Line-up sur cet Album
- Simon Skotte Krogh : Guitare lead
- Martin Skyum Thomasen : Chant
- Jonas Faghtmann : Basse
- Jakob Ridder : Batterie
- Kasper Deichmann : Guitare rythmique
Style:
Black metal atmosphériqueDate de sortie:
18 septembre 2020Label:
Vendetta RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10
« La vie n’est pas un problème à résoudre mais une réalité qui doit être vécu. » Søren Aabye Kierkegaard
Pour surfer assez régulièrement sur les réseaux sociaux, je m’aperçois qu’il y a une recrudescence importante d’une sorte de « nostalgisme ». Ce que l’on appelle le saudade dans un mouvement littéraire du Portugal au vingtième siècle qui mélange des concepts étonnants, et qui conduisent à ne pas avoir de traduction française exacte : la nostalgie et l’espoir. C’est assez complexe à comprendre mais il faut s’imaginer que lorsque nous sommes dans la nostalgie, nous avons un espoir qui se créé et qui consiste à soit revenir en arrière, soit attendre que le manque qui induit la nostalgie revienne. Et je trouve que, sans le savoir, c’est exactement ce que vit notre société actuellement et certains groupes de musique et plus particulièrement le metal pratiquent ce que l’on appelle donc le saudade. J’ai fait pas mal de découvertes qui évoquent cette forme si singulière de pensée dans la musique, et je suis presque convaincu que la majorité d’entre eux ignorent qu’ils pratiquent cela. Ce mouvement littéraire étant resté enclavé dans le pays lusitanien n’arrange surement pas les choses, mais pour avoir lu quelques ouvrages traduits de poésie saudadienne, cela vaut énormément que l’on s’y penche dessus car c’est un concept qui divise tant certains le trouvent néfaste tandis que d’autres lui trouvent une beauté absolue. Quoiqu’il en soit, j’ai été surpris de découvrir un groupe du genre black metal qui propose, indirectement je pense, d’aborder ce concept dans son nouvel album : il s’agit du groupe Sunken et de son dernier né intitulé Livslede.
Alors, attention! Il y a en tout six groupes qui portent le nom de Sunken soit tout seul, soit accompagné d’un sobriquet (dont un groupe français) et pour cause : « sunken » est un adjectif anglais qui signifie selon le contexte « naufragé », « échoué » ou « creux » comme les joues creuses par exemple. Le Sunken qui nous intéresse ici est danois, originaire de la ville d’Aarhus dans le Midtjylland et a posé ses premières bases en 2013. Sept années d’existence durant lesquelles le line up du groupe a changé, les deux rescapés de 2013 étant le guitariste lead et le chanteur. Difficile en ce sens d’être prolifique et Sunken a depuis proposé une démo en 2013 et a dû attendre l’arrivée de nouveaux musiciens en 2017 pour sortir son premier album appelé sobrement Departure. Puis l’année 2020 et toutes ces péripéties a permis de voir naître le deuxième album du groupe, celui qui nous intéresse donc et qui se nomme Livslede .
Difficile de trouver une traduction exacte du mot « Livslede ». Il y a le mot « vie » dedans mais selon l’approche grammaticale que l’on a du danois (chose qu’évidemment je ne maitrise pas des masses) on a les mots « traineau » ou le verbe « recherche ». On devine simplement qu’il y a un côté moins noir que l’on a coutume de découvrir dans le black metal, ce qui change un peu et qui fait du bien. La pochette, en revanche, est assez classique avec un fond noir et deux parties distinctes : la partie de gauche qui représente le logo du groupe et le nom de l’album, et la partie de droite qui ressemble à une gravure grise. Gravure qui d’ailleurs est fort bien réussie, avec un luxe de détails très important et qui fait oublier, d’une certaine manière, la simplicité commune que l’on a dans les pochettes black metal, ici la simplicité étant l’absence de couleurs pour le très caractéristique nuance de gris – à ne pas rapprocher avec une certaine saga littéraire. La gravure en elle-même est une voûte à colonnes ioniques avec une vue sur un bord de mer, un horizon fait soit de nuages soit de montagnes c’est selon les points de vue et la gravure ne permet pas le distinguo, le ciel étant ouvert sur un grand astre entouré de quatre satellites. Un mélange de paysage assez surprenant, le genre qu’on ne verra jamais en réalité, il y a de fait une dimension onirique qui semble prépondérante dans cet artwork, un côté atmosphérique qui se détache bien et qui est bien en concorde avec la musique. La froideur habituelle et redondante du black metal est pour une fois représentée autrement, et j’apprécie cette recherche d’originalité tout en gardant les codes. Un très bon point donc!
Là encore, la frontière entre l’EP et l’album n’est pas aisé à définir, le CD étant composé d’une introduction et de quatre morceaux ce qui pourrait faire penser à un EP. MAIS, les morceaux sont très longs – entre neuf et douze minutes chacun – et constitue par la durée totale plus un album. Vous vous ferez votre opinion, mais pour moi c’est un album. Bref! Le nom des titres est en danois et signifie dans l’ordre « coulé », « solitude », « mépris », « delirium » et « désir de mort ». Ne vous fiez pas aux apparences : la musique est hautement plus complexe que le nom des morceaux. De fait, le black metal proposé est résolument atmosphérique par la longueur des morceaux, l’atmosphère qui s’en dégage justement et surtout l’infinie lenteur, l’aspect langoureux de la musique qui se veut oppressante mais aérienne. La grande subtilité du black atmosphérique est bien présente, et la première écoute répond exactement à mes attentes. Seulement, j’ai toujours eu un problème, j’ai conscience que le souci vient de moi ainsi le groupe n’en sera pas impacté, je n’arrive pas à tenir une écoute entière d’un album de black atmosphérique. Le problème venant principalement de la longueur excessive des pistes. Je sais que c’est l’effet voulu, je le sais très bien mais déjà que le black metal a tendance à souffrir de son éternelle linéarité dans ses riffs (je parle ici du black metal simple), quand il s’agit d’un album de black atmosphérique, la longueur est rajoutée à cette linéarité qui, si elle est belle et envoutante au début, laisse vite place chez moi à une forme de lassitude, quoique pas si grave que cela. Typiquement le genre de CD que l’on ne peut écouter sans faire autre chose à côté, comme un fond sonore. Sinon, on s’épuise le cerveau à en faire l’extrospection.
Si le constat de la longueur est ici manifeste, il n’en demeure pas moins que la production de l’album est extrêmement bien réussite et édulcore quelque peu mon premier ressenti. On voit bien que Vendetta Records a mis le paquet dans la production, le son de l’album qui en ressort n’est que propreté et parvient à garder avec lui cette subtilité encore une fois que l’on ne présente plus, rigoureusement black metal et qui amène une froideur intense. Un son nasillard, tranchant comme une pluie de grêle acérée une journée d’automne et suffisamment aéré pour permettre l’élévation dans les nuages tortueux qui font tomber cette grêle. J’ai juste un petit reproche mais qui se produit souvent dans le cas du black atmosphérique : la batterie un peu trop en retrait notamment sur les parties très instrumentalisées, car quelques petites parties sont moins noyées dans le spectre sonore. C’est certainement voulu tant cette dernière, si elle amenait naguère une rythmique marquée, enlèverait le côté éthéré de la musique, mais je pense qu’augmenter un peu la batterie dans le mixage aurait permis de moins se lasser. Mais ce n’est que mon opinion.
Par contre, j’ai beau me lamenter légèrement de la longueur excessive des pistes, je reconnais sans peine que tenir aussi longtemps un morceau, si linéaire soit-il, relève d’un talent incroyable de la part des musiciens. Je m’avance probablement un peu en affirmant cela mais pour avoir côtoyé, et pour en côtoyer toujours, des musiciens qui font du black metal, allez tenir un blast aussi long, avec de légères variabilités rythmiques, sur un morceau aussi long. Cela relève de la prouesse. J’ai toujours été très admiratif des musiciens pouvant accomplir ce genre de technicités, moi-même ne jouant d’aucun instrument metal, mais je suis bluffé et je le resterai. Qu’ils soient guitaristes, bassistes, batteurs, j’aurai toujours de l’admiration. Et Sunken a vraisemblablement beaucoup de talentueux musiciens dans son antre, les danois assurent vraiment dans ce deuxième album! Je n’ai aussi pas vraiment évoqué les samples, grossière erreur de ma part car ils sont juste exceptionnels. L’atmosphérique prend toute sa dimension avec des samples, je trouve que c’est un réel plus dans les albums que j’ai pu écouter en black atmosphérique et Livslede est l’exemple quasiment parfait de l’importance d’incorporer des samples, sinon mieux d’embaucher un claviériste pour la scène. Non seulement les samples édulcorent davantage ce sentiment de longueur extrême qui me refroidit péjorativement à chaque écoute, mais en plus ils sont magnifiquement bien exécutés. Très bon choix! A noter enfin que l’autre gros point positif est les mélodies qui jonchent l’album et qui sont dans une dimension beaucoup plus céleste que réellement black metal, c’est à dire des ambiances que l’on entend moins d’habitude, et qui renouvellent vraiment bien la musique originelle de l’album. Vous cherchez un album bien noir? Passez votre chemin, on a plus affaire à un CD d’onirisme, d’élévation et de nature que d’un vrai démonisme.
Le chant reste quant à lui assez basique, ce qui n’est pas une mauvaise chose du tout. Je suis même assez étonné d’entendre ce contraste entre la musique très planante et ce chant qui sonne très torturé, très souffreteux. C’est un mélange détonnant mais qui passe bien, assez inattendu au départ et qui peut donc surprendre l’auditeur mais qui, au plus l’album avance, trouve sa place. Pour sûr que le chanteur assure dans sa technique, et le travail en studio lui permet de bien se fondre dans la paysage sonore de l’album, sans qu’aucune anicroche ne nous dévie de l’écoute. Un chant très bon donc, et qui est en harmonie avec le reste sans pour autant suivre la même logique atmosphérique, c’est surprenant et très positif!
Etant d’un naturel intéressé et curieux, je me suis amusé à traduire les textes. Bon, n’ayant pas le temps de le faire comme un traducteur le ferait, je me suis servi – la honte – de Google Traduction. Et bien je n’ai pas été déçu! D’abord parce que les textes sonnent très bien au chant d’un point de vue phonétique, ce qui traduit de base une volonté poétique de la part de Sunken. Mais alors, les textes sont extrêmement bien écrits. La traduction si bancale du site n’a pourtant pas eu d’emprise, les phrases avaient toutes un sens précis, et bourrées de métaphores. Je vous invite à les traduire de votre côté, ne pouvant pas le faire sur la chronique sinon cela ferait un récit de dix pages, mais les textes sont splendides. Très poétiques, très à propos et avec une métrique très maitrisée qui force le respect. Pourtant, comme évoqué plus haut, le nom des morceaux ne prêtaient pas à l’originalité, mais le parolier, ne sachant d’ailleurs pas qui c’est, a réussi à transformer cette simplicité en des textes développés, métaphoriquement riches et plein de sens. Pour une fois qu’une souffrance intérieure est retranscrite avec luxe de vocabulaires et de détails, je suis totalement conquis par les textes de Sunken. Un très très gros point fort que je vous conseille de découvrir. On ne le répètera jamais assez mais la musique est un ensemble de choses sur lesquelles il est bon de s’arrêter sans en omettre!
Pour conclure, Sunken nous offre un deuxième album de toute beauté. La sortie digipack augure un nouveau membre dans ma grande famille de collection de CD. Mais pour les amateurs de black atmosphérique qui se contente de formats dématérialisés, il y aura forcément aussi des heureux. L’album est très bien exécuté, souffre tout de même selon moi de cette langueur un peu désarmante qui force à mettre la musique plus comme un fond sonore que comme une vraie réaction sensorielle à part, mais il n’en demeure pas moins que les cinq morceaux qui construisent Livslede sont solides, très aériens et donnent une puissance géniale et transcendante à la musique. Le Danemark a l’un de ces futurs meilleurs représentants sur la scène black metal, à n’en pas douter.
Tracklist :
1. Forlist 01:33
2. Ensomhed 12:27
3. Foragt 11:31
4. Delirium 08:58
5. Dødslængsel 08:45
Facebook : https://www.facebook.com/SunkenDenmark
Bandcamp : https://www.sunkendenmark.bandcamp.com/
YouTube : https://www.youtube.com/channel/UC9zRj0 … EhEkkrlgBg
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