Line-up sur cet Album
Nico - Tout
Style:
Dark MetalDate de sortie:
1er décembre 2022Label:
AutoproductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“En science comme ailleurs, l’inertie intellectuelle, la mode, le poids des institutions et l’autoritarisme sont toujours à craindre.” Hubert Reeves
Il n’y a pas longtemps, j’ai été personnellement confronté au cas de figure du groupe qui se voit fermer des portes chez les labels parce qu’il ne propose pas de perspective de concert. Alors, j’avoue avoir eu beaucoup de mal à comprendre cet argumentaire que je trouvais de prime abord fallacieux, puisqu’à mon sens les contre-exemples existent comme Abduction ou Angellore, et que ces formations, parmi tant d’autres évidemment, n’ont jamais eu besoin de faire des concerts pour vendre leurs marchandises. J’avoue que si le manque de visibilité qu’offre la scène peut éventuellement être un frein, il n’en demeure pas moins que si le groupe voit sa musique appréciée (cela va de soi) et s’il fait le minimum syndical en matière de communication, je ne vois pas en quoi c’est un problème pour les labels. Alors, on m’a sorti que les groupes se reposaient trop sur les lauriers et laissaient faire tout le boulot de communication aux labels. Certes ! Mais est-ce pour autant une excuse recevable ? A ce titre, autant ne pas donner de chance aux groupes émergents, voire plus underground. Cette fonctionnalité financière qui grangrène de plus en plus le système musical, j’ai du mal à m’en accommoder. J’avoue que de voir sans arrêt les mêmes affiches de festivals, de concerts, et ce parfois deux ou trois fois dans l’année, alors que l’on pourrait, avec tout le vivier incroyablement talentueux que l’on a en France, varier les plaisirs et donner une toute petite chance aux groupes plus discrets, cela m’horripile. On se demande par ailleurs pourquoi les gens ne viennent plus en concert ? Ne cherchez plus les ami(e)s, vous avez une probable théorie qui peut corroborer ce constat. Je suis convaincu qu’il s’agit de cela, c’est en ce qui me concerne l’argument numéro un qui me fait bouder les gros évènements, hormis le temps personnel. Mais voilà ! Ce que je voulais faire passer comme message c’est que lorsque l’on a un projet relativement singulier et que l’on essaye de faire son trou, il serait bon que l’on nous donne une chance et que l’on renouvelle le cheptel de groupes qui se produisent en festival. Je ne parlerai pas des groupes qui se produisent gratuitement et qui tuent le jeu en se prostituant ainsi… Bref ! Ce soir, c’était l’occasion de parler de ce sujet qui me tenait à coeur et qui a fait l’objet d’une réelle introspection personnelle dans mes différents projets. Et en tant que chroniqueur, je pense que cela nous concerne. Nous avons un rôle, que nous remplissons franchement bien chez Soil Chronicles, c’est de justement mettre en lumière le temps éphémère d’une chronique, d’une interview ou d’un report de concerts, les groupes émergents ou les projets qui tentent de se mettre en avant. C’est le cas d’Inerte, dont l’EP S/C… est sorti en 2022, mais dont l’exemplaire physique m’a été confié dans ce but.
Inerte n’est pas un projet inactif comme son nom l’indiquerait (Oh ! Qu’il est drôle ce mec !), mais surtout un one-man band français, issu de Lille dans le Nord ! Non, je ne ferai pas de blague débile sur les habitants du Nord… Peu d’informations circulent toutefois sur le projet solo, si ce n’est que son créateur s’appelle Nico et que S/C… demeure à ce jour sa seule et unique sortie. Un EP qui m’aura finalement permis de répondre à une de mes nombreuses interrogations : quelle est la frontière en nombre de morceaux pour définir s’il s’agit d’un EP ou d’un album ? Eh bien, grâce à Inerte, j’ai un élément de réponse. Cinq pistes étant pour moi la limite. Sorti en autoproduction, ce premier EP sonne donc comme une belle entrée en matière pour notre ami Nico qui nous fera donc découvrir, avec tout l’honneur qu’il mérite, son univers musical et sa vision de la vie. On y va ?
J’ai donc eu l’insigne honneur de recevoir un exemplaire physique, ce qui bien évidemment, en bon collectionneur que je suis, me ravit beaucoup, mais je sais que le patron va être envieux comme pas possible (NdMetalfreak : même pas je vois de quoi tu parles… n’importe quoi, vraiment !!! En punition : confiscation de l’objet), alors je jubile un peu ! Ce qui ne m’empêche pas montrer un peu de doute concernant la qualité de la pochette. Le design semble plutôt réussi, on croirait une sorte de crâne humain au fond de l’eau, avec ce qui ressemble à un casque ou quelque chose du genre. Un graphisme un peu difficile à jauger, mais que je trouve en tout cas très joli et original. En tout cas, j’aime les dessins qui prêtent à confusion et ce crâne humain, ou ce visage, m’a laissé perplexe sur la précision de ce dont il s’agit. On croirait une bouche bâillonnée, enfin… C’est difficile à cerner mais c’est original, et j’apprécie beaucoup cet effort de fait pour proposer un artwork de cet acabit. Toutefois, on ne le voit clairement pas assez. Si je fais un comparatif entre l’image qui servira pour le postage sur le site, issue de Metal Archives, et le format digipack sous mes yeux, il y a nettement une différence de contraste qui fait que, sur le CD en lui-même, on ne voit quasiment rien. C’est trop sombre… Dommage parce que si l’on est forcé de plisser les yeux pour voir correctement un artwork, c’est que quelque chose est raté. L’usine de pressage a manifestement mal travaillé et c’est regrettable quand on connait le prix du pressage… Eh oui ! C’est la magie de la sous-traitance, en Pologne par exemple ! Même le nom des pistes derrière est très peu visible. Bon… C’est dommage, l’artiste n’y est pour rien, et je peux comprendre qu’il n’ait pas eu envie de refaire partir les CDs au pressage. Mais cela casse pas mal la qualité visuelle de ce premier EP. A corriger la prochaine fois, impérativement.
En revanche, rien n’ébranle la qualité musicale de ce premier EP nommé S/C… ! Il n’y a de toute évidence aucun doute possible sur l’identité propre de ce projet qui officie, sans trop de suspense, dans un registre black metal. Mais dans un style que j’ai moins l’habitude d’aborder, avec énormément de dissonances dans les riffs, avec un jeu de guitares où on a l’impression que chaque ligne est un potentiel lead, plus qu’un élément rythmique. On retrouve néanmoins le son très nasillard inhérent à ce genre musical, des accords caractéristiques, et une production sur laquelle je reviendrai mais qui ne laisse pas franchement de place à l’expérimentation. En revanche, ce qui est très différent de ce qui se fait d’une manière globale en black metal demeure, comme je le disais en amont, sur le jeu des guitares. Un jeu extrêmement varié, autant sur le plan mélodique que sur le plan riffique, avec finalement très peu de mid tempo, très peu d’accélérations en double pédale, et surtout le sentiment que les lignes de guitares sont toutes les deux de potentielles lignes lead. L’autre particularité franchement originale demeure dans ce qui est proposé d’un point de vue mélodique. Autant on retrouve quelques passages idoines au style, autant on se retrouve avec des mélodies presque… Lumineuses. Je ne sais pas comment dire autrement, mais certains riffs contrastent considérablement avec les autres instruments comme le chant qui demeure la seule ligne de conduite réellement macabre de l’EP. Vous avez en effet ce que j’aurais presque envie d’appeler des riffs « joyeux », ce qui est rarissime mais qui apporte une coloration radicalement différente et d’une grande originalité ! Enfin… Si on n’est pas puriste. Parce que l’un des premiers constats que je peux faire en première écoute de ce S/C… est qu’il ne conviendra aucunement aux puristes. D’abord par la production, résolument moderne, à la limite du death metal par moment. Ensuite par cette jonglerie mélodique et riffique incessante qui casse le côté maladivement linéaire du black metal et offre une nouvelle approche. Enfin dans le chant en lui-même qui ne se limite pas au high scream, mais explore diverses techniques. En fin de compte, une fois la première écoute passée, on se dit qu’Inerte s’amuse. Il s’amuse à manifestement bouleverser les codes en allant proposer différents styles de musiques (j’ai bien dit musiques) à la sauce black metal sonoriquement parlant. On retrouve en effet des sonorités rock’n’roll, thrash metal, doom metal, etc. Un vrai melting pot musical qui se voit simplement rassembler autour des sonorités black metal. C’est donc un ouvrage très bluffant que nous avons ici ! Un premier EP qui casse pas mal de codes et d’acquis, et qui a eu l’audace de le faire, c’est surtout cela qu’il faut retenir dans ce paragraphe. Et c’est un élément prépondérant pour qualifier S/C… d’oeuvre remarquable. Vraiment.
Le dénominateur commun à cet ouvrage complètement dingue demeure selon moi la production. Comme je l’expliquais auparavant, Nico s’amuse à mélanger différents types de riffs ce qui en soi est excellent mais demandait en amont que l’on trouve tout de même un point de rassemblement, histoire de ne pas trop se disperser dans des méandres insondables. Ce qu’Inerte a réussi à faire avec brio, en choisissant donc de se parer d’un son typiquement dissonant à la sauce black metal. Un son nasillard, froid et incisif qui pourrait par ailleurs contraster avec l’aspect mélodique de sa musique, surtout si l’on part sur l’hypothèse que chaque partie guitare est une partie lead, sans réelle apport rythmique autre que la batterie (la basse étant elle-même plus mélodique que la moyenne), mais qui s’avère être un choix plus que payant. Ce qui est absolument bluffant dans ce son précis, relève de l’harmonie dont se dote chaque piste, chaque recherche mélodique. On croirait que l’ensemble instrumental se repère non pas via la recherche mélodique, mais via la production. Comme si Nico voulait d’abord et avant tout faire sonner proprement sa musique au détriment de la composition. Ce n’est probablement pas le cas mais dans ma « carrière » de chroniqueur, c’est la première fois qu’un ouvrage musical me renvoie cette impression. Que le compositeur a surtout voulu que toutes ses parties riffiques coïncident parfaitement entre elles non pas par le biais de la composition, mais grâce aux sonorités communes. Le résultat dépasse ainsi toutes mes espérances, si encore une fois l’hypothèse se vérifie. On sent par ailleurs que notre ami a porté un soin tout particulier à sa production qui, je le rappelle pour les plus pessimistes d’entre vous, est en autoproduction. Mention spéciale donc à la production qui est l’un des deux gros atouts de ce premier EP avec la composition ! Chaque instrument a sa place propre, tout est parfaitement audible. Bref ! Quand vous avez le cocktail composition / production qui fonctionne, tout fonctionne ! Il ne manque plus que le talent, et vous allez constater par la suite que de talent, notre multi-instrumentiste n’en manque pas du tout. Un travail remarquable, franchement !
En fin de compte, je dirais qu’Inerte souffre d’une maladie de plus en plus répandue dans notre milieu musical, et qui est friande des projets très personnels comme celui-ci : l’aveuglement. Quand on est musicien, on sait que l’on recherche dans un premier temps à se satisfaire soi-même, ce qui en vérité n’arrive jamais. Et ce que le public peut en penser, à la rigueur on s’en fiche un peu. Mais on apprécie tout de même de savoir qu’à travers les messages que l’on veut faire passer, on parvient à intéresser, voire fédérer d’autres personnes. Or, un projet comme Inerte, qui est incontestablement un projet talentueux et inspiré, qui démontre une sorte de grande introspection et de maturité, est passablement passé sous les radars. Je le vois sur le nombre de vues sur les réseaux sociaux et d’écoute. La faute au fait que le public ne s’intéresse peu ou pas aux projets ultra intimistes, qui en plus comme S/C… s’amuse à l’hybridation à outrance en alliant des styles à des sonorités totalement hors de propos. Et pourtant ! Les Dieux savent que ce genre de projets, on en a besoin ! Pour justement expérimenter, repousser les limites du possible, nous rappeler que la musique est probablement l’une des possibles allégories de l’infiniment possible. Voilà. Je pense que le concept en lui-même de ce premier EP est beaucoup trop intime pour que je puisse en discerner les moindres contours, aussi ce paragraphe était l’occasion de parler de ressenti, plus que d’analyse. Un projet comme Inerte, qui bouleverse les codes, on ne peut pas le laisser décemment dans l’ombre. On se doit, nous chroniqueurs, de le mettre un peu en lumière ! Parce qu’il en va de la survie de la scène, et il en va surtout de l’intérêt commun pour le metal. C’est un EP qui, vous l’aurez compris, m’a touché. Je l’ai adoré, j’ai énormément adoré ce côté « black’n’roll », dark metal, ou tout simplement black metal, comme on veut. Et j’espère qu’Inerte ne va pas se décourager et va persévérer, parce que je serai là pour le soutenir. Incroyable.
L’expérimentation ne s’arrête par ailleurs pas à l’unique sphère instrumentale. Inerte s’amuse tout autant à distiller différentes techniques de chant, voire de la narration, voire encore de courts passages en chant clair. Quand on vous dit que Nico prend des risques considérables, ce n’est pas pour faire semblant ! Et là encore, le talent réside dans le fait que les techniques de chant sont bien maîtrisées. On parlait récemment avec une ancienne chroniqueuse de chez nous de ce qui était mieux entre maitriser une seule technique, ou plusieurs. Le cas présent démontre que j’avais raison : on peut maîtriser plusieurs techniques de chant sans que cela ne trahisse de latence. J’aime beaucoup en plus de cela que l’on utilise du chant estampillé death metal sur du black metal. Je suis un fervent défenseur de cette pratique puisque je l’utilise moi-même dans un de mes projets, sans que cela ne dénature quoique ce soit. Inerte me donne raison donc, pour mon plus grand bonheur, je le savais multi-instrumentiste de talent, je le découvre finalement chanteur de très bon augure ! Excellent.
Pour conclure cette chronique, je suis très fier de vous présenter, avec du retard il est vrai sur les années écoulées, le premier EP d’Inerte, nommé S/C… Mais que voulez-vous ! Les meilleures opportunités se présentent souvent de manière fortuite. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il aurait été véritablement dommage de passer outre cet EP tant il est pétri de talent et de promesses ! Pour décrire la musique, je me sus risqué à parler de black metal mais il est logique de constater que c’est bien plus complexe. J’oscillerais pour ma part vers du black’n’roll, mais son auteur Nico préfère le terme dark metal, d’où l’appellation ici. En revanche, la richesse composale et sonore qui s’aventure sur des hybridations totalement bluffantes, allant sur des riffs très sombres en saturé ou clean, ou sur des notes plus lumineuses, offre donc un premier EP de très très grande classe ! Il n’y a, hormis ce défaut de pressage, rien à jeter du tout ! S/C… mérite totalement que l’on y prête une oreille attentive, il est très rare en effet d’avoir un projet solo aussi riche et aussi expérimental sans que l’ensemble musical ne soit indigeste. Son seul défaut ? Il est trop court… C’est bluffant !
Tracklist :
1. L’icône sale 03:04
2. Ruines 05:12
3. Seccare 04:36
4. Béance grise 04:47
5. Gras 06:10
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