Line-up sur cet Album
- Tyrannos : basse
- Euplocephallus : batterie
- Sinaloaraptor : visuel
Style:
Sludge MetalDate de sortie:
19 novembre 2021Label:
Argonauta RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
« Le sage est comme un enfant qui se tiendrait sur les hauteurs d’une montagne, et jouerait avec le soleil et les orages en riant. Tous les pouvoirs lui sont donnés. Il invente un nouveau langage, dialogue avec le vent, crée de nouveaux univers, parle avec ses rêves, mime le vol d’un oiseau ou la démarche burlesque de l’ours. Il se moque de ses propres angoisses. Il observe ses émotions, ses sensations, comme on observe les fleurs d’un jardin. Il habite un nuage doré où la mort ne pénètre pas. » Proverbe amérindien.
« Je me répète au fur et à mesure que je chronique du stoner, mais je suis ébahi par cette fascination quasiment unanime pour les éléphants. Je crois que, de mémoire, j’en suis à trois ou quatre chroniques d’un groupe qui parle ou qui soumet de loin le sujet des éléphants. Il convient de dire que je sais un peu pourquoi il y a un rapprochement aussi pachydermique, je l’ai appris à mes dépends : c’est pour la rythmique lourde qui est inhérente au genre doom metal. Après, quand il y a du stoner c’est encore mieux parce que cela amène un côté psychédélique qui est conforme à l’aspect décalé de ce sujet d’album. Donc, cette fascination n’est autre qu’une métaphore filée pour parler directement de la musique ! Après, quand je parle d’éléphant, j’englobe surtout les mammouths qui sont légion. Mais vous avez saisi l’idée j’imagine. En tout cas, je suis rôdé désormais : quand je vois une pochette pachydermique, je n’ai même pas besoin d’entrer dans une analyse profonde, je sais que ce sera du stoner, ou à défaut du doom ou du rock psychédélique. Cela devient simple comme bonjour ! » Bon, cette introduction paraphrasée était dans un but d’illustrer mon ébahissement face à tout ce qui s’approche de près ou de loin à une conception pachydermique. Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir débarquer sur une liste d’albums à faire un nom comme Pachiderma ! Qui plus est dans un genre radicalement différent ou non d’un genre stoner, et dont l’album se nomme « Il Diavolo, La Peste, La Morte » !
Mais ce n’est pas tout à fait terminé dans le registre surprise, puisque cet album est en tout point un concentré d’originalité ! Pachiderma est un groupe qui vient du sud de l’Italie, pas réellement l’endroit où l’on croirait trouver des éléphants ou autres bestioles du genre, mais pourquoi pas ! L’origine de cet OVNI musical intervient en l’année 2017, et première grosse surprise, il s’agit d’un duo de musiciens uniquement tourné sur la basse / batterie. Donc, déjà, on a un groupe bicéphale, qui a attendu quatre ans et plus pour sortir son premier album « Il Diavolo, La Peste, La Morte« , mais qui en plus n’a ni guitare, ni chant, ni autre instrument ! Avouez que c’est étonnant ! Mais ce n’est pas tout, car le pouvoir du grand truc qu’on ne comprend pas va plus loin. Je ne regarde pas les biographies avant d’écouter les albums, il faut le savoir. Naïvement, j’ai basé mon analyse sur l’idée que ce premier album était autoproduit, et n’était sous aucune bannière tellement la musique et le concept visuel sont d’un décalage rarement atteint. Mais non ! Il est produit ! Et pas par n’importe quel label : Argonauta Records ! Alors là, les bras m’en sont tombés mais d’une force ! Non pas que l’album soit nul, pas du tout ! Mais je ne m’imaginais pas qu’une musique aussi dingue puisse être produite par un label aussi important. Et pour finir le label nous explique que Pachiderma base son concept sur les films du réalisateur Ingmar Bergman. Pareil, je ne connais pas le réalisateur en question qui a officié dans les années 40… Vous m’excuserez j’espère. Enfin voilà ! Vous êtes prévenus, ce ne sera pas un album ordinaire. Vous en aurez un argumentaire en bas.
Avouez que quand on regarde la pochette, on se demande si le contenu de ce bang géant n’aurait pas un peu trop grillé les neurones de notre duo de musiciens. Ajoutons d’ailleurs à ce duo un troisième personnage qui est décrit comme un membre à part entière du groupe Pachiderma : Sinaloaraptor. Le mec officie dans tout le visuel général du groupe, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne se contente pas de fumer que de l’herbe à chat ! Ce savant mélange burlesque de dinosaures, de figures démoniaques en train de se droguer ou de ronger un os (?), au milieu d’un décor complètement WTF avec des gens nus qui se bouffent entre eux, s’ils ne finissent pas empalés, décapités, ou cuits sur un bûcher. C’est le gros bordel cet artwork ! Dans un style relativement grossier et peinturluré, avec des couleurs que je trouve d’un goût un peu douteux, sincèrement. Après, ce délire dinosauresque me fait penser à celui que l’on trouve chez Synthosaurus, groupe de dungeon synth qu’on ne trouve que sur Bandcamp. Il faut bien évidemment prendre cet artwork avec une énorme dose de second degré, et ce dernier a au moins le mérite de planter le décor concernant les intentions du groupe : cela renifle bon les vapeurs d’absinthe et quelques cachets bleus fluo ! Non je plaisante ! Mais sur la question de l’artwork, j’aime bien le décalage, je suis assez friand de nature de ce genre de délire complètement absurde et cette satire de ce qui apparaît comme démoniaque me plait tout autant. Il doit y avoir des références au réalisateur suédois Ingmar Bergman, mais je vous laisse juger si vous connaissez. Pas mal MAIS, il manque le nom de l’album et du groupe !
On récapitule : un duo basse / batterie, un artwork sorti des méandres d’un cerveau sous emprise comme disent les Belges, et une présentation de groupe qui parle d’un album en un seul morceau, divisé en trois parties, chacune portant le nom d’une partie du nom de l’album. Vous me suivez ? Vous voyez le truc étrange venir ? Vous n’imaginiez pas à quel point. Sur le papier, on pourrait raccourcir l’analyse en disant que c’est du sludge metal, point. En vérité, c’est beaucoup plus farfelu encore. La musique a quelques relents stoner, quelques passages un peu genre bruitiste et des samples dont les extraits nous semblent presque insondables, mais dont on devine dans le marasme ambiant qu’il s’agit de films. Ce que je trouve étonnant c’est cette propension à rechercher le burlesque même dans la (dé)construction de la musique. Les riffs sont plus des enchevêtrements de passages différents, par moment déstructurés rythmiquement, de longs balancements d’accords très doom metal, une batterie un peu jazzy, mais il y a bel et bien ce côté pachydermique avec une lourdeur extrême, un son épais et boueux à la sludge metal mais pas trop, et enfin ces multiples samples qui passent derrière qui oscillent entre le mec qui tousse son bang, des extraits de films, des lamentations lointaines, etc. Bref ! C’est un vrai patchwork musical que nous propose en préambule d’une discographie le groupe Pachiderma. « Il Diavolo, La Peste, La Morte » est un album vraiment burlesque, qu’il convient de prendre avec autant de second degré que les blagues de Pierre Desproges. Moi, après une écoute, je ne suis pas spécialement en mesure de dire si j’aime ou non, si l’album est suffisamment bon pour être digne d’intérêt et d’être présenté, il me faudra de fait une écoute supplémentaire. Constat mitigé dans un premier temps donc.
Pour la production, je dirais que Pachiderma ne s’en sort pas si mal que cela ! Sincèrement, faire un duo basse et batterie relève déjà d’un certain exploit dans l’idée et l’élaboration riffique, donc le mettre en son relève d’un miracle. Et très honnêtement, je ne dis pas cela pour arrondir les angles, mais le son est vraiment agréable. La basse est joliment rebondie, occupe une place plutôt restreinte dans le spectre sonore, permettant aux samples quasiment omniprésents d’avoir une place intéressante notamment dans le fond sonore en nappes, et la batterie marque bien le rythme mais ne tombe pas dans l’extrême du tout, elle sert exclusivement de marqueur et démarqueur quand elle se déstructure. Après, le genre sludge metal implique quelques effets dans les instrumentations metal, donc rien d’étonnant à ce que cette basse soit bourrée d’effets, rappelons tout de même qu’elle est esseulée en instruments à cordes, pas de guitare pour l’épauler et le rôle mélodique n’est pas existant, cette dernière n’étant qu’une sorte de balancement d’accords soit en saccadé, soit en longueur. Mais sincèrement, au vu des difficultés conceptuelles que Pachiderma s’est imposé pour avoir cet univers grotesque, je dirais que la production est vraiment surprenante ! Et je l’ai beaucoup aimé en restant sur une oreille subjective d’auditeur lambda.
Alors, il convient de rappeler qu’il m’aura fallu une écoute en plus pour pouvoir me forger une opinion sur « Il Diavolo, La Peste, La Morte« . Opinion qui est renforcée par mes ressentis, et qui se situe sur une note positive. Je pense que dans ce genre d’albums, ne laisser place qu’à l’analyse est un suicide pour la chronique et pour le groupe. Disons qu’il n’y a pas vraiment lieu de faire une analyse profonde puisque la musique est un concentré massif de second degré et de décalage musical, et qu’il apparaît que ce n’est pas complètement intéressant dans les faits. L’univers conceptuel est clairement propice au doute et à la perplexité. Musicalement parlant cela reste toutefois quelque chose d’intéressant et de bien fait, avec un soin apporté à tout ce qui est sonore donc j’apprécie l’effort. Maintenant, subjectivement parlant, j’ai beaucoup aimé la musique de Pachiderma. J’aime ce son rebondi et balourd, j’aime la déstructuration des morceaux et les compositions sont loin d’être redondantes ni omnipotentes pour autant. C’est donc un album dont il est vraiment préférable de prendre avec du recul, un soupçon d’humour et surtout comme il est : complètement barré. Mais l’idée est là, l’originalité aussi et c’est tout ce qui compte ! Ce n’est pas un album révolutionnaire mais il est intéressant, et de fait il est bon. Voilà.
Comme il n’y a pas de chant, il est temps pour moi de terminer cette nouvelle chronique. Je vous avoue que je ne partais pas gagnant sur Pachiderma. L’album, qui est le premier et qui s’appelle « Il Diavolo, La Peste, La Morte » est une sorte d’hybride, une entité qui confère un sentiment de décalage total que ce soit autour de la musique et de l’imagerie. Je pars sur l’idée d’un sludge metal même si en l’état la musique qui n’est uniquement composée d’une basse et d’une batterie, saupoudrée de quelques samples, est assez innommable. Mais en l’état, si l’analyse a révélé quelques hésitations de ma part et ne permet pas de donner une note convenable à ce premier album qui par son décalage laisse finalement peu de place au sérieux, la subjectivité du chroniqueur amène quand-même une satisfaction intéressante à souligner. Parce que définitivement, « Il Diavolo, La Peste, La Morte » est un album qu’il faut savoir dompter pour l’adopter, un peu comme un animal albinos sera une future attraction après une période d’observation. Pachiderma est intéressant mais sa démarche demeure un peu trop déjantée pour passer le cap de l’analyse. Cela mérite une bonne dose de second degré qu’à titre personnel j’ai suffisamment pour apprécier. Vous êtes mis en garde.
Tracklist :
1. Intro 03:44
2. Il Diavolo 07:46
3. La Peste 12:42
4. La Morte 09:23
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