Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

“Un monocle est un verre solitaire.” Léo Campion

J’ai ainsi découvert à mon grand étonnement – c’est peu de le dire – que Bong-Ra est un one-man band. De mémoire, dans le registre stoner ou doom metal, à moins que ma mémoire me fasse défaut ce qui est fort possible, c’est la première fois que je découvre un projet solo dans ce domaine. En fait, c’est plus subtil encore. Bong-Ra est le nom de scène tout court d’un certain Jason Köhnen, musicien hollandais et multi-instrumentaliste d’une cinquantaine d’années qui sévit dans la musique depuis trèèèèèèèès longtemps. Son projet actuel parmi les autres soit Celestial Season, Servants of the Apocalyptic Goat Rave, The Answer Lies in the Black Void, et plein d’autres encore tous aussi différents les uns que les autres, l’occupent en effet depuis 1997 tandis que Celestial Season existe par exemple depuis… 1991. J’avais un an quoi. J’ai également découvert que notre sieur Bong-Ra n’officie pas uniquement dans le metal mais également et surtout dans tout ce qui est breakcore, raggacore, drum’n’bass voire même jungle! Donc on a un musicien multi-facettes qui, si j’en crois les articles lus à son sujet, joue du metal pour rendre hommage à ses premières inspirations musicales. Un vrai cadeau sympa pour notre communauté que d’avoir non seulement un musicien talentueux et accompli, mais qui en plus fait du metal pour son plaisir émotionnel! Moi, j’approuve! Pleinement. D’ailleurs, loin d’être un simple groupe de passage, Bong-Ra a sorti quand-même pas moins de huit albums avec Meditations, le dernier, mais surtout… vingt-six EPs! Vingt-six! Rendez-vous compte! Et je ne vous parle même pas des compilations, collaborations, albums live, singles… Bref, ce mec est une machine! Rien que pour son projet éponyme, une bonne quarantaine de sorties. C’est énorme! Meditations est donc le dernier, nous allons voir ce que cela donne!

Pour la pochette, c’est vrai que secrètement je m’attendais à mieux. En même temps, avec du recul, je me dis qu’avec tant de sorties depuis toutes ces années, il fallait bien que le truc s’épuise un peu. Tant que c’est sur la pochette encore… Mais c’est vrai que sur le coup, je me suis demandé ce que notre ami a voulu nous dire avec ce lion dessiné (très bien dessiné au passage, vraiment!), la gueule au vent, devant un article de presse d’où ressort une Vierge. Le logo en dessous avec 2017 dessus m’a exactement fait me poser la même question. Sur le style je n’ai pas grand-chose à redire puisque la pochette est belle, l’ensemble est bien dessiné et sur le mélange en lui-même d’un article de presse et d’un lion, je trouve cela joli comme tout. D’ailleurs, je soupçonne son créateur d’avoir voulu réellement reproduire un croquis qu’il a fait un jour, comme ça, sur un bout de journal en buvant son café, l’inspiration d’un lion venant. Voilà! Sur le style je le trouve vraiment chouette! Mais je me demande simplement quel sens y mettre à cette image. L’idée d’un lion comme étant au sommet de la chaine alimentaire? Moi, j’ai ma théorie mais elle étaye plus qu’autre chose le côté insensé de l’artwork. C’est que notre bien-aimé Bong-Ra a tout simplement retranscrit en dessin une séance de méditation. Comme quand vous cherchez votre animal totem par exemple, expérience que j’ai personnellement déjà faite. Et probablement que notre camarade, sous ses influences ragga par exemple, a vu un lion quelque part. Et au moins cette théorie étaye potentiellement l’idée du nom Meditations. Voilà pour l’analyse de l’artwork. J’aime beaucoup mais je suis incertain du sens derrière.

Petite précision : quand j’expliquais que Bong-Ra était un projet « hommage » à la musique stoner et doom metal qui auraient influencé son compositeur, il faut aussi savoir qu’au départ, ce projet musical est un projet de breakcore et de musique électro, ce qui n’a donc rien à voir du tout! Mais j’apprécie doublement le geste d’avoir changé son orientation musicale pour aller vers le metal, c’est vraiment louable et c’est une énorme prise de risque que je salue. Pour le reste, je vous ai déjà révélé le contenu : il s’agit d’un mélange principal de stoner et de doom metal. Avec néanmoins quelques apports expérimentaux en bruits de fond, dans un côté un peu bruitiste voire instrumental. On a pas mal de samples derrière qui rappellent tantôt de la musique culturellement orientée vers la musique électronique ou industrielle. L’ambiance est généralement éclectique avec des moments franchement stoner, soit très rock et virils, soit des moments qui font presque un peu sludge sur les bords avec une sensation très malaisante. Ce qui relie le tout est bien évidemment la lenteur pathologique du doom metal, qui pousse cette dernière vers son paroxysme, son point culminant et chaotique. On a pratiquement aucun moment de franche accélération et on a surtout le sentiment que le doom metal sert à installer, via la distorsion extrême de la seule guitare présente et de la basse, les samples derrière, histoire de leur laisser un champ libre sonore conséquent avec les cordes comme accompagnants. De fait, on dirait bien que les instrumentations metal servent presque uniquement à accompagner les samples. La batterie sonne superbement bien, avec une caisse claire extrêmement clinquante! En fait, certaines mauvaises langues diraient que Meditations n’est pas tellement de la musique dans le sens rythmique pur, mais plutôt un album d’ambiance. Je partage un peu cet opinion dans la mesure où cet album s’écoute dans une optique, non pas de se déhancher furieusement, ni de se disloquer les cervicales dans un mouvement elliptique bien connu, mais plus dans un côté méditatif. Pour moi, c’est un album parfait pour une séance de méditation, ou pour planer après un bon tarpé. Cela revient donc à prendre ce huitième album de Bong-Ra un peu comme il a toujours fait avec ses autres projets : comme quand on écoute une musique lente comme le reggae. C’est donc un album qui rend hommage au stoner et au doom metal, mais qui parvient (d’où l’aspect expérimental très important ici) à se situer sur le même objectif un peu méditatif du reggae, ce qui n’est pas banal du tout! Voilà l’intérêt principal de cet album Meditations selon moi. Et ce n’est pas un mince objectif, c’est carrément une prouesse si cela se vérifie. Beau boulot! Une première écoute riche et agréable pour moi.

La production joue un rôle fondamental dans la réussite manifeste de cet album. En même temps, il ne pouvait en être autrement quand on a à son actif, rien que pour Bong-Ra, pas moins d’une bonne quarantaine de sorties. Mais on pourrait se dire qu’à officier tout seul, il n’est pas rare que certains projets deviennent ratés à cause d’une absence d’avis objectif sur la production ce qui est arrivé plein de fois auparavant. Nous en savons quelque chose, nous chroniqueur(e)s… Mais ici, rassurez-vous! Tout va bien! Le son est impeccable dans un registre comme j’expliquais plus haut de travail méditatif. On a un son très linéaire, fluide par la lenteur et par le fait que l’espace sonore est durablement occupé par des samples ambiants et des nappes de fond envahissants au possible, le tout légèrement perturbé par cette batterie incroyablement aiguë, qui sonne comme un coup sur une casserole dans une cloche de cathédrale et qui défonce! Pour les instruments à cordes, comme c’est d’usage dans le stoner, c’est la basse qui prédomine et qui est parfaitement sonorisée, avec un son rebondi et poisseux comme on aime, très distendue ce qui rajoute encore de l’épaisseur en plus à des samples épais également. La guitare n’a finalement qu’un rôle franchement secondaire, simplement pour amener une petite dissonance instrumentale avec la basse, rien de très extraordinaire. Voilà pourquoi je louais le côté « reggae » de cet album puisque tout est lent, épais et oppressant, sans tomber dans l’hyper mélodique et le côté rock du stoner est un peu étouffé. Mais on est sur un album totalement expérimental! Alors l’expérimentation sonore y est, ce qui est un excellent point. Une production absolument impeccable!

Comme il n’y a pas de chant, et à mon humble avis c’est très bien comme ça, il ne me reste plus qu’à vous parler de mon ressenti sur l’album. Vous l’aurez compris à la lecture de mes précédents paragraphes, Meditations est un album qui bouleverse quelques codes, qui propose une approche de la musique stoner, genre pourtant rarement bouleversé dans ses propres codes, très doomesque ce qui n’a de prime abord rien de surprenant, mais qui surtout va sur des sentiers plus breakcore voire musique électro qui donnent une coloration nouvelle et une véritable expérimentation du genre pour l’emmener sur des nouveaux chemins. Cela démontre selon moi un talent incroyable, et une richesse imaginative débordante permettant de trouver d’autres pistes potentielles pour un stoner psychorigide parfois. J’aime beaucoup cet album mais je me dois de mettre en garde. Les puristes ne s’y retrouveront pas, car l’expérimentation est amenée jusqu’à l’insondable par moment. Une démarche personnelle entière et authentique, qui souffre donc de cet aspect et qui peine un peu à s’ouvrir à tout un chacun. L’album est très bon, vraiment! Mais il faut une sacrée dose d’ouverture d’esprit et ne pas avoir peur de se frotter au renouveau pour l’aimer à sa juste valeur qui est, selon moi, bien au-delà de la plupart des albums du style déjà sortis. Voire peut-être de ceux qui vont arriver prochainement! On sent que le dénommé Bong-Ra a de la suite dans les idées, et de parvenir comme cela à proposer une approche totalement nouvelle du stoner, même doom stoner metal, sans passer pour un fou ni pour un échec, c’est presque un exploit qu’il convient de souligner ce soir! Beau, très beau boulot donc!

Voilà! Il est temps de mettre un point final à cette nouvelle chronique. Bong-Ra, one-man band d’un musicien hollandais nommé Jason Köhnen, véritable artiste prolifique et multi-tâches, sort à ce jour son huitième album. Ne vous fiez pas à cet apparent famélisme de sorties, puisqu’il s’agit en fait de la presque quarantième sortie officielle… En tout cas, l’album Meditations propose un doom stoner metal totalement déstructuré, poussé dans ses retranchements avec d’autres incorporations que notre camarade affectionne plus en temps normal et qui gravitent autour de la musique électronique voire ambiante. Outre l’aspect subversif qui se dégage de cet album, c’est toute la démarche qui se rapproche d’un rapport méditatif avec la musique et l’artiste qui m’a marqué. Durablement ou non, Bong-Ra est un artiste accompli et talentueux qui réserve énormément de surprises avec ce Meditations ubuesque et renversant. A ne pas mettre dans les oreilles fragiles des puristes!

Tracklist :

1. Courage 10:44
2. Wisdom 09:02
3. Justice 07:02
4. Temperance 10:14

Bandcamp
Site officiel
SoundCloud
YouTube