Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

“La violence se donne toujours pour une contre-violence, c’est-à-dire pour une riposte à la violence de l’autre.” (Jean-Paul Sartre)

Je ne crois pas au hasard, sauf celui de la main innocente et toujours généreuse (quand ça l’arrange) de notre loué Seigneur de la Grande Chronique, le seul et unique sérénissime Metalfreak Ier [NdMetalfreak : oh toi, tu as quelque chose à me demander !], qui a offert à son vassal (préféré, évidemment) non pas des terres cultivables, non pas d’aller en croisade à Constantinople ou à Clisson, mais un CD. Comme beaucoup avant lui, notre Jarl isérois a su conquérir mon cœur de jouvencelle en me demandant, après une cour démesurée et la promesse d’une vie royale, de faire la chronique de L[ea]htan. Oui mais voilà, notre Seigneur, dans sa grande mansuétude, a eu le nez fin (pour une fois d’ailleurs, ce dernier porte encore les stigmates du dernier Hellfest) et alors que je crus que le hasard portait finalement son patronyme, il n’en était rien. Comprenez : ce filou a su me donner LE CD qui devait me rappeler aux bons souvenirs de Clisson. Il l’a fait exprès !

Je n’ai fait le rapprochement qu’en regardant le clip du morceau « Ennemis », car j’ai reconnu le t-shirt du chanteur. Cela ne tient pas à grand-chose la vie hein ? Toujours est-il que L[ea]htan est un groupe qui nous vient de Toulouse et qui est composé de quatre musiciens. Ayant vu le jour en 2013 et ayant déjà sorti deux EP avant ce premier album, le groupe a surtout pas mal oscillé entre un Metal décrit comme alternatif, puis a jeté ses bases ultimes dans une orientation plus hardcore. Et, comme je disais surtout, j’ai pu voir à l’œuvre le groupe pour la première fois au Off du Leclerc à Clisson en 2019, et j’ai souvenir d’un des concerts les plus violents qui soient ce jour-là. N’étant à la base pas fanatique de Hardcore, je n’avais pas mis le groupe dans mon top 3 de la journée mais je me souviens que c’était probablement le groupe qui avait le plus de patate et qui avait créé des petits mouvements de foule grâce à une mise en scène bien ficelée. De quoi augurer de bonnes choses pour l’écoute de ce premier album appelé « State of Mind« .

Commençons par la pochette, si vous le voulez bien ou si vous ne le voulez pas, c’est le moment de citer Stéphane de Groodt : « Prenant alors congé, réalisant la charge qui pèse au-dessus de la poire de William, je me dis qu’il en aurait été autrement si Diana n’avait pas coupé les ponts… » Le groupe nous propose son logo en version fumée noire sur fond blanc ; j’ai vu sur leur Bandcamp que l’inverse existait, il y aurait donc deux versions. Le logo est en fait le « e » et « a » entourés de [] et le « e » est à l’envers. L’intérieur du CD est composé des fameux [] en format fumé aussi et le derrière présente le nom des morceaux, le nom du groupe entouré d’autres sillons de fumée noire, assez fins. Une photo toute simple du groupe dans une gare, qui pose comme dans un catalogue pour Jules. J’aime bien ! Non, je blague un peu ; sérieusement, c’est un artwork assez bien fait, plutôt plaisant à regarder et qui donne envie. Après, le concept de la fumée noire me fait penser à l’expression « qui part en fumée », comme si le fameux « State of Mind« , état d’esprit en Anglais, partait en fumée et laissait place au sujet central de la musique de L[ea]htan : la violence, l’animalité, la bestialité…

Parenthèse : le nom du groupe est un vrai calvaire pour mes réflexes de Pavlov, et mon envie perpétuelle d’écrire « Leathan ».

Niveau musical, les quelques onze morceaux de ce premier album transpirent très clairement le Metalcore, ou le Hardcore pour ceux qui préfèrent. Je n’ai d’ailleurs jamais réellement compris la différence profonde entre les deux, n’étant pas mon style de prédilection. Je me contenterai d’y voir une forme assez brute de violence, d’énergie et surtout de ces fameux breakdowns qui pullulent dans ce style et que l’on reconnaît assez bien. Mais ce qui me frappe le plus, c’est que l’on devine les anciennes influences du groupe, qui tournait sur un Metal alternatif mais qui sonne bien rock. Je retrouve cette impression sur notamment le début du morceau « État d’urgence » ou sur le morceau court « Synapse » qui fait figure de pause instrumentale. Il y a aussi cette patte qui me fait penser à du Gojira sur certains morceaux comme « Combat » ou le début de « Ennemis ». C’est assez étonnant, je ne m’imaginais pas que l’on puisse parvenir à incorporer des références aussi « éloignées » du -core, sur du -core. Manifestement, L[ea]htan y arrive, à ma grande et belle surprise.

Amateurs ou amatrices de violence, vous allez largement y trouver votre compte puisque c’est l’atout principal du groupe : mettre en avant par son jeu agressif ses rythmes saccadés et sa batteuse qui assène des coups d’une rare violence. Je me répète évidemment, le Hardcore n’est pas ma tasse de thé mais, quand il est aussi agressif, j’y trouve mon bonheur. Je comprends mieux comment j’ai pu être intéressé par le live du groupe en territoire Hellfestien.

Mais je pense que ce qui a fait la différence, ce sont d’une part les riffs et d’autre part le son. Je commence en effet à comprendre pourquoi mon oreille n’a que rarement été favorable au -core depuis tout ce temps : le son est hyper important. Certains groupes abusent très clairement des retouches studio pour essayer de donner un son plus « métallique ». Ici, L[ea]htan me donne l’impression d’avoir beaucoup moins retouché son son, pour ainsi donner un aspect plus organique et rajouter de l’authenticité à sa violence ambiante. L’exemple que je trouve le plus évocateur est sur le morceau « Voices « qui est de loin mon préféré en termes de son.
Également en termes de riffing, et « Voices » n’est pas le seul morceau qui me plaît dans ce sens. J’entends par là que L[ea]htan a fait un énorme travail dans la composition pour varier les riffs, rendant limite les morceaux djent par moment. En temps normal, j’aime à ce qu’il y ait un entre-deux entre la linéarité et la destructuration à outrance ; là, tout en étant très riche en termes de riffs proposés, chaque morceau est bien équilibré pour ne pas qu’on se perde dans l’écoute. A ce titre, tous les instruments sont variés, techniques au possible et les musiciens jouissent selon moi d’un grand talent chacun. Un beau coup de chapeau, les gars ! J’avais peur que le rendu sur CD soit trop différent de celui que j’ai entendu en live mais vous avez réussi à ne pas dénaturer la chose sur CD donc excellent boulot.

Le chant, si cher à mon âme, est quant à lui aussi varié qu’il est justement usité. Moi qui suis assez réticent aux multiples changements qui s’apparentent plus à des prises de risque tant il est compliqué de maîtriser tous les types de chants possibles, ici le frontman fait plus que le job ! La variation va d’un chant clair posé, à des screams typiques du genre. Je suis même plutôt ébahi par la qualité vocale du chanteur, qui peut se vanter de varier avec autant d’aisance les chants en studio qu’en concert, ce qui a tendance à me rendre obséquieux. J’ai découvert qu’il y avait un chœur associé au chant principal mais je n’ai pas pu les discerner pleinement. Seule petite déception : je n’ai pas eu accès aux textes.

Pour terminer cette chronique, je dirais que la puissance de ce CD réside dans le fait, non négligeable, de m’avoir fait aimer le Metalcore ! Je n’irais pas jusqu’à dire que j’en ferais mon style préféré, mais State of Mind du groupe toulousain L[ea]htan aura au moins eu le mérite de me dire qu’il y a du bon Metalcore en France et que certains groupes jouissent d’un grand talent. Je pense être capable de donner une jolie place à ce premier album qui devrait en appeler d’autres. Le travail est très bien fait pour vous faire passer un bon moment d’écoute plein de violence et dégoulinant d’agressivité.

PS : je présente mes excuses à mon adorable caniche en sucre, Antirouille, qui a été en fait le seul donateur de ce CD, et non notre majesté Soilienne. J’ai donc fait toute une introduction en lèche-cul pour rien… (NdMetalfreak : je me contenterai de citer le célèbre philosophe Denis Brogniart en émettant un « AH ! » aussi chambreur que… moqueur !)

Tracklist :

1. Ennemis
2. Combat
3. Awakening
4. État d’urgence
5. Lost River
6. Synapse
7. Voices
8. Viridiana
9. Intolérance
10. Stadium Slavery
11. Ashes and Stars

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