premières analyses, en parlant notamment de forêts, de scandinaves, nous avons donc bien un album de black metal dans nos esgourdes ébahies. Sur des bases relativement convenues, avec une musique qui apporte une profonde touche de noirceur et de démonisme, avec un accent mis également selon moi sur les états d’âme de son auteur, interrogeant l’auditeur sur la place qui lui est accordé dans ce monde réel, préférant peut-être l’onirisme et les légendes, mythes et croyances au détriment de la réalité, « Spectral Oneiric Lands » démontre plus une froideur personnelle qu’une réelle atmosphère. En fait, le nom de l’album me ramène plus à quelque chose de l’ordre des rêves, des cauchemars même, voire des apparitions nocturnes. Tandis que la musique black metal me paraissait finalement plus commune, reprenant les codes qui ont fait les joies du black metal des années reculées, si j’ose dire. C’est donc très curieux, cette approche conceptuelle basée apparemment sur la terreur qui se retrouve enrobée d’une musique plus démoniaque et torturée. Une musique black metal finalement assez commune, ni trop construite ni pas assez, allant sur des rythmiques carrées, mid-tempo évidemment parfois mais aussi plus linéaires encore, les riffs s’enchainant de manière très fluide sans cassure rythmique particulière. Il va de soi qu’Atrium s’essaye de temps en temps à quelques ralentissements rythmiques ou quelques accélérations soudaines, mais l’ensemble demeure presque assez minimaliste, je dirais. Ce qui n’endort en rien l’auditeur ! J’affirmerais que la musique hypnotise, entraine l’auditeur que je suis dans un marasme psychique et paranormal. Je n’ai finalement, d’un point de vue purement technique, pas grand-chose à redire sur la composition puisque, le black metal me semblant minimaliste, la musique se suffit à elle-même dans les explications et descriptions que l’on pourrait lui trouver. Nous pouvons d’ores et déjà dire que ce « Spectral Oneiric Lands » est un album de black metal « agréable » à l’écoute. Son unique tête pensante ne cherche pas spécialement à faire dans la sophistication, le but de la musique selon moi ici est d’entrainer l’auditeur dans la noirceur la plus profonde et phagocytante possible, d’où l’intérêt de faire une musique fluide, linéaire et jouant plus sur les ambiances riffiques, les disonnances aux guitares qu’aller sur une destructuration chaotique sur le plan rythmique et ainsi, noyer le poisson si j’ose dire. Non. Atrium est là pour planter un décor net et précis, et si possible, de nous attirer invariablement vers lui pour nous plonger dans un gouffre de désolation. Un album intéressant donc !
S’il y avait un élément en particulier sur lequel j’aimerais revenir, même brièvement, c’est la production. Parce que récemment, j’ai participé à un débat intéressant sur l’importance de la production, sur le maintien ou non de l’étiquettage du black metal pour la musique d’un groupe, peu importe lequel par ailleurs. Beaucoup considèrent que le black metal doit maintenir un son crade, le plus bâclé possible, tandis que d’autres pensent qu’une production extrêmement nettoyée et carrée peut sans problème se situer sur l’échiquier black metal, et ce malgré l’histoire de cette musique dans les tréfonds de l’underground. Dans le cas d’Atrium, il est difficile de situer sur quel versant se trouverait la production de l’album « Spectral Oneiric Lands », et c’est tant mieux ! Je n’irais pas jusqu’à affirmer que le son de l’album pourrait être le chainon manquant entre la sphère old school et la sphère moderne, mais disons qu’au moins il y a un effort de fait pour que le son ne soit pas facilement situable. Je trouve en tout cas que le son a un côté plus « enrobé », un poil plus épais que ce qui se fait en général dans ce registre, et qui amène une touche plus noire encore, plus dérangeante. Concernant les riffs, on retrouve néanmoins l’aspect très incisif caractéristique du style, avec une guitare en disonnance qui passe très bien, une basse un peu plus présente qu’habituellement, et le seul regret intervenant sur cette batterie qui me paraît programmée, un peu trop robotique en tout cas pour que je m’en rende compte. Mais cela reste d’une franche belle qualité ! Je ne suis pas surpris, connaissant l’exigence du label, mais c’est bien de le souligner. Et si l’épaisseur est un peu plus présente, que l’on me jette la première pierre si Atrium ne fait pas dans le black metal ! Qu’on se le dise !
S’agissant du concept, je pense que comme je l’expliquais plus haut, il n’y a finalement pas grand-chose de très recherché, ce qui est loin d’être un problème ici. J’aurais effectivement préféré un truc plus culturel, en lien direct avec ce pays qu’est la Colombie. Le groupe Tzompantli, qui propose un death doom metal old school, très américain sur les bords, a quand-même mis des éléments de culture mexicaine dans sa musique, en particulier dans son concept général. Atrium avait largement les moyens de faire autre chose que de copier des concepts visuels déjà existants, ou d’aller sur du personnel dans les textes et noms de morceaux mais en évitant les clichés perpétuels. J’avais une discussion sur ce que je voulais proposer dans un de mes projets musicaux, et l’importance de parler de choses très intimes tout en allant sur une sphère métaphorique pour éviter de faire la même chose que les autres… Mais bon. Je reste toutefois convaincu que si l’on met de côté le concept, que l’on a un très bon album de black metal. Bluffant car issu d’un pays qu’on ne soupçonnerait spontanément pas et qui finalement, offre un vivier plus qu’intéressant ! « Spectral Oneiric Lands » demeure donc un album qu’il convient de découvrir et qui est très très qualitatif. Ce n’est pas non plus le meilleur que j’ai écouté l’an dernier ou cette année, mais il est vraiment bon.
Et parmi les nombreuses qualités de ce « Spectral Oneiric Lands », on retrouve le chant qui est à mon sens la partie la plus bluffante de cet album. Parce que je le trouve, dans ce mixage qui ne laisse pas indifférent, à une place prépondérante dans son côté lointain et son approche très torturée. La technique vocale est très très bonne, et le son qui permet de le placer lui confère donc une dimension tortueuse et glaçante qui m’a scotché. Franchement ! La vitesse des paroles est suffisamment lente et progressive pour que l’on profite dignement de la belle technique et des cris en high scream bien exécutés. Je n’ai rien de plus à ajouter, c’est du très très bon !
Pour terminer cette chronique, nous avons évoqué Atrium et son deuxième album nommé « Spectral Oneiric Lands ». Album qui fait suite à un premier méfait appelé « Ancient Spells », qui est lui aussi révélateur de la doctrine dominante de l’art musical du projet solo colombien. Soit la reprise d’une majorité de codes qui ont fait la gloire du black metal dans les années, non pas 90 comme l’on serait dans un réflexe de Pavlov tenté de le croire, mais plus les années 2000. Avec un black metal déjà plus ou moins « modernisé » mais pas trop non plus. La production parle pour elle-même en tout cas, et je trouve qu’il y a une vraie intelligence dans la composition de cet album qui ne laisse aucunement indifférent. Atrium mérite toute notre attention, même si je dois admettre avoir été un peu déçu de voir que le musicien derrière le projet va sur des sentiers déjà trop battus. Un peu plus d’originalité dans le concept aurait été franchement appréciable, pour ne pas stagner sur un constat de « bon album » tout simple. A voir la suite !
Tracklist :
1. A Dungeon in the Tower : 07:25
2. Spectral Oneiric Lands : 09:20
3. A Reign Under the Spell of the Night : 07:14
4. Into the Abyss of Nightmare : 02:03
5. Apollo’s Deception : 11:04
6. Spellcut : 08:29
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