Line-up sur cet Album
- Sean Deth : tous les instruments, chant
- Guests :
- Kackophonix : violoncelle
- Dréa Drury : chant sur 5
- Michał Krawczuk : chant sur 9
Style:
Néofolk / Musique FolkloriqueDate de sortie:
27 août 2021Label:
EisenwaldNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10
“La nostalgie; la fiancé des bons souvenirs qu’on éclaire à la bougie.” Grand Corps Malade
Quelle est la frontière entre le néofolk et la musique folklorique ? Je me suis très souvent posé la question, sans avoir réellement de réponse. En vérité, je me suis renseigné en amont de cette chronique, histoire d’être certain que je ne racontais pas de connerie. Le souci est que je me limitais à comparer le néofolk et la musique folklorique selon les utilisations et choix des instruments, ce qui vous le comprendrez n’était pas une sinécure. Pour moi, le néofolk était surtout une volonté de remettre au goût du jour, et de manière commerciale, des musiques ancestrales revisitées avec des instruments traditionnels, voire des chants idoines. La musique folklorique se limiterait quant à elle à des instruments plus classiques, se situant d’ailleurs sur la frontière étroite avec le rock par exemple. Et puis j’ai eu le grand malheur de lire Wikipédia. Vous me direz, on accorde le mérite selon nos us et coutumes, et je sais ce que vaut une page Wikipédia. Mais quand je lis des noms comme Woodkid (dont je suis un grand fanatique), Dernière Volonté, Agalloch ou même Ataraxia, le tout associé à Skald, Heilung, Faun ou Fjed par exemple, j’avoue que je suis perdu. On est d’accord que la ressemblance n’est pas si évidente, notamment Dernière Volonté qui se situerait plus sur la mouvance darkwave, ou Ataraxia sur le néo-classique. Enfin bon… Tout cela pour dire que j’ai choisi de faire la chronique d’Osi and the Jupiter parce que le groupe m’a été vendu comme du néofolk. L’album « Stave » va-t-il me donner raison? That’s the question Watson.
Osi and the Jupiter, honnêtement, beaucoup de monde m’en parle depuis longtemps. En particulier ceux qui connaissent mon affection pour tout ce qui est de près ou de loin folk. Mais comme je suis un tantinet têtu, je n’ai jamais écouté plus que cela. A peine ai-je survolé le bazar, mais sans faire escale de manière pérenne. Mais passons ! Osi and the Jupiter est le projet d’un seul homme, Sean Deth qui est américain et qui est surtout un multi-instrumentaliste officiant dans au moins trois autres formations, plus metal : Witchhelm (stoner doom metal), Ulven (black metal) qui est aussi un one-man band de son cru, et Burial Oath (black metal). Un gars qui est né en 1982, qui n’est donc pas né de la dernière pluie et qui propose avec son bébé Osi and the Jupiter pas moins de cinq albums avec ce dernier. Son projet ayant vu le jour en 2016, on est sur un ratio plus qu’honorable ! « Stave » est en tout cas le dernier né de ce talentueux personnage, et je me délecte de découvrir l’ensemble. C’est donc sur un sentiment d’ambivalence que j’attaque, n’ayant jamais trouvé auparavant la motivation pour enfin me plonger dans ce projet. C’est parti !
Et comme toujours, j’attaque par quoi ? Par la pochette ! Eh oui ! Pour commencer, j’ai cherché ce que signifiait « Stave », et je suis tombé sur plein de significations différentes : portée, strophe, douve, stance et fouet… Bon, autant dire que je n’ai pas su quoi choisir. Accessoirement, Stave est une commune belge. Voilà, c’était pour la minute savoir inutile. Et concernant une potentielle signification, je pense que l’on se situerait sur « douve », qui est en fait la planche qui sert à faire les tonneaux. Cela rejoint le fait que le mot soit gravé sur du bois, le tout dans un décor un peu bucolique avec d’un côté un joueur de guitare, et un violoncelle sur le côté opposé. J’imagine que le joueur de guitare représente Sean Deth, d’ailleurs la ressemblance est parfaite. Le violoncelle est de pair avec l’invité sur l’album. Le décorum fait penser à une forêt, avec quelques champignons et verdures. L’ambiance est un peu mélancolique et me fait penser à la pochette du duo Crooked Headstone, ce qui est un compliment. D’ailleurs, l’ensemble peut sembler simpliste, et globalement sur la forme c’est un peu le cas. Mais j’aime bien ces pochettes simples à comprendre, qui posent le décor général et va droit au but. Le style aurait pu être meilleur, j’avais de fait largement préféré l’artwork de « Nordlige Rúnaskog« . Mais je m’en contenterai sans difficulté.
La musique m’a donc posé le dilemme évoqué en introduction. En fait, je ne remets pas en question l’intention néofolk d’Osi and the Jupiter mais je suis convaincu qu’il s’agit plus de musique folklorique. Pour une raison très simple : les instruments utilisés sont classiques, pas du tout évocateur d’une nostalgie comme le ferait des groupes de néofolk qui utilisent des instruments traditionnels et anciens. Là, Sean Deth utilise une guitare, probablement un clavier et est accompagné d’un violoncelle, et c’est tout ! Mais alors, le résultat est époustouflant. La musique n’utilise que très peu d’instruments mais l’ensemble est tellement puissant et émouvant que j’en suis resté bouche bée. Cette capacité de faire une musique incroyable avec peu, là je me mets à genoux d’office. Ma génuflexion n’a d’ailleurs été que crescendo tellement chaque morceau bonifie les précédents. A vrai dire, mon hésitation sur le style n’est intervenue qu’à la toute fin de mes écoutes, tellement j’ai été transporté. Les ambiances font très folk américain empreint de quelques croyances mais avec tout de même une grande part d’intimisme, de personnel, qui font plus penser à des états d’âme et des émotions éphémères qu’à de réels soubresauts bigots. Les arrangements studio ont une grande reconnaissance à avoir car ils jouent un rôle fondamental. Mais globalement, Sean Deth a réussi l’exploit peu banal (pléonasme) de pondre un album avec pas grand-chose mais dont le résultat n’en est que plus exceptionnel et magique. Et cela, j’adore, je vénère ces artistes du plus profond de mon être. La première écoute est bel et bien validée, sans doute possible !
La production a donc probablement un rôle primordial dans ce « Stave« . D’abord parce que faire avec peu, c’est moins facile que le commun des musiciens pourrait penser. Et surtout que le résultat final est époustouflant. Le son de la guitare est capital, envahissant l’espace sonore avec un mélange de puissance et de finesse. Le ou les claviers qui sont plus là pour amener des ambiances supplémentaires, notamment par la voie des nappes, qui sont plus qu’utiles cependant. Les percussions, moins nombreuses mais qui sont distillées avec parcimonie, et qui jouent là encore un rôle capital dans certains passages plus martiaux, plus solennels. Enfin, le violoncelle. Alors lui… Il m’a littéralement retourné le cerveau. Les arrangements lui donnent un son fou, avec quelques effets qui permettent une forme d’élévation très aérienne et légère, avec cette gravité inhérente aux cordes frottées comme son petit frère le violon qui m’ont souvent touché. Au point parfois de pleurer, c’est vous dire. Rarement un instrument m’aura autant bouleversé que ce violoncelle qui, je le rappelle, n’est qu’un invité ! En tout cas, vous aurez compris que derrière mes formules alambiquées, frôlant limite la complaisance de l’eau de rose, j’ai tout simplement été mis sur le cul par cette production superbe, poétique, digne des bandes-son de films et encore ! La magie en plus. Un véritable chef d’œuvre sonore.
Du reste, je me suis surtout laissé aller à quelques écoutes en plus, non pas pour étayer mon analyse du fait de mon unanimité objective et subjective, ce qui est rarissime, mais plus pour le plaisir tout seul. Je crois pouvoir dire qu’Osi and the Jupiter fera partie de mes incontournables en matière de néofolk ou musique folklorique, à dire vrai on s’en fiche royalement de savoir ce que c’est. Sean Deth est un musicien incroyablement bon, et son album m’a téléporté vers un monde plein d’émotions débordantes et de marasmes. Toutefois, il y a une sorte d’hommage qui est rendu indirectement ou non, à l’histoire de l’Amérique et ses traditions lointaines. Cela s’en ressent fortement dans quelques morceaux. C’est d’ailleurs une sorte de clivage opportun que Sean Deth a proposé dans « Stave » : des pistes plus personnelles, intimistes mais néanmoins généreuses et empathiques, et des pistes plus traditionnalistes. On devine que le mec aime se remémorer quelques soupçons de croyances quand-même. Je ne sais pas exactement si c’était son intention première ou s’il compose avec un instinct génial, mais je suis convaincu qu’à travers ce cinquième album, Osi and the Jupiter se veut être un projet musical qui rend hommage. Voilà, rideau ! C’était magnifique, les mots me manquent.
Enfin, pas tout à fait rideau. Car il y a quelques petites subtilités qu’il faut souligner. D’abord, la reprise de « Nights in White Satin » de the Moody Blues, que beaucoup connaissent et qui est une chanson absolument magnifique, que j’adore énormément, et qu’Osi and the Jupiter reprend avec brio ! Sur un autre mode, évidemment plus Sean Deth et son attachement pour les ambiances folkloriques, mais avec autant de talent que l’original, rarement reprise m’aura autant transcendé. C’est superbe ! Ensuite, il y a deux invités au chant, sur seulement deux pistes, à savoir « Wights et In Death », respectivement ambiancés par la chanteuse Dréa Drury (Anilah) et Michał Krawczuk qui est derrière le projet folk By the Spirits, basé en Pologne. Deux invités de haut vol, avec des chants très différents évidemment mais tout aussi opportuns. Le choix sublime davantage la musique en tout cas, et j’apprécie de ne pas avoir eu un album entièrement instrumental. Le choix est minutieux et c’est tout ce qui compte !
Pour terminer la chronique, Osi and the Jupiter, étendard génial de Sean Deth, nous fait découvrir un futur album de génie quasi absolu. Sorte d’hybride entre une musique folklorique simple et un néofolk américain, « Stave » est surtout plein de surprises et de bonnes ondes. Un album qui est un appel au voyage, avec des émotions qui prennent aux tripes et vous donnent une furieuse envie de vous barrer très loin de tout ce merdier quotidien pour juste profiter des bienfaits d’un environnement calme et détendu. Je crois sans rire que ce cinquième album sonne comme une révélation pour moi, un vrai modèle du genre et un futur gros projet de musique qui restera gravé en moi jusqu’à la fin de ma vie. Plus qu’un CD de chevet, « Stave » d’Osi and the Jupiter est un authentique diamant, un joyau poli à la quasi perfection par un mélange primordial de génie artistique, d’émotions sincères et d’une forme de nostalgie qui révèle les velléités de s’enfuir les plus réprimés par cette raison castratrice. Un chef d’œuvre, et ne faites pas votre Quantum : allez écouter, écoutez plus vos amis. Vous ne le regretterez pas !
Tracklist :
1. To Reap What Has Sown
2. Stave
3. Cosmic Creation Through Primordial Void
4. Folk Of The Woods
5. Wights
6. Old Ways
7. Inner Flame
8. Mountain Shamanism
9. In Death (Carry Me Home)
10. Eihwaz (The Beating Heart of Yew)
12. Appalachia
13. Nights in White Satin (Cover of the Moody Blues)
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