Line-up sur cet Album
Christopher Juul : tous les instruments Maria Franz : chant Kai Uwe Faust : chant
Style:
NeofolkDate de sortie:
28 juin 2019Label:
Season of MistNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10
« J’essaie de vivre comme les dieux. Je rejette tout de ce monde…. L’honneur et la gloire, l’amour de soi-même, même la honte. Je ne me soucie que de la volonté des dieux. Ce n’est qu’alors que tout peut passer dans le monde, que les voix des dieux peuvent être entendues. Et puis leur esprit habite en moi, et je sens la capacité de guérir et de prophétie. Et prendre les péchés du monde… Sur moi-même. » – Harbard dans la série « Vikings ».
Depuis quelques temps, je me suis aperçu qu’il y a un regain d’intérêt pour la culture viking, sous toutes ses coutures. Et le fait d’avoir cité « Vikings » pour cette nouvelle chronique n’est pas anodin pour moi. Je ne suis pas très fanatique de cette série, malgré ma passion pour la mythologie et la culture nordique ancienne, mais le fait qu’elle existe montre un vrai retour en grâce de ces croyances païennes qui ont toujours été copiées par les grandes religions monothéistes, et ensuite jetées aux oubliettes ou discréditées. Alors qu’elles ont énormément de leçons à nous offrir. Plus que dans la vie de tous les jours, la musique metal a trouvé son compte dans cette nouvelle vitrine, et les groupes fourmillent de nos jours. À tel point que certains groupes de neofolk sont même confiés aux webzines. En France, nous avons le groupe Skald par exemple qui trouve un public grandissant. On pourrait citer Wardruna bien sûr, mais aussi Faun, Kaunan, Runahild, Ivar Bjørnson (Enslaved) et Einar Selvik (Wardruna) qui ont sorti deux albums ensemble, Runfell, etc. Cette nouvelle vague me fait plaisir, et je ne boude donc pas ce plaisir de vous proposer en chronique le dernier-né d’un groupe qui est en train, en peu de temps, de laisser son empreinte durablement dans le milieu neofolk chamanique : Heilung.
Alors, ce qui est super avec Heilung c’est qu’il s’agit d’un groupe plus « européen » que d’un seul pays. On trouve des musiciens danois, allemands et norvégiens. J’ai cru comprendre aussi que les deux hommes de Skald sont figurants pour Heilung. On a donc l’impression que ce groupe fonctionne comme une réunion druidique, où chacun ramène ses connaissances et croyances dans le but de croiser tout cela et de nous proposer le plus beau voyage émotionnel qui soit. Les seuls noms que j’ai pu trouver sont ceux de Kai Uwe Faust, un artiste tatoueur spécialiste du nordique, et Christopher Juul et Maria Franz qui seraient deux musiciens de rock. Il y a une sorte de mystère qui plane sur ce groupe aux multiples origines et facettes, et ce n’est pas les trois albums sortis depuis la création du groupe en 2014, qui éclairciront les choses. Tous sous le pavillon bien connu de Season of Mist (le premier album Ofnir sorti en 2015 en auto-production a été réédité en 2018) et voyant leur popularité aussi forte en aussi peu de temps, cela présage de bonnes choses. On attaque donc la chronique du dernier-né des grandes envolées chamaniques : Futha.
Pour être franc, connaissant de réputation le groupe et voyant cette notoriété qui grandit inexorablement, je n’attendais pas moins que le sérieux qui entre en collusion avec l’aspect païen de la démarche musicale. Et l’artwork est réellement à la hauteur à la fois de mes espérances et à la fois du résultat escompté. Il est juste splendide. Le logo du groupe lui-même semble être fait pour CET artwork-ci. Mélange de retenue et de sophistication avec ces effets qui font penser aux livres anciens, ou aux vieilles gravures mais avec un fond gris foncé et des dessins représentant une divinité nordique dans chaque coin du CD en gris clair, il est du plus bel effet. Cela me fait penser au Seidr et à la divinité Freyja qui en est associée, mais je trouve que d’avoir écarté la vulve de cette hypothétique déesse est peut-être un peu exagéré dans l’iconographie. Mais c’est un point de vue personnel, qui n’engage que moi (après recherche, il s’agirait bien des rituels du Seidr décrits dans la Völupsa). Je ne sais pas pourquoi, si ce sont les lives que j’ai pu entrevoir, mais j’ai l’impression que parmi tous les groupes neofolk, et sans vouloir leur faire offense, Heilung me semble être celui qui serait le plus honnête dans sa démarche païenne… Comme si les rituels, qui sont repris de nos jours par beaucoup d’adeptes de l’Ásatrú, seraient accomplis sur scène, pas uniquement dans un but artistique, mais pleinement spirituel. Et l’artwork me semble suivre cette voie. Pour un groupe signé sur un gros label, c’est même étonnant que le plan commercial ne l’est pas emporté sur ces pratiques. C’est en tout état de cause l’effet que cela me renvoie.
La difficulté principale reviendra à décrire la musique de Heilung. Oui, j’ai mentionné plus haut que c’était du neofolk, mais derrière cet étiquettage impromptu il y a une réalité tout aussi fracassante : il y a plusieurs « neofolk ». Je le sais parce que j’en dévore par paquet de cent tous les jours, que ce soit des groupes qui transitent de près ou de loin par le milieu metal ou les autres. Et Heilung a sa propre conception de la musique qui se retrouve d’abord dans l’utilisation des instruments : selon une interview d’aout 2018 (Seigneur, pardonne-moi… J’ai utilisé Wikipédia), ils utilisent des tambours avec de vraies peaux d’animaux, des os dont au moins un humain, des antiquités provenant de certains temples, etc. J’ai trouvé cette affirmation un peu forte de café (surtout sur l’utilisation d’ossement humain), mais en tout cas cela donne le ton sur la musique qui est proposée : quelque chose de très ritualiste qui met l’humain en dessous de la condition divine puisqu’il participe aux rituels POUR les Dieux et non pour lui. Du coup, la musique est un mélange d’incantations, de rythmiques tribales, d’ambiances de nature ou de spiritualité, de déclamations scaldiques et de borborygmes. Si on ferme les yeux, on a le sentiment d’être, la nuit tombée au bord d’un feu, dans un campement nordique, en train d’invoquer les Dieux pour savoir quelle sera notre destinée.
C’est de la magie, ni plus ni moins. Du chamanisme en musique, hypnotisant et galvanisant à la fois. J’ai adoré tous les morceaux, mais « Norupo » et « Othan » auront retenu toute mon attention par leurs chants, que dis-je ! leurs incantations scaldiques très intenses.
Il y a un détail qui retiendra toute ma curiosité pendant l’écoute de l’album : le langage des chants. Alors, j’ai fait encore une fois mes recherches et j’ai découvert qu’il s’agissait tantôt de vieux norrois, tantôt d’une langue morte beaucoup plus lointaine encore. Le groupe a poussé le vice jusqu’à chanter dans une langue quasiment inconnue ! C’est fort ! Et du coup, j’ai lu les textes que je n’ai bien évidemment pas compris, mais j’ai été ébloui par la beauté des rimes et de la ferveur qui s’en dégage. J’expliquais dans ma chronique du groupe Skald que les déclamations scaldiques étaient astructurées dans la construction rythmique et le sens des paroles, mais pour une raison importante : le texte est voué corps et âme à la déclamation sonore. Donc, lorsque vous lisez les textes de Heilung, il ne faut pas en chercher le sens ! Simplement savourer la beauté des sons qui en découle. Et pour moi, c’est une immense découverte, car je crois que l’on tient là le sens (ou l’essence) même de la poésie. Je le revendique donc haut et fort : les textes de Heilung sont de la pure poésie, pure dans le sens brute, archaïque. Primaire.
Je terminerai ici ma diatribe en vous confessant quelque chose : je crois tenir dans les mains Futha, album de Heilung, comme une de mes nouvelles références en matière de neofolk. Il y a une dimension spirituelle absolument inamovible et je martèle ici qu’en termes de nouvelle ère folklorique, nous avons trouvé nos maîtres. Heilung est un groupe incontournable pour ceux qui aiment planer, voyager, entrer en transe dans une procession ancienne et apporter des louanges aux divinités nordiques et germaniques. Un cadeau inestimable pour les amoureux de la poésie dans sa forme la plus primale. Pour les amateurs d’Histoire aussi. Bref, c’est un album que tout le monde devrait apprécier ! Alors, n’attendez-plus et allez cueillir cette merveille absolue.
Tracklist :
1. Galgaldr 10:21
2. Norupo 04:17
3. Othan 10:18
4. Traust 09:48
5. Vapnatak 04:02
6. Svanrand 03:36
7. Elivagar 08:44
8. Elddansurin 08:05
9. Hamrer Hippyer 14:16
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