Line-up sur cet Album
Elvin Road : composition
Style:
Cold Wave / Musique InstrumentaleDate de sortie:
06 octobre 2023Label:
AutoproductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.75/10
“Tout est soi et autre chose ; l’image dans l’image, le mot dans le mot.” Théodore Roszak
La question de l’exigence dans la vie est de mise. Elle va de pair, selon moi, avec la confiance, et ces deux principes fondamentaux ont toujours dicté ma vision, non pas spécifiquement de la vie, mais plutôt de mon apport à la société. Entendez par-là : mon boulot, mon rôle de père et mes centres d’intérêts. Il y a d’ailleurs une citation que j’aurais pu choisir ici et que j’aime beaucoup, de Miguel de Unamuno, qui dit : « L’exigence n’a pas de raison d’être, elle est au-dessus de toutes les raisons. » Je suis assez d’accord. En fait, depuis que je suis dans notre beau webzine, il y a souvent eu cette question en suspens de l’exigence que l’on était en droit d’attendre dans l’exercice de la chronique. C’est une question importante, parce que l’on est dans le cas de figure paradoxal où la majorité des webzines sont bénévoles, mais dont l’attente qu’en ont les artistes est suffisamment proportionnelle à celle que l’on attendrait d’un travail rémunéré. D’où ce questionnement perpétuel : quelle exigence ont le droit d’attendre les artistes, de notre part ? Ce n’est pas évident d’y répondre, parce que je sais que dans ce webzine, on a tous envie de bien faire. C’est indéniable de constater que nous sommes tous et toutes extrêmement passionnés, et que si l’on en avait la possibilité, moi le premier, on passerait tous les jours des heures à faire de la rédaction en tous genres ! Mais voilà. Nous avons une vie à côté avec des priorités. C’est surprenant n’est-ce-pas ? Il y a de l’ironie dans mon introduction, parce que je sais que les artistes, à juste titre ou non par ailleurs (cela dépend des cas de figures) sont parfois très exigeants. Dans les délais de parution des chroniques, dans le contenu, dans le principe de « j’ai fait l’effort d’envoyer mon album en tel format, j’attends de ta part un effort de souplesse dans l’analyse », etc. Je pense qu’il ne faut pas oublier que la partie bénévole nous permet de garder un côté récréatif dans notre démarche, et que l’on est en droit par exemple de montrer la plus grande sincérité dans le contenu, quitte à froisser les artistes. Certains ne le comprennent pas, nous prenons acte. Je crois aussi qu’il faut faire la part des choses entre ce qu’implique une pratique bénévole et une plus formelle. Mais je n’ai pas non plus la ou les réponses miracles pour harmoniser nos relations avec les artistes. Bon allez ! Je sors d’une nuit de travail, sûrement que mes neurones fatigués n’ont pas le recul nécessaire pour écrire une introduction. Mais je me disais, avant d’aborder sérieusement cette nouvelle chronique, qu’une piqûre de rappel n’était pas de trop. On passe à l’essentiel ? On va parler ce jour d’Elvin Road et de son album nommé « Unrated« . Un album, qu’il sent bon l’exigence, justement !
Elvin Road est le nom d’artiste d’un musicien français nommé Antoine Saison. Difficile de trouver du concret dans les informations données, on sait toutefois que son projet musical existe depuis 2006 et que ce dernier est basé sur Paris. La page Bandcamp de l’artiste nous permet de déterminer qu’il existe à ce jour dans la discographie, trois albums en comptant ce dernier « Unrated » et trois singles. La particularité de ce projet est qu’il s’associe très souvent à un visuel cinématographique incroyablement bien composé. Vous pouvez en effet regarder notamment pour les singles les clips de très haute qualité qui ont été tournés, et j’ai été bluffé. Franchement, vous le verrez en lisant ma chronique et en écoutant cet « Unrated » qu’il y a une réelle corrélation artistique entre musique et visuel. Je crois même que les deux sont indissociables ! Voilà, je n’ai pas grand-chose de plus à dire pour présenter Elvin Road et je déplore un peu parce que je pense qu’il y aurait matière à mieux le connaître, nous allons donc passer à la chronique.
Pour sortir ce quatrième album donc, Elvin Road a proposé comme toujours par ailleurs une mise en scène par photographie. Mais là où le visuel ci-contre se détache des autres, c’est qu’il se distingue comme étant l’inverse des précédents. Alors que les premiers étaient à la fois très sombres et poétiques, ce dernier est beaucoup plus chaleureux. Avec une photographie qui met en avant un décor plus lumineux avec un ciel bleu de plein jour, nous sommes en revanche face à des terres arides ou brûlées, avec aucune végétation survivante hormis ce palmier, symbole d’une forme de solitude quelque part. En arrière-plan, on trouve la civilisation avec cette ville d’où s’échappe par ailleurs ce qui ressemble à de la pollution qui donne une chape de voile blanc dans le ciel. En fin de compte, cette photographie est lourde de sens selon moi. « Unrated » signifie « hors classe » et je pense qu’effectivement, ce palmier qui peut sembler insignifiant ici, est bel et bien hors catégorie quand on regarde la prédominance d’absence de végétation. On pourrait par exemple considérer que les survivants seront les personnes qui seront hors classes justement ! Et qu’il y aurait ainsi une forme de cynisme à l’égard de la société et de ses fameuses exigences. Par ailleurs, pour être un peu plus concret, moi, je vois dans cette photographie la phase destructrice de l’Homme sur son environnement, avec cette ville qui, si elle est en retrait, n’en demeure pas moins polluante et l’on pourrait supposer que cette désolation terrestre pourrait être due directement ou non à la main de l’Homme. Tout est possible ! J’adore les photographies qui font réfléchir, qui permettent d’échafauder des hypothèses et même si je suis peut-être loin de la réalité en des termes interprétatifs, je me suis bien amusé à trouver du sens. Et elle n’en manque pas ! Donc, le choix de photographie est extrêmement judicieux, tout en étant esthétiquement superbe. Mais en même temps, si vous regardez toutes les sorties, digitales ou physiques, c’est un sans-faute visuellement parlant jusqu’à présent. Excellent !
Pour ce qui est de la musique, on s’éloigne un peu de ce que l’on a l’habitude de faire dans le webzine. Et encore, même pas en fait ! C’est juste que si l’on se fie sur l’identité principalement revendiqué par Elvin Road, c’est en effet peu courant. On parle ici de musique majoritairement cold wave, sur le papier en tout cas. En réalité, et cela fera sûrement plaisir à notre camarade parisien, sa musique est un peu plus complexe que cela. On retrouve effectivement cette ambiance cold wave un peu angoissante, avec des mélodies qui sont plus sur un registre flippant qu’enjaillant, le tout sur une utilisation d’instrumentations électro et ambiants, pour justement installer selon les besoins des pistes des atmosphères bien précises, bien identifiables en l’état même. Mais là où Elvin Road me semble être un compositeur de talent réside dans les incorporations subtilement intelligentes de rock, de metal parfois et sur la dérivation plus majoritaire vers de la musique instrumentale au sens de bande-originale de films, entendons-nous. D’ailleurs, « instrumentale » est le bon mot aussi car il n’y a quasiment pas de lignes de chant, et le peu qu’il y a se situe plus sur une utilisation à caractère de sampling que de réelles lignes de chant. Ce serait difficile de tout décrire précisément tant la richesse composale est de rigueur sur ce « Unrated« , mais je trouve l’identité cold wave pas déconnante pour apporter une étiquette précise. Ou éventuellement, pour être plus généraliste, musique instrumentale. Mais bon ! Cela démontre, au regard de mon hésitation, qu’Elvin Road brouille les cartes habilement pour essayer de se forger une identité musicale qui lui est propre. J’ai trouvé en tout cas, sans que cela soit mon style de prédilection, que la première écoute est agréable, fait remonter des sentiments de manière surprenante, et que cet album, clairement, raconte une histoire et embarque l’auditeur dans un récit cinématographique manifeste. Toute la question est de savoir quel film ! Parce que, si j’ai un petit reproche à faire à « Unrated« , c’est qu’on ne cerne pas vraiment non plus les intentions de son auteur. J’ai beau savoir quand il faut s’enjailler sur une musique ou s’attrister, j’ai eu du mal à comprendre le concept autour de la musique. En première écoute, je sais que ce n’est pas flagrant, mais en même temps, un concept bien chiadé doit être identifiable rapidement. Je n’imagine pas l’auditeur se dire « bon, c’est raté pour cette première écoute, je retente demain. » Mais j’y reviendrai ! En tout cas, si l’on en reste spécifiquement sur la musique, l’album est bien construit dans son ensemble, le tout sur un registre cold wave auréolé (c’est bien le mot) d’une musique rock, metal voire instrumentale pure pour donner l’impression, qualitativement et quantitativement, d’avoir une bande-son d’un film dont il nous reste à donner une étiquette. Franchement bluffant !
NB : Elvin Road nous a précisé que deux morceaux se voient parés de lignes de chant comme le single dûment partagé sur la chronique.
Inutile de mentionner que la production est impeccable ? Si ? Allez ! Alors, je le dis : elle est impeccable. Un travail de professionnel je dirais, puisque l’élaboration d’une musique instrumentale de la qualité d’une bande-originale demande un soin pointilleux au possible. Alors si en plus on incorpore par-dessus de la musique électronique, cold wave, rock ou metal, cela vous donne un aperçu potentiel d’à quel point il a fallu aller au mastique ! C’est probablement le nec plus ultra de ce quatrième album, avec un Elvin Road qui ne lésine manifestement pas sur les moyens sonores pour parer ses compositions d’un son extra. A vrai dire, là encore, sa discographie complète ne souffre d’aucune contestation possible de ce point de vue là, chaque album ou single étant d’une haute qualité sonore. Il était donc normal de retrouver la même chose, ça aurait été le minimum syndical dans la continuité ! Du coup, le travail de sampling et l’ajout des instruments saturés se font de manière extrêmement fluide, chaque instrument est tout à fait à sa place, et l’on note que la qualité sonore, loin d’être celle que je maitrise le mieux, est en tout cas proche, sinon identique, à ce qui se fait dans les fameuses bandes-sons de films. Je retrouve la même qualité d’écoute que si je passe dans mon lecteur CD la musique d’Instrumental Core par exemple, ce qui est gage de réussite pour moi. C’est donc sur un constat plus que positif, dithyrambique même, que j’affirme que la production sonore de « Unrated » est dantesque ! Une merveille du genre cold wave couplé à d’autres styles plus consensuels.
Maintenant, la limite de cet album d’Elvin Road réside selon moi dans ce que l’auteur veut nous faire vivre. Je considère peut-être à tort que cet album qui est, je le répète, d’une très grande qualité, me paraît un peu trop intimiste. Déjà que le style proposé, finalement assez expérimental sans l’être pleinement, demeure par son aspect expérimental justement un peu personnel, le concept étant trop difficile à cerner me semble être plus un point faible qu’autre chose. Alors, loin de moi l’idée de dire l’extrême inverse, soit de faire une musique mainstream au possible au risque de ne pas se plaire à soi-même ! Mais je pense qu’il faut un juste milieu dans la démarche musicale, et qu’ici, « Unrated » penche un peu trop sur la polarité intimiste au détriment de la compréhension et l’adhésion des auditeurs. Moi, j’aurais vraiment aimé qu’au lieu d’être vague dans la description de son projet musical, Elvin Road essaie de nous fédérer ne serait-ce qu’un tout petit peu. A vouloir nous vendre sa musique comme elle est censée l’être dans son essence, soit un truc rassembleur, un égrégore quasi divin. Or là, manifestement, cela manque d’extraversion. Le concept ne manque pas d’intérêt, j’en suis convaincu. Encore faudrait-il le comprendre… Et ce n’est pas le cas. Donc, si j’ai un conseil très humble à donner à notre ami musicien, ce serait de rendre plus accessible conceptuellement parlant son projet musical. Elvin Road mérite, au regard de ses qualités intrinsèques indiscutables, d’être aimé et compris de plus de personnes. Il va de fait falloir s’ouvrir un peu plus pour cela. On verra la suite !
Et comme il n’y a pas de chant à proprement parler, je passe donc à la clôture de cette chronique. Elvin Road, musicien parisien, nous présente avec « Unrated » un quatrième ouvrage, en dehors bien entendu des singles. Un album très varié, se situant selon moi sur une musique cold wave enrobée d’instrumentations par sampling qui oscillent entre l’électro, l’ambient, voire carrément la musique instrumentale, le tout saupoudré d’un soupçon de rock et même d’un peu de metal ! Bref, une musique expérimentale sans l’être pleinement, juste avec des choix musicaux qui offrent une vraie richesse de l’ensemble et un profond intérêt possible pour les auditeurs comme moi en quête de chansons qualitatives et disparates. Cependant, cet album, dans sa grande originalité, souffre de son effet secondaire numéro un : la dimension trop intimiste. Le concept a beau sembler intéressant, il n’est pas si accessible que cela, volontairement caché ou non. En tout cas, si la musique est indéniablement excellente et vaut largement le détour par sa complexité et le talent de son maître à bord, il faudrait montrer un peu plus d’extraversion et d’ouverture vers l’auditeur pour la rendre accessible et pour qu’elle fédère davantage. La musique est un égrégore au départ…
Tracklist :
1. Death by stereo Unrated 02:14
2. Elvin road – Every bodies 04:11
3. Midnight Blvd. 01:58
4. Hooking queendom 04:33
5. Tormento 02:44
6. Time to pay 03:40
7. Barricade 02:30
8. Barricade part Il – wokicide 05:25
9. Seastone 03:00
10. Haunted Hertz 03:52
11. Elvin Road – Criminal distance 03:42
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