Line-up sur cet Album
Vincent Dessard - Chant / Nicola Lomartire - Basse / Jean-Pierre Mottin - Guitares
Style:
Doom Sludge MetalDate de sortie:
7 Avril 2023Label:
Dunk! RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Pour connaître un mortel, donne lui du pouvoir.” Pittacos
Lethvm est un groupe qui vient de Belgique, fondé en 2015. J’avais eu l’immense plaisir de chroniquer le premier album en format physique nommé This Fall Shall Cease. Je me souviens que le groupe avait eu le mérite, bien avant que je m’en rende compte d’ailleurs, de me faire découvrir le Sludge Metal, style qui aujourd’hui occupe une bonne partie de mon temps d’écoute tant j’adore son aspect tortueux, particulièrement quand il est associé au Doom Metal. C’est donc sur une pointe de déception que je m’apprête à faire la chronique du dernier sorti nommé Winterreise, sous le label Dunk! Records pour un unique format vinyle. La déception intervient parce que je n’ai pas fait l’album d’avant, intitulé quant à lui Acédia, sans que je ne comprenne exactement la raison… Pourtant, je peux vous garantir qu’au vu de l’orientation musicale que j’accorde majoritairement à mes choix de chroniques, cet album m’aurait contenté au plus haut point. Bon ! On va dire que faute avouée, à moitié pardonnée. Je m’attèle donc à la tâche de ce nouvel album pour le groupe Lethvm que je retrouve ainsi avec grand plaisir !
D’ores et déjà, l’artwork de Winterreise est absolument superbe ! J’ai été ébahi par la qualité de l’image, stricto facto, bien avant d’y analyser ou faire semblant d’analyser le sens caché. Il se dégage de cette peinture une incroyable noirceur, avec une petite pointe d’ésotérisme selon moi qui ne me laisse pas du tout indifférent. Ce personnage central qui est tout de noir drapé, volant dans les airs, semblant se tenir dans une sorte de lamentation, et qui rappelle bien évidemment la Mort, même si l’on pourrait donner une toute autre identité, mais d’instinct je pense que beaucoup d’entre nous diront qu’il s’agit de la Mort. J’aime vraiment bien le décor autour, cet espèce de nature en hiver, qui rappelle ainsi le nom de l’album qui signifie en allemand « voyage d’hiver ». Je trouve d’ailleurs que la métaphore possible entre la Mort qui n’est finalement qu’une sorte de guide vers un autre voyage et le nom de l’album couplé à ce décor de forêt en hiver correspond parfaitement à l’idée que je me faisais d’un voyage d’hiver pour illustrer le genre musical de Lethvm. Et puis, ces deux personnages énigmatiques en rouge qui ne sont présents probablement que pour amener du mysticisme à l’affaire, je les trouve également bien opportun avec le reste. Un artwork qui est donc à la fois splendide dans sa création et plein de sens dans sa métaphore. Il me semblait bien que nos amis belges avaient l’intelligence et la maturité dans leurs choix d’artworks, y compris pour Acédia que j’ai observé. C’est confirmé ! Excellent travail !
Je me souviens qu’à l’époque, étant totalement novice en la matière, le Sludge Metal présenté par Lethvm m’avait laissé satisfait mais sans plus. Ayant gratifié nos camarades d’un 8/10, reconnaissant à qui refuserait de l’entendre que chez Soil Chronicles, nous avons beau être débutants dans certains genres, nous ne nous laissons pas manipuler par notre désaveu, je mesure à quel point désormais, si je faisais la chronique de This Fall Shall Cease aujourd’hui, je lui donnerais une note bien plus gratifiante tant le Doom Sludge Metal amené ici, et depuis les débuts du groupe, est une tuerie sans nom. Fonctionnant sur une recette qui fait des ravages dans le milieu Doom Metal et qui se nomme bêtement « minimalisme », Lethvm n’est pas le genre à manipuler les manches de guitares et de basse, ni les futs de batterie pour nous embarquer dans un tourbillon ultra technique. Le but ici : nous enfoncer davantage sous terre, avec une violence et une lourdeur inouïe. C’est simple : ce que je ressens de la musique serait du même acabit si je me prenais une bastonnade de The Rock et Hafþór Júlíus Björnsson réunis. Autant dire que je ne serais qu’un amas de chair ambulant. Mais pour vous résumer mes ressentis sur la musique de Lethvm, c’est exactement ce qu’il convient. Ce Doom Sludge Metal bestial, torturé et lancinant au possible, d’une lenteur idoine mais tellement lourde, mais un truc de malade mental ! Je note toutefois que la musique de Lethvm, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer quand on parle de lourdeur, a cette petite dissonance caractéristique, que l’on retrouve dans les albums d’avant, ce son bien aigu qui, loin de dénaturer l’ensemble, y apporte une touche encore plus incisive et par définition, agressive. Probablement des relents anciens de musique -core, qui pour une fois est loin de me déplaire. En tout cas, sur la musique, Lethvm n’a pas changé d’un iota pour mon plus grand bonheur. Je retrouve ce qui était autrefois les prémices de mon coup de cœur pour le style Sludge Metal, accouplé avec un Doom Metal bourré de balancements d’accords dissonants, et je me rends compte réellement qu’aujourd’hui, si je pouvais faire un bond de quelques années en arrière, je serais beaucoup plus extatique. Ce n’est pas grave ! Je le serai ici, maintenant. En première écoute, une claque, tout simplement.
Seul changement notable mais pas extraordinaire non plus, dans le sens « flagrant » : la production. Et c’est bien normal ! Puisque le dernier album chroniqué par mes soins pour les belges date de… 2017. Autant dire une vie entière dans celle d’un groupe de musique. Il était donc normal que je m’attende à du mieux si j’ose dire, le groupe ayant mis la barre très très haute en première intention à l’époque. Manifestement, le groupe est parvenu largement à remplir ses objectifs tant la production est propre, nette et sans bavure aucune. On frôle la perfection et je note que cette fameuse dissonance est encore plus mis en exergue sur Winterreise, apportant cette touche moderne dans un Doom Sludge Metal qui brille habituellement par sa lourdeur plus que par son sens aiguisé. Chaque instrument a sa place qui lui est dédié et qu’il mérite, ce qui confère à l’ensemble instrumental une vraie harmonie dans l’horreur. Et pour moi, la nette différence avec son aîné de six ans consiste sur le placement du chant. Avant, il fallait un peu tendre l’oreille pour percevoir les cris horribles du chanteur. Aujourd’hui c’est l’inverse ! Il faudrait presque tendre l’oreille pour entendre les instruments derrière tant le chant est mis en avant, pour mon plus grand bonheur. Résultat : une production inspirante, impeccable et qui ne souffre d’aucune contestation. Lethvm a grandi, moi j’ai vieilli… C’est un constat. Mais dans les deux cas, les gens diraient qu’on se bonifie. Je pense que dans le cas des amis belges de Lethvm, c’est complètement incontestable ! Encore une baffe de forain sur ce Winterreise.
En fin de compte, derrière l’apparente simplicité des noms des pistes et de la musique minimaliste de Lethvm, se cache finalement deux possibilités selon moi. La première étant la carte de la sobriété dans le développement du concept, rejoignant ainsi l’entière démarche artistique de base et n’étant au final qu’un recueil de morceaux plus qu’un album conceptuel. Ou deuxième possibilité… L’inverse. J’avoue que s’il y a un concept derrière l’album Winterreise, je ne l’ai pas perçu, ce qui est dommage puisque je suis convaincu qu’au regard du talent de composition des musiciens, et des atmosphères qu’ils sont capables de distiller en un ensemble instrumental simple mais redoutable, Lethvm pourrait nous pondre un album concept en béton. C’est là le seul flou artistique pour moi sur cette chronique, m’empêchant au passage de mettre la note maximale. Je crois que le groupe aurait tout à gagner à clarifier sa démarche artistique, s’il s’agit de faire dans le simple et redoutable, ou dans le sophistiqué caché…
Mais cela, c’était jusqu’à ce que le dossier presse parvienne à s’ouvrir sur mon pc. Et là… La méga claque. Je vous laisse lire, cela se passe de commentaires tellement c’est magnifique : « Avec ce troisième album, nous voulons explorer encore plus intensément les émotions qui sont depuis l’origine présentes au sein du groupe : colère, mélancolie et solitude. Le concept de l’album est d’articuler ces sentiments autour d’une série de poèmes du XIXe siècle par Wilhelm Müller et déjà mis en musique par Franz Schubert en 1827 dans le cycle de lieder Winterreise. Ces textes ont été une grande source d’inspiration lors de la composition et nous avons voulu en rendre une libre interprétation. On y retrouve une volonté de voyage, mais également un sentiment d’immobilisme. Chaque note, chaque silence de l’album est pensé pour nous emporter en tant que musiciens, mais également emporter l’auditeur au cœur de cet hiver. » Autant dire que la messe est dite… Album exceptionnel, aucune contestation possible. Une de mes claques de l’année.
Le truc éminemment dantesque dans Winterreise et d’une manière générale chez Lethvm, c’est le chant. Dans le genre qui me scotche par terre avec du double-face, et qui me retourne le cerveau et les boyaux en même temps, avec cette technique vocale monstrueuse, caractéristique du genre Sludge Metal mais qui se démarque peut-être justement par cette ajustement voulue avec le son aigu de la musique, et donc l’impression que la technique vocale est hybride entre le chant sludgien et celui que l’on reconnaîtrait parfois dans des groupes de -core. Ce chant qui se détache donc sonoriquement parlant des autres instruments pour être mis en avant comme LE point fort – ce qu’il est incontestablement – de la musique de Lethvm, je trouve cela impeccable et tellement à propos que l’on viendrait presque à se demander pourquoi ce choix n’était pas assumé comme tel avant. En tout cas, je note que le chant me fout toujours autant les pétoches, au point de me faire une frayeur tout seul avec mes chats dans mon salon. Il ne fait pas bon d’écouter Lethvm dans le noir total, dans son salon, avec des chats qui ronflent… Franchement, le chant est lui aussi énormissime.
Pour conclure, Lethvm revient aux affaires cette année avec un troisième album nommé Winterreise. Ayant fait honteusement l’impasse sur le précédent, c’est un retour aux sources pour moi puisque, comme je l’énonçais en haut, le premier album a été une de mes premières chroniques pour le webzine. C’était donc avec une sincère émotion que je me suis plongé de nouveau dans le Doom Sludge Metal de nos amis belges. Mais alors, autant vous dire que mes émotions positives se sont littéralement liquéfiées sur place à l’écoute de la musique de Lethvm qui n’est qu’un énorme fracas de mélancolie, de souffrance et de lourdeur dissonante. Une musique qui fait l’effet d’une série d’uppercut sur le moral et l’optimisme, qui nous mettrait K.O si la Mort elle-même se parait de gants de boxe cloutés. Lethvm a construit sa musique autour du négativisme pur, et cela se ressent avec une intensité si folle que l’on se demanderait même par quel moyen nous mettrions fin à nos souffrances les plus enfouies, et les plus remontées par le même coup. A ne pas écouter si vous souffrez de dépression, pour le reste je ne peux que vous conseiller urgemment d’y aller. Vous passeriez à côté d’une des meilleures sorties Doom Sludge Metal de cette année !
Tracklist :
1. Blank (05:03)
2. Pretence (06:21)
3. Torrents (06:33)
4. Carved (05:57)
5. Mournful (07:28)
6. Night (04:48)
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