Note du SoilChroniqueur (Fast Freddy) : 9/10

Le Black Metal Atmosphérique, lorsqu’il est composé avec talent, te promet un moment introspectif, puissant, et qui ne te laisse parfois pas indemne !
Autrest, qui n’est autre que le nom du projet de Matheus Vidor, a vu le jour au Brésil, terre plus propice à t’envoûter avec des rythmes endiablés, voire carnavalesques, qu’à s’emparer de ton âme pour la torturer dans tous ses recoins ! Ne connaissant pas ce groupe-projet, ma curiosité était donc éveillée au moment de chroniquer ce premier opus intitulé Follow The Cold Path et comprenant sept titres, allant de 4 minutes trente pour le plus court à 9 minutes, ce qui n’est pas excessivement long pour ce style musical ! Voyons sans plus tarder si cet album va nous permettre, en plein été, de voyager en montagne par temps hivernal, comme le suggère sa pochette !

« Dusk December », est le premier des sept titres qui ouvre cet opus… Et à vrai dire, je ne m’en suis toujours pas remis ! Quelle claque ! Quelle richesse dans la composition au moins autant que le génie qu’il faut détenir pour écrire de pareilles pépites qui vous tiennent en haleine pendant près de huit minutes ! Après quelques notes acoustiques amenant une ambiance calme, bientôt renforcées par des sonorités plus importantes qui petit à petit s’emparent du vide autour de toi, un déferlement de riffs, de blast beats et de hurlements retentit de nulle part et de partout à la fois ! Te voilà happé dans l’univers sombre et obscur si bien suggéré par Matheus !

Certes, le contraste avec, d’un côté, une partie calme et mélodieuse, et une autre, déchainée et brutale, est une des mamelles de ce style de Black Metal, mais ici, cela prend vraiment une forme sublimée qui t’immerge pleinement aux abords de cette combe avec un esprit tourmenté et agité ne te permettant plus d’être totalement maitre de tes décisions ! La furie musicale se poursuit jusqu’aux deux tiers du morceaux avant de faire place à un break complètement planant et de toute beauté ! La partie instrumentale redémarre crescendo en fond de tableau, avant qu’une voix sortie des profondeurs ne t’alpague sans que tu ne puisses en percevoir les propos, tellement subjugué que tu as été jusqu’à présent ! J’ai démarré ma randonnée depuis peu, et j’ai clairement l’impression d’être à un endroit que je n’ai jamais traversé, alors que ce terrain m’est habituellement familier !

Pas le temps de reprendre pleinement ses esprits que « Follow The Cold Path » s’annonce avec un tempo lent et lourd sur l’intro qui me donne l’impression d’errer dans la froidure hivernale au milieu d’un plateau montagneux, perdu et à la recherche de mon itinéraire sans y parvenir ! Le rythme lent, mais puissant, t’oppresse à chaque martèlement de batterie ou note de guitare, et te met sournoisement une certaine pression pour t’éviter de réfléchir sereinement et de prendre de sages décisions en pareilles circonstances !

« Watchtower » est totalement captivant, voire addictif ! Perdu et épuisé sur un chemin qui n’est pas le bon, je m’agenouille puis m’allonge dans la neige, rattrapé par la fatigue et le désespoir, avec l’impression que je ne m’en sortirai pas ! Je sens progressivement les quelques forces qui me restent quitter mon corps ,en luttant contre le froid qui m’étreint toujours un peu plus et me transperce le corps jusqu’aux os… Avec le sentiment d’une présence dans les parages qui m’observe mais qui se garde bien de me venir en aide ! J’aperçois un éperon rocheux et me dis que de là-haut, j’y verrai plus clair sur la direction à prendre. J’atteins son sommet au prix d’efforts rendus pénibles par la fatigue et le froid ambiant mais la brume environnante douche mes espoirs d’orientation. Au loin je crois discerner des voix qui me donnent le courage de me relever et d’y croire. Je poursuis ma déambulation qui m’amène jusqu’à une rivière « Time Is a River » dont le clapotis menteur m’a fait espérer une présence humaine mais qui malheureusement accroit mon désarroi. J’en profite pour boire une eau qui me glace l’œsophage et me plombe le ventre avant de suivre le cours de cette rivière qui, je l’espère, saura me faire regagner un monde moins hostile qui ne se joue pas moi comme il prend à priori un certain plaisir à le faire depuis le début de ce voyage ! Les moments où la violence musicale ressurgit au plus profond de mes souvenirs me redonnent espoir et l’envie d’y croire et de me battre alors que l’ambiance lourde et plombée me fait renoncer à poursuivre et m’incite à cesser là mon chemin en attendant une fin irrémédiablement funeste !

Au loin, j’aperçois la lueur d’un feu « Firelight » qui me réchauffe le cœur même si je ne peux savoir avec exactitude la distance qu’il me reste à parcourir pour l’atteindre ! Je réunis ce que je pense être mes dernières forces et part dans un état pitoyable dans sa direction, bien décidé à atteindre cette première marche qui me fera sortir de ce cauchemar ! Je m’accroche à la moindre racine, au moindre tronc d’arbre pour rester debout sur ce terrain piégeux et chaotique, les yeux rivés sur cette source lumineuse représentant tous mes espoirs ! Il y a donc quelqu’un ici, gageons que ce ne soit pas des forces maléfiques qui me jouent une fois encore un sale tour… Mon esprit se remet à divaguer, emporté par moults scénarii qui ne me sont pas souvent favorables ! Mais tant qu’il y a une lueur, la vie est toujours possible ! Une tempête de neige (l’accélération du rythme sur la fin du morceau) m’empêche de poursuivre ma progression et éteint progressivement le feu dont je n’aperçois plus aucune flamme au bout de quelques minutes me faisant tomber à genoux dans la poudreuse en versant le reste de larmes qu’il me reste, conscient de la situation désespérée dans laquelle je me trouve. L’idée que je ne sortirai pas vivant de cette aventure me hante de plus en plus et n’assombrit en rien un horizon déjà bien anthracite ! Le ciel s’entredéchire progressivement et laisse apparaitre un peu de clarté dans cette nuit « Pale Night » sans pour autant que l’on puisse dire que le jour se lève ! Suis-je de nouveau en train de divaguer, suis-je toujours en vie ou ai-je déjà rejoins l’au-delà ? Je suis tenté d’hurler pour me convaincre que je suis toujours sur cette terre qui a pris une dimension inquiétante depuis que j’ai entamé ce voyage mais mon état général m’en empêche. Suis-je encore vraiment là ? « The Place Where I Belong » ! Tout se bouscule dans ma tête, les images défilent, celles des bons moments que j’ai pu vivre jusqu’à présent parmi les miens… La famille, les amis… Je ne ressens plus de douleur, ni le froid, ni la faim, ni quoi que ce soit ! La sensation d’être en apesanteur et de contempler cet endroit aussi merveilleux qu’angoissant qui s’éloigne peu à peu avec en tête une musique douce et planante qui me rappelle certaines compositions Dark de Trisomie 21 ! Vais-je me réveiller comme dans un mauvais rêve ? Peut-être était-ce écrit que mon chemin s’arrêterait ici, entre falaises et forêts par une sombre journée d’hiver au milieu de la nature, là où je ne me suis jamais senti autant en osmose avec les éléments…

Terminant l’écoute de cet album le souffle court, il me faut quelques instants de calme pour absorber la dose d’émotions qu’il m’a procurée et revenir de mon périple aussi majestueux, dangereux qu’imaginaire !

Vous vous en doutez, « Follow The Cold Path » aura su me conquérir par son côté immersif, l’ambiance particulière qu’il dégage, la force de son Black tantôt trituré et oppressant, tantôt subtil, planant, mystérieux et le génie habitant la créativité de son auteur ! C’est puissant, profond et laisse sans voix ! A titre personnel, je n’ai pas été à ce point transpercé par ce style musical probablement depuis « The Mantle » d’Agalloch.
A consommer sans modération !

Tracklist :

1. December Dusk (7:49)
2. Follow the Cold Path (7:19)
3. Watchtower (4:54)
4. Time Is a River (9:00)
5. Firelight (5:18)
6. Pale Night (5:02)
7. The Place Where I Belong (3:13)

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