Line-up sur cet Album
- Carter Bradley : basse
- Mason Gills : batterie
- Sabin Hice : guitares, chant
Style:
Sludge MetalDate de sortie:
30 juin 2023Label:
AutoproductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10
« Le creux, comme la psychanalyse l’admet fondamentalement, est avant tout l’organe féminin. Toute cavité est sexuellement déterminée, et même le creux de l’oreille n’échappe pas à cette règle de représentation. » Gilbert Durand
Vous savez la plus grande difficulté que l’on rencontre quand on écrit des chroniques ? C’est lorsque vous tombez sur un groupe qui présente officiellement une étiquette musicale, et dont vous vous apercevez que la réalité est toute autre. Cela nous arrive fréquemment, et j’avoue que je balance souvent sur deux aspects contraires. Soit j’adore et je me creuse la cervelle à analyser s’il s’agit d’une maladresse dans la composition et / ou la production ; soit je déteste et je m’emporte dans une diatribe terrible par frustration ou d’autres motifs. Je me gargarise de ce genre de situations parce que c’est dans ce genre de challenge que l’on trouve l’essence de notre passion. On réagit finalement comme un auditeur normal hein ! Quand vous écoutez un album, vous vous posez des tas de questions, même pas tout de suite, sur le son, la musique, la pochette, enfin tout ! Et le constat prévaut quand vous connaissez très bien un groupe, que vous en êtes un fanatique notoire, et que vous tombez parfois de haut. Le nombre de réactions que je lis sur les réseaux sociaux, qui font penser à nos propres réactions. Voilà pourquoi je m’évertue à écrire un paragraphe sur un premier constat, sur la toute première écoute, celle qui est salvatrice pour la suite de l’analyse, et que je continue après ma rédaction. Il ne faut pas oublier que le chroniqueur demeure d’abord et avant tout un être humain, et que nous avons nous aussi des avis tranchés, rédhibitoires, et que l’on arrive à l’analyse par la suite parce qu’on a envie maladivement de s’interroger sur le pourquoi du comment, sur le contexte de sortie, etc. C’est en cela que je m’éclate à écrire des chroniques ! Ce qui ne veut pas dire que je n’apprécie pas un album qui m’offre une musique toute prête, que je connais très bien, et que je trouve l’écriture de cette chronique facile et confortable de temps en temps. J’ai fait cette introduction après l’écriture de cette nouvelle chronique car l’album présenté ce jour m’a quelque peu questionné, m’a même offert un court moment d’introspection sur ma capacité d’analyse et d’écoute. Cela arrive beaucoup dans le metal très underground, puisque les moyens et volontés de création sont différents de ceux que l’on trouve dans le mainstream. Et il est vrai que Ghost Hollow, avec cet album du même nom, rentre parfaitement dans le premier registre. Très Soil Chronicles, quoi !
Ghost Hollow n’est évidemment pas un nom de groupe qui laisse indifférent quand on aime l’univers de Tim Burton et que l’on a déjà vu le film Sleepy Hollow, avec le cavalier sans tête. Mais en fin de compte, le raccourci s’arrête net ici puisqu’il n’y a aucun lien de cause à effet particulier. Il s’agit en fait d’une formation d’origine américaine, plus précisement de Fayetteville dans l’Etat d’Arkansas, et la précision est importante parce que des Fayetteville, aux Etats-Unis, il y en a un bon paquet ! Nous n’avons pas beaucoup d’informations à rapporter sur le groupe, si ce n’est qu’il est composé d’un trio de musiciens, et que cet album éponyme est le premier, précédé par deux démos sorties entre 2022 et 2023. S’agissant de la date de création du groupe, il n’y en a pas mais l’on peut supposer que cette dernière a été formée en 2021 (date de création de la page Facebook), par là. Une formation typiquement underground comme on les aime bien chez Soil Chronicles, avec donc ce premier album en autoproduction ! Vous sentez venir le plaisir du chroniqueur ? Vous avez raison ! On fonce !
On touche aux tréfonds de l’underground avec cet artwork très maison qui reprend des codes bien connus, mais qui est loin d’être désagréable ! On a l’idée d’une cérémonie ésotérique, sinon démoniaque, à la gloire de je-ne-sais quel démon ou forme de ce type. Cela me fait penser un peu à une sorte de banquet, ou un rassemblement de sorciers avec un autel au sol, au milieu des meubles, comme s’il s’agissait d’une réunion pour évoquer des figures ésotériques. La porte en arrière-plan donne finalement l’impression d’avoir, vous savez, comme dans les films, avec un plan qui se rapproche vers cette porte, avec tout le décor autour, pour s’approcher au plus près de la contemplation de ce qu’il y a potentiellement derrière. Les torches rajoutent même un côté extérieur ! En fait, cet artwork sème le trouble. Je n’arrive pas tellement à identifier ce dont il s’agit exactement, même si l’on retrouve l’idée maitresse d’un truc à la gloire de l’ésotérisme, un peu comme la Goétie. Une sorte de cérémonie à la gloire de la noirceur quoi ! Cela va bien avec le style proposé par Ghost Hollow, et je dois dire que je trouve le travail fait autour de cette belle pochette très troublant certes, mais très intéressant. Moi qui suis branché ésotérisme et qui m’intéresse aux lectures autour des figures démoniaques et des cérémonies itou, je suis plutôt curieux et captivé par cet artwork. Cela revient à dire pour moi que le contrat est rempli. Il y a une bonne mise en bouche avant d’attaquer l’écoute !
Pour la musique, j’avoue que je m’attendais, au regard du côté très underground de la pochette, à une musique qui suit la cadence d’un point de vue qualité du son. Eh bien, vous savez quoi ? Je me suis bien trompé. Parce que la musique est franchement très bonne et très bien produite, j’y reviendrai. Sur l’étiquette, on se situe sur le papier vers un sludge metal mais à mon sens, c’est plus complexe que cela. Le sludge metal apparait bien avec cet aspect boueux du son des guitares et l’omniprésence de la basse dans le mixage, le côte arrondi du son comme on dit bêtement. Mais j’y trouve également quelques relents doom metal, ce constat n’étant pas le plus choquant puisque les deux vont facilement de pair et j’aime beaucoup le doom sludge metal, j’y ai pas mal de très bonnes références depuis que je m’exerce à la chronique sur le genre doom metal et ses cousins. En revanche, là où j’ai été agréablement surpris réside dans le fait que par moment, le sludge metal s’est transformé assez subtilement par ailleurs en death metal. Et c’est là que je suis dans l’expectative ! Parce que je ne sais pas si cela relève d’une erreur de son dans le mixage ou si Ghost Hollow a fait exprès, intentionnellement, de partir vers un son plus death metal avec une vraie lourdeur sonore, moins ce côté boueux qui laisse place étrangement à un son plus épais finalement, moins « glissant », et par moment, surtout sur les accélérations d’ailleurs, on passe presque vers une sorte de doom death metal ! C’est une grande première pour moi de ne pas arriver à faire le distinguo entre death metal et sludge metal, qui n’ont par ailleurs rien à voir entre eux. Alors, toute la question demeure : est-ce une réelle intention, ou simplement une erreur sonore ? Dans les deux cas, le constat est le même de toute manière : cela fonctionne très bien ! En fin de compte, peu importe qu’il s’agisse selon moi d’une erreur ou non puisque dans tous les cas de figure, la musique fonctionne super bien. L’ambiance générale de l’album est la même que celle que j’ai croisée chez des groupes comme Tzompantli, The Subterraen ou encore Soothsayer. Cette musique très lourde, lourdeur qui constitue au final le seul dénominateur commun avec tous les genres dûment évoqués, apporte donc des ambiances malsaines et très noires. Le propre du sludge metal étant d’aller vers des sujets qui frisent l’extrême pessimisme, voire tomber dans les bas-fonds de l’horrifique, on peut constater que Ghost Hollow a atteint cet objectif. La première écoute a permis de planter un décor très sombre, oppressant et lourd. Une musique comme je les aime, qui mélange ésotérisme et obscurité pour un résultat excellent ! Il s’agit selon moi d’un album qui s’écoute très bien en première intention, qui va droit au but et qui ne fait pas dans la fioriture ni la subtilité. Un bon album du genre sludge metal, quoi !
Ma principale interrogation, vous l’aurez compris, est centrée sur la production de ce Ghost Hollow. Parce qu’à l’heure où je rédige ces quelques lignes, je n’arrive toujours pas à savoir s’il s’agit d’une erreur ou d’une intention réelle. J’ai clairement l’impression d’entendre par moment du doom death metal. Il s’agit donc d’accepter que malgré la distanciation génétique on va dire, le sludge metal et le death metal ont possiblement des chromosomes sonores en commun. Je ne le pensais pas. Je vais probablement rester sur l’idée d’une maladresse sonore, que l’on peut excuser par le côté underground et autoproduit de l’album, qui est par ailleurs le premier ! Maladresse finalement assez salutaire, puisque j’ai franchement bien aimé la production générale de ce Ghost Hollow. Un son très lourd donc, avec le côté rebondi que l’on retrouve aisément avec le sludge metal, la lenteur de temps en temps qui brise la rythmique globale avec un léger côté doom metal qui, je le rappelle, arrive très fréquemment dans un registre sludge metal. La basse omniprésente la ou les guitares bien présentes, la batterie qui frappe fortement la rythmique et place quelques accélérations bien placés, le chant un peu lointain mais bien audible. Bref ! Nous voilà donc en présence d’un son qui pourrait être vraiment bon, très bon même, si je ne restais pas dans l’idée obsédante qu’il y a une erreur de débutant par-dessus. Mais j’ai fait le choix, pas simple, d’accepter que cette potentielle maladresse sonore puisse être une bonne chose pour Ghost Hollow ! On va finalement rester sur un constat positif, pour cette fois.
Ce qu’il convient de retenir pour évoquer un éventuel concept autour de Ghost Hollow, est qu’il s’agit à ma grande surprise d’un album qui sonne très personnel. Je ne m’y attendais pas non plus, au vu de la teneur très noire de la musique mais surtout très branchée ésotérisme avec la pochette, d’avoir un album concept autour d’une mise en avant de la souffrance d’un individu et d’un cheminement personnel vers « l’honneur par la souffrance » comme les textes en concluent. J’avoue que j’ai été désarçonné. En fait, je m’attendais naïvement à un album centré sur l’ésotérisme, mais de lire des textes à grands renforts de « je » et de souffrance, je comprends finalement que l’on a à faire avec un énième concept très personnel, finalement très lambda, trop même. Je suis déçu, clairement, par la tournure conceptuelle de Ghost Hollow qui s’avère être basique sur cela. Peut-être qu’une sphère très métaphorique se cache derrière, mais que je n’ai pas réussi à capter davantage, même si ce n’est pas à exclure. Pas mal de groupes, dont l’un des miens, reprend l’idée d’un cheminement personne qui conduit à une forme de sacrifice ou de dévotion, ce qui reviendrait à trouver un lien étroit avec l’imagerie dominante. J’aurais préféré que la formation américaine apporte un petit éclairage quand-même. Il y aurait largement matière pour construire un album autour d’un concept beaucoup plus intéressant qu’un sempiternel truc autocentré et fade, qui n’amène rien de particulier. Et les textes, qui sont en plus de cela très courts, presque insignifiants au regard de la musique parfois longue, n’apportent finalement pas un grand ingrédient à la musique de Ghost Hollow. Je pense, au final, que le groupe n’a pas voulu étaler de vrai concept autour de sa musique, ou n’a pas cherché d’inspiration plus que le strict minimum syndical. Et ce minimum, à titre personnel, j’en ai un peu marre. Voilà. Déception donc, au regard de la qualité indéniable de la musique et du mixage.
Bon, après, on ne va pas non plus jeter au purgatoire cet album par manque d’inspiration ! Les instruments sont très bons, le chant l’est tout autant. Situé, d’ailleurs, sur une technique vocale qui oscille habilement entre le chant sludge metal classique, en version hurlé et lointain, et un chant qui là encore m’a induit un peu en erreur avec une technique vocale qui se rapproche du doom death metal, voire du death metal. En growl medium, jamais en grunt grave, juste ce qu’il faut pour amener une touche supplémentaire de lourdeur et un fond globalement très noir et inquiétant. Vous savez ! Ce chant lointain, qui installe un côté très malsain, notamment dans le death metal old school. Eh bien, vous retrouvez le même processus ici avec Ghost Hollow. Du coup, tout est bien raccord avec le reste et la scepticisme autour du style proposé. Mais cela reste un chant de grande qualité, qui aurait mérité des textes qui le mettent beaucoup plus en avant que cela, et pas des phrases trop courtes et insipides comme on en a. Un chant qui mérite d’être bien plus mis en valeur la prochaine fois donc !
Bien ! Il est temps de finir cette chronique. Chronique centrée aujourd’hui sur le groupe Ghost Hollow, formation américaine, trio de musiciens qui nous a proposé en cette fin d’année 2023 son tout premier album, éponyme, et en autoproduction. Un album qui aura soulevé de mon côté un bon nombre d’interrogations, ce que j’aime beaucoup dans l’exercice de la chronique, mais pour lesquelles je préfère en général obtenir des réponses ou hypothèses de réponse. Ce qui n’est pas le cas ici. En fait, la musique qui se situe sur le papier sur du sludge metal, apparait auréolée par moments d’éléments plus doom metal, voire selon moi death metal, mais qui relève plus d’une maladresse qu’autre chose. Je ne vois pas tellement en effet comment l’on peut faire un tel grand écart volontairement, mais la bonne nouvelle est que cette théorique maladresse fonctionne très bien sur le plan instrumental ! Je trouve donc l’album réussi de ce point de vue là. Le problème plus rédhibitoire pour moi demeure l’absence de concept clair, ou une énième erreur de débutant en proposantun visuel alléchant et un concept fortement réchauffé, insipide ou pour être moins méchant, trop personnel et déjà-vu. Cela dénature dommageablement ce premier album qui mériterait franchement un concept plus établi la prochaine fois. Un constat plutôt mitigé, mais qui demeure dans la tranche du positif !
A améliorer pour le prochain.
Tracklist :
1. Crown of Writhing Worms 05:28
2. Bathed in Regret 02:52
3. Affix 03:28
4. Lead to Gold 04:02
5. Naked and Craven 03:04
6. To Destroy Life 03:28
7. Bottom Feeder 02:51
8. Honor in Suffering 04:55
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