Line-up sur cet Album
Mories : Claviers, Programmations, Production
Style:
Dungeon SynthDate de sortie:
23 octobre 2020Label:
Roadburn ProductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« La musique, la plus belle religion du monde où on ne menace ni ne promet. » Minou Drouet
Une citation qui date de 1956 lorsqu’une poétesse sort son premier livre appelé Arbre, Mon Ami, et qui donnait déjà le ton sur ce que l’on vit de nos jours. Et vous savez quoi? Pour l’anecdote, elle avait sorti son livre à… Neuf ans! Incroyable maturité (encore que l’attestation de l’œuvre a été sujette à débat) pour une gamine de son âge et qui fait tellement écho à ce que l’on vit de nos jours. Ces religions qui nous bourrent le mou sans cesse, qui font l’actualité, j’en ai tellement marre d’en entendre à ce point parler. Pour moi, il y a des religions potentielles bien meilleures, ailleurs. Et la musique ne fait pas défaut à cela! On peut critiquer la fabuleuse appellation de « la famille du metal », surtout vu la réminiscence qui abonde sur Facebook ces temps-ci, mais je n’ai jamais connu une telle communion – le mot est bien choisi – que dans le milieu musical. J’ai l’impression parfois que cette musique a quelque chose de magique tant vous pouvez vous engueuler avec n’importe qui, dès lors qu’il est metalleux, la dispute apparaît moins violente. Je tricote surement un peu hein, mais je suis vraiment de cet avis et j’aime cette communauté rien que pour cette camaraderie, limite un peu gauche ou gamine parfois, immature même! Mais elle me fait du bien. J’ai vraiment trouvé un équilibre personnel depuis que j’ai commencé ma relation artistique avec la musique, et plus particulièrement le metal qui représente environ 80% de ce que j’écoute au quotidien. Pourquoi je me lance dans cette diatribe inutile et avec pléthore de détails insignifiants? D’une parce qu’un petit hommage cela ne mange pas de pain, et de deux parce qu’il y a un style de musique que j’écoute encore plus abondamment que le metal, lié par je-ne-sais quel fil conducteur avec le rock / metal, et que le groupe Vetus Supulcrum souhaite nous (re)présenter aujourd’hui!
Vetus Supulcrum (Vieille Tombe en latin) est en fait l’un des innombrables projets d’un certain Maurice de Jong, nom civil du musicien Mories. Né en 1973 à Paramaribo au Surinam, de nationalité hollandaise, Mories mène tout seul son navire musical nommé Vetus Supulcrum depuis 2019 seulement. Mais là n’est pas l’originalité du personnage : Vetus Supulcrum est en fait son projet musical le plus récent. J’ai compté pas moins de vingt-cinq groupes ou one man band encore actifs! Vingt-cinq!!! Artiste hyper prolifique, qui en plus de cela a connu neuf projets avortés depuis, a été guest pour dix projets dont le track 10 de l’album Passion d’Anaal Nathrakh, sans compter le nombre incroyable d’artworks et de productions d’albums. Bref, ce n’est pas un musicien que j’ai en face de moi, c’est Gargantua. Ni plus ni moins. Vu son âge, je m’attends en plus à un album qui respire la création et l’expérience et Windswept Canyons of Thule est non pas le premier album – ce serait trop facile en une année à peine d’existence – mais le septième! Définitivement, ce type est un boulimique, un monstre créatif comme j’en ai rarement découvert.
Bon alors, après cette faramineuse découverte, je m’attends à un artiste polymorphe et productif, et l’artwork est évidemment une expression artistique que j’attendais de découvrir avec impatience. Et je vais tuer le suspense immédiatement : je n’ai pas été déçu. Il est sublime! Avec ce contour un peu victorien, ce ton sépia et et ce tableau magnifique avec les collines forestières, ce torrent surplombé par un château perché, le tout surveillé par une créature qui me fait penser à une gargouille de loin. Plus subrepticement, je pense que l’auteur aborde la légende bien connue de l’île Thulé, qui alimente les fantasmes et qui n’a à ce jour jamais été identifiée réellement. Oscillant entre l’Islande, les Îles Féroé, le Groenland voir justement une île imaginaire ou jamais explorée au Nord de la Terre, il est fort probable que Mories ait voulu faire sa propre représentation. On retrouve effectivement un reportage de montagnes, j’y vois aussi une sorte de tracé insulaire. Ce n’est qu’une hypothèse évidemment! Mais en tout cas, la pochette est de toute beauté et cela marque un premier point très positif dans ce qui me semble être un artiste hors du commun. Je trouve néanmoins que ce genre de pochette se fait de plus en plus présent, surtout dans le cercle black metal, j’ai vu des similitudes avec notamment le groupe Sunken. Mais cela n’enlève en rien qu’il y a sincèrement de la créativité à outrance!
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Et la musique ne me fera décidément pas mentir! Et je dois vous mettre dans la confidence : c’est notre Suzerain, notre Constellation et notre Grand Prédicateur Chris Metalfreak qui m’a recommandé de faire la chronique de l’album. Il me connaît bien, le bougre! Parce que je suis un grand féru assumé de Dungeon Synth. J’adore tellement cette musique qu’elle est presque à égalité avec mes connaissances en metal, et je n’ai pas arrêté de faire de nouvelles découvertes ces derniers temps. Les premières notes de l’album retentissant, j’ai tout de suite reconnu cette musique typiquement novatrice mais simple à la fois, cet assemblage complexe fait par un seul instrument, tout un paradoxe à elle toute seule, tout ce que j’aime quoi. En soi, je m’aperçois qu’il y a plusieurs Dungeon Synth, parce que vous prenez l’album Ordeals de Dame Silù de Mordomoire, vous prenez Menace From Below de Octobeasts, et même Gigantic Throne de Synthosaurus (si si, ça existe), vous n’avez absolument aucun univers commun. Le Dungeon Synth est comme la schizophrénie : des symptômes exprimés différemment. Pour revenir sur Windswept Canyons of Thule, il y a une musique très épique, limite un peu aventurière, chevaleresque. C’est donc un univers particulier, ambiancé par des influences presque hero fantasy. J’aime beaucoup, ce n’est pas forcément le meilleur album de Dungeon Synth que j’ai entendu dans ma vie, mais d’ores et déjà c’en est un très bon!
Là où souvent le bât blesse, se situe dans la production des albums. Il faut bien se dire que ce n’est pas parce que les instrumentations se situent avec l’utilisation succincte d’un clavier et d’éventuels chants, que c’est une partie de plaisir! Je pense qu’un assemblage aussi complexe de samples, avec des banques sons gigantesques, ne peut qu’aboutir vers un gros boulot à faire sur le son. Et Mories réussit haut la main ce pari mais j’ai encore envie de dire comme une évidence fataliste : vu son pedigree, est-ce réellement une surprise? Non. Absolument pas! Je trouve l’album très agréable à écouter, le son restitue cette profondeur hédoniste et palpitante, grâce à une belle harmonie entre les nappes de claviers et les mélodies qui sont épiques et qui, de fait, ont besoin d’un spectre sonore puissant. Il y a une vraie puissance dans cet album, un son qui nous envahit très vite et l’on se sent aspiré par les pérégrinations d’un personnage imaginaire, qui part explorer les « Canyons balayés par le vent de Thulé ». Un gros boulot sur le son qui a été, il me semble, fait par Mories lui-même ce qui est un avantage certain. Je pense qu’au vu de l’intelligence de l’auteur autour de ce son très vieux jeu, il va de soi que l’on tient un très bon musicien et un très bon producteur. Très gros point fort!
J’ai décelé après plusieurs écoutes, un élément que je n’avais pas perçu de suite et qui m’a sauté aux yeux, surtout sur le morceau « March of the Black Legion » : l’auteur aime la musique de péplum. J’en veux pour preuve cette sonorité old school sur les samples, cette rythmicité marquée et surtout ce côté épique ultra prenant. On dirait réellement des musiques de films en fait! Chaque morceau fonctionne comme une suite logique et l’écoute coule tellement de source que j’en viens à me demander si je n’ai pas été perdu. Vous voyez? Quand vous écoutez une bande-originale et que vous parvenez à vous souvenir de chaque passage lié aux musiques, c’est exactement ça! J’imaginais un film derrière cette musique de Vetus Supulcrum. Il y a de tout et pour tous les gouts, on retrouve des ambiances martiales, des envolées fantaisistes, des zones d’ombres intenses et puis des moments limite un peu joyeux. Mais l’écoute est d’une traite sans difficulté, et ce pour n’importe quelle personne curieuse. En ce qui me concerne, j’ai un léger reproche à faire à Mories : son album a beau varier un peu les plaisirs dans les mélodies, l’utilisation des mêmes banques son, si elle est somme toute dans une logique de cohésion, je la trouve par moment un peu trop redondante. J’aurais préféré, quitte à vraiment varier les atmosphères, que l’artiste utilise d’autres sons. Là, c’est parfois trop souvent les mêmes relents mélodiques, et ambiants. Je pense qu’au vu de l’immense créativité de Mories, il y aurait eu moyen de faire bien plus riche. Cela n’enlève toutefois pas que l’album Windswept Canyons of Thule est un bel ouvrage qui mérite sincèrement que l’on s’y attarde!
Je vais conclure ma chronique plus tôt que prévu non pas par flemme, mais parce que d’une part il n’y a pas de chant, c’est un album instrumental, et surtout parce que j’ai le sentiment d’avoir tout dit. Mories, artiste prolifique et proliférant dans la musique Dungeon Synth, nous propose un septième album de l’un de ces nombreux projets, Vetus Supulcrum, de fort belle allure. Si je devais résumer mon constat, je pense que je suis bien satisfait par cet album mais je suis un tout petit peu frustré. Je suis absolument convaincu que notre camarade hollandais avait tout ce qu’il faut pour nous sortir un énième album, et que ce Windswept Canyons of Thule remplit sa mission aux trois-quarts de ce que j’attendais de lui. La faute simplement à des compositions un peu trop répétitives, par souci de cohérence certes. Mais c’est parce que je suis intimement persuadé que Mories est largement capable de faire mieux, bien mieux même, que je reste un peu sur ma faim avec ce CD. Il faudrait, je pense, proposer quelque chose de plus riche, de plus travaillé encore et cela fera incontestablement mon futur bonheur. En tout cas, chapeau à lui pour son parcours immense et sa boulimie artistique, je lui adresse mon sincère respect et Windswept Canyons of Thule, un autre grain de sable dans son gigantesque tas de sable, reste une œuvre en plus à laquelle vous devez jeter une oreille.
Tracklist :
1. Windswept Canyons of Thule (04:10)
2. Hunted By The Wolves Of The Night (04:23)
3. March Of The Black Legion (04:23)
4. A Stange Light From Beneath (03:53)
5. Call of the Nazgul (04:44)
6. Funeral Procession (04:15)
7. Beneath The Dark Storm (04:10)
8. Lord Werewolf Howls For War (04:02)
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