Line-up sur cet Album
Wolfkrieger : tous les instruments, chant
Style:
(Raw) Black MetalDate de sortie:
03 décembre 2021Label:
Black Shadow Legions / Acid ViciousNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« Château pris n’est plus secourable. » Proverbe français
Il y a un élément qui me plait de plus en plus dans le black metal actuel, c’est ce renouvellement qui permet à ce dernier de ne plus être estampillé sataniste à tout bout de champ. Il y a un effet de mode si j’ose dire qui consiste à chercher de nouveaux sujets encore plus impromptus ou carrément l’inverse, c’est à dire des sujets pour lesquels on n’aurait pas parié un kopeck mais qui collent parfaitement avec l’ambiance générale du genre. Je suis donc bien content de découvrir de nouveaux groupes qui font la part belle à certaines thématiques. J’ai parlé longuement des forêts sur plusieurs chroniques, puisque loin d’être dénaturées, ces dernières représentent des égrégores puissants, inspirants pour des musiciens des albums très bons. Je découvre ce jour un album plutôt inattendu, qui m’a beaucoup questionné sur le sens que l’on pourrait mettre à ce black metal poussiéreux parfois, sans tomber dans une forme d’exagération de la provocation. Et vous voyez, paradoxalement, moi qui suis friand d’un peu tous les styles de metal, je ne me lasse jamais des ramifications nouvelles du black metal au détriment, en revanche, de certains autres styles qui sont codifiés d’une manière plus franche pour moi. Le nombre de débats que je me suis tapé à savoir si le black metal devait évoluer, alors qu’en vérité pour les autres genres, niet. Mais voilà, cette chronique est aussi un rare moment de sincérité, et de tolérance. Vous allez en déduire pourquoi, mais je dois dans un premier temps vous présenter Oliferne, un nom qui sent bon l’Histoire mais aussi la musique, et sa démo « Premières Armes« .
D’Oliferne on ne sait pas grand-chose. En vérité, c’est un peu le flou artistique. La première chose que j’ai réussi à identifier, c’est que le nom du groupe est en lien très probablement avec le pic d’Oliferne, qui est une montagne dans le département du Jura, et qui contient les ruines d’un château qui porte le même nom construit en 1230 et brûlé en 1592. Du reste, ces ruines renfermeraient des légendes, notamment d’un chasseur fantôme qui traque les personnes perdues les nuits de clair de Lune, et surtout le conte de la Vouivre, un « serpent ailé crachant du feu et ayant sur son front, comme unique œil, un diamant flamboyant nommé escarboucle. » Mais je ne vais pas non plus vous faire un cours d’Histoire! Oliferne est donc un groupe dirigé par une main de maître qui se nomme Wolfkrieger et qui semble rendre hommage à ce château et ses légendes, on y reviendra. Sur le groupe en lui-même, je ne sais donc rien de particulier hormis qu’il s’agit d’un one man band et qu’il sort sa première démo chez Black Shadow Legions en coproduction avec un autre label appelé Acid Vicious. Première démo qui s’intitule également « Premières Armes« . Un nom très singulier qui renvoie aux premières armes que l’on se fait soi-même par l’expérience et la découverte, et la consonance un peu guerrière qui me rend curieux. Je dois admettre que beaucoup d’éléments m’ont piqué ma curiosité concernant cette démo produit en format cassette exclusivement, grande première pour le label Black Shadow Legions !
Une pochette qui met l’accent sur le fameux château, avec une belle photographie en noir et blanc le tout sur un paysage avec soit un lever de soleil, soit un coucher. Mais le ciel est bien dégagé en tout cas. On ne dirait pas, mais cette photographie reflète pas mal de sens. Je ne sais pas si la démarche est voulue, sincèrement. Mais je trouve que cette dernière raconte pas mal de symboles. J’y vois une ode au temps qui passe, à la dégradation que le temps induit sur la pierre, le changement des paysages, la végétation qui est un éternel recommencement. Donc on pourrait se dire que la photographie de « Premières Armes » est une métaphore intéressante sur le temps, sur l’Histoire. Oliferne est un lieu qui semble emblématique quoique peu connu, du moins par-là où j’habite, et je ne suis pas spécialement surpris que le photographe, dont je devine l’identité, ait choisi cet endroit, tout en n’occultant pas le lien nominal avec Oliferne pour le groupe bien entendu. Mais pour faire terre-à-terre, il aurait pu choisir un paysage plus connu ou plus fourni. Mais pour terminer mon propos, j’y vois aussi une forme de chaos sur cette photographie. Je ne sais pas l’expliquer pourquoi avec précision mais cette image figée me fait penser au chaos, à la destruction. Bon enfin, voilà une pochette à la Black Shadow Legions, avec une photographie qui comme souvent fait parler, fait réfléchir et fait ressentir de l’émotion. Il a toujours été judicieux dans ce versant-ci, et le fait qu’il me fasse confiance est en lien avec mon interprétation analytique et personnelle des artworks. Et je dois dire que celui de « Premières Armes » est parlant de sens! Très bon choix, comme d’habitude cher ami.
Sans suspense au regard de ce que produit le label, et des chroniques faites auparavant, la musique est du bon black metal pur jus concentré, avec surtout un côté raw bien audible. Audible n’est du reste pas le mot que beaucoup d’entre vous emploieraient, j’en ai conscience, mais pour les initiés c’est le principe même du raw. Faire une musique plus brute, sans retouche réelle ni soin esthétique apporté pour avoir quelque chose de propret dans son sens littéral. Cela n’enlève en rien les mélodies très envoutantes de cette démo! Et je note un côté épique très prenant aux tripes, très guerrier, qui amène Oliferne à nous conter ces fameuses légendes païennes et ésotériques, le tout dans un décor moyenâgeux dans les relents crades qui se mêlent aux mélodies guitares. En gros, cette démo sent bon le black metal froid et sale avec une touche personnelle très médiévale et épique qui ne me laisse absolument pas indifférent. C’est probablement une des rares fois où je découvre ce mélange qui semble antithétique si l’on s’attarde sur l’importance d’un son propre pour pénétrer pleinement dans les enchantements mélodiques, mais loin de dénaturer ces mélodies, je trouve à ma grande surprise que ce côté bien raw lui donne une toute autre dimension. Plus solennelle et plus mystique aussi, historique également si l’on est audacieux dans l’analyse. En tout état de cause, « Premières Armes » reste une démo courte avec cinq pistes pour un total de trente-deux minutes et une démo qui donne un sens même à l’essence du black metal. Parce qu’il n’y a pas que la froideur! Que serait Satyricon sans sa démarche médiévale? Que serait Darkthrone sans sa démarche épique? Le black metal, quoiqu’on en dise, n’est pas que froideur et vacuité. C’est aussi une musique forte pour l’émotion, l’histoire et la fierté. Et Oliferne m’a conquis dès la première écoute car il représente tout cela, tout ce que je recherche dans le black metal, qui est certes un brin dans une obédience désuète, mais qui reste toujours un égrégore éternel. La première écoute est validée!
Pour la production, comme je disais, on est sur du raw. Cela signifie donc un son « maison », avec une ou des guitares enregistrées telle quelle et qui ont au moins le mérite d’occuper le spectre sonore sans qu’une basse soit requise. La batterie est classique, sans sophistication ni fioriture technique aucune, juste un marqueur rythmique typiquement violent et linéaire, ce que l’on retrouve dans la majorité de groupes black metal raw comme ici. Je fais souvent le reproche de ces one man band qui ne souhaitent pas s’octroyer humblement les services d’un batteur parce que, quoiqu’on en dise, l’apport d’un batteur même si la musique ne souffre pas d’une ambition démesurée est essentielle et fait la différence. On voit tout de suite quand on a un batteur! Mais bon, rien de grave encore une fois puisque l’ensemble reste majoritairement linéaire et seules les mélodies guitares transpercent la monotonie froide de la musique. « Premières Armes » est donc une démo produite sur les cendres de ce qui fait la beauté sale du black metal raw, et c’est la magie que j’aime dans ce genre. Oliferne demeure un jeune groupe qui est perfectible et pour notamment la raison de cette batterie un poil trop identique, je lui attribue un genre de « très bien mais ».
C’est marrant mais au plus j’avance sur les écoutes, au plus je me rends compte de la puissance de la musique d’Oliferne qui est indubitablement liée à l’amour de la patrie. Attention! Pas forcément la patrie française dans un sens nationaliste, encore que pourquoi pas ça je ne le sais pas, mais de cette terre. Un peu comme les seigneurs aimaient leurs terres, « Premières Armes » est un vibrant hommage à ce lieu et surtout à ce Jura natal de l’auteur. Et c’est là que je suis un peu resté sur ma faim sur cette démo, parce que quitte à jouer la carte de la fierté, je pense que le musicien derrière ce beau projet aurait pu pousser le paroxysme jusqu’à parler vraiment de sa terre si chère. Je trouve que les titres des morceaux sont un brin trop passe-partout, il aurait fallu avoir quelques mots en patois local par exemple. Moi, si j’avais un jour l’inspiration assez forte pour causer de mon Ardèche chérie, j’aurais cherché du patois, des légendes locales, ou des trucs du genre. Là, je trouve qu’en parlant d’Oliferne, cela manque un peu de références directes. Mais bon comme je n’ai pas eu accès aux textes, je n’ai pas pu en être sûr, voilà pourquoi je suis resté sur les titres. Musicalement parlant, je crois avoir tout dit plus haut. C’est une démo pleine de fierté, de sens guerrier, de révolte et de colère, et j’adore cela, vraiment. « Premières Armes » me sied beaucoup!
Le chant à présent! Ce n’est pas chose aisée d’en parler, non pas parce qu’il est mauvais parce que stricto facto ce n’est pas vrai, mais parce que je ne sais pas si ces déclamations sont le fruit d’une technique de chant travaillée ou de vrais cris de détresse. C’est toute la confusion qui demeure car contrairement au reste, le chant a été probablement soit enregistré dans des conditions encore plus dantesques, soit c’est le seul « instrument » retouché de cette démo mais j’en doute. En tout cas, le chant est suffisamment étrange pour m’interroger. Je trouve néanmoins que le procédé de chant est tout à fait raccord avec le reste et même si l’on pourrait lever un sourcil en guise de scepticisme, il n’en demeure pas moins que le tout fonctionne bel et bien. C’est juste la technique et les retouches en elles-mêmes qui me laissent un peu perplexe, mais c’est le côté chanteur qui s’interroge plus que le chroniqueur.
Pour conclure ici, Oliferne nous ramène vers des temps lointains avec cette première démo nommée sobrement « Premières Armes« . Il y a beaucoup de sens métaphoriques cachés rien que dans le titre, alors imaginez un peu la musique et le concept! Il faut se représenter tout le caractère utile du black metal raw à en mourir pour aller dans ces contrées historiques pour comprendre, cela demande donc une initiation que je n’hésite pas à qualifier de forte pour apprivoiser cette musique sale, froide et sauvage au possible. Parce que comme disait Môrad Zguiouar, « derrière chaque beauté se cache une laideur et vice-versa« , Oliferne cache derrière l’apparente saleté froide de sa musique un véritable hommage, une homélie à son Jura et particulièrement à ce château dont ne demeurent aujourd’hui que des vestiges, des ruines, mais une histoire et des légendes. Et c’est pour cela que « Premières Armes » est une démo à découvrir, pour sa nostalgie et son patriotisme contagieux. Très belle démo!
Tracklist :
1. Au Pied de la Tour Maudite (Intro) 04:11
2. Hymne à ma Terre 08:12
3. L’Ultime Combat 05:52
4. Renaissance Païenne 06:09
5. La Forteresse Maudite 08:17
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