Terreur Nocturne – Solitude Post-Mortem
Line-up sur cet Album
- Règne : basse
- Oneiros : chant
- L'Aveugle : batterie
- Matthias "Macchabée" Bonhoure : guitare
- Guests :
- Wÿntër Ärvn : chant sur 3
- Erroiak : chant sur 8
Style:
Black Metal Mélodique / DépressifDate de sortie:
13 octobre 2023Label:
M.U.S.I.C RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10
“Nommer sa terreur : une bonne façon de la rendre salutaire.” Claire de Lamirande
Je lisais récemment, suite à une mission d’infirmier en pédopsychiatrie, que quarante pour cent des enfants, tout âge confondu et notamment les enfants préscolaires, subissent des terreurs nocturnes. C’est un sujet intéressant auquel je suis, actuellement, personnellement confronté avec ma fille de six ans, qui développe des peurs d’endormissements et qui parfois se réveille la nuit en pleurs. Ce que les gens ne savent pas en revanche, c’est que les terreurs nocturnes apparaissent lors du sommeil lent et profond, soit après l’endormissement. Une terreur nocturne n’est pas celle qui apparaît quand on se réveille ou quand on se retrouve dans le noir. La vraie terreur nocturne prend donc vie pendant que l’on dort, causant au réveil une désorientation. Ce que je trouve fascinant dans ce processus, c’est qu’il fait appel à l’imaginaire de l’enfant, et notamment des constructions mystiques que l’on se soupçonne pas. Vous savez, ces légendes paranormales avec les enfants qui disent qu’il y a quelqu’un dans la chambre, une personne vue distinctement, décrite avec parfois luxe de détails. Ce qui tend à démontrer que l’imagination d’un enfant, comme le nôtre, peut faire appel, malgré le manque d’expérience de l’enfant, à des détails de construction que l’on ne soupçonnerait pas ! Et qu’ainsi, l’imaginaire peut toucher à des souvenirs de vie antérieure, à laquelle je crois de plus en plus. Le concept de « vieille âme » rentre pleinement dans ce processus, ces fameux enfants qui semblent sortir d’une autre époque quand ils parlent, et qui ont des prédispositions d’adultes avec un talent que l’on qualifie parfois d’inné. C’est en cela que le concept des terreurs nocturnes me fascinent, et d’ailleurs, en psychiatrie, il n’est pas rare de les constater encore chez les adultes ! En lien avec des angoisses vespérales, par exemple. Le rôle de d’adulte serait donc de rassurer l’enfant, mais hormis un câlin et des bisous, comment réconforter un enfant qui subit des terreurs que nous-mêmes, sommes incapables de décrire quand elles interviennent dans le sommeil ?… C’est la question que je me pose chaque fois que ma propre fille se réveille la nuit, ce qui, fort heureusement, n’arrive que très rarement. Et c’est aussi la question que je me pose à titre personnel sur l’influence de ces terreurs nocturnes sur notre fonctionnement la nuit. N’oublions pas que chaque peur est un traumatisme, et qu’un traumatisme laisse une cicatrice psychique que l’on appelle communément « la névrose ». Aussi, n’étais-je pas surpris de voir qu’un groupe en France offrait son identité en hommage à ce concept psychique ! Et qu’un album du nom de Solitude Post-Mortem encadrerait l’image macabre de Terreur Nocturne.
Le suspense est levé concernant la nationalité du projet, puisqu’il s’agit donc d’un groupe français ! Cocoricoooooooo ! Le projet est domicilié à Salon-de-Provence, selon Metal Archives, mais la particularité de ce dernier se situe surtout sur l’identité des protagonistes du projet, au moins pour deux d’entre eux, puisqu’ils ne me sont pas inconnus du tout, au contraire. Les deux guitaristes sont des personnes qui me sont étroitement liées, Règne étant mon partenaire musical dans un de mes projets, et Mathias est le maître à penser de Macchabées Artwork, qui aura fabriqué les artworks… De tous mes projets musicaux. C’est vous dire si je les connais ! Mais surtout, Règne officie également dans un projet dungeon synth éponyme qui aura eu une chronique par mes soins sur le webzine. Voilà pour les présentations ! Du reste, Terreur Nocturne a été fondé récemment, en 2019, et cumule à ce jour un premier EP sorti en 2021 appelé Royaume Onirique en autoproduction, et donc ce premier album nommé Solitude Post-Mortem qui sort quant à lui chez M.U.S.I.C Records. Une belle récompense pour ce projet qui m’attire pour les raisons que vous imaginez, mais pour lequel je serai bien évidemment totalement objectif, ils le savent de toute manière. On y va ?
Connaissant bien la patte de Mathias, je ne suis pas étonné, d’abord, de l’image en elle-même, qui correspond très bien à son style, et par la beauté du projet. La grande qualité de notre acolyte, outre l’imagination qu’il dégage, et la réelle patte qu’il y met dans ses ouvrages, c’est son jeu de couleurs. Dans le cas présent, on est sur des tonalités de couleurs froides, caractéristiques d’une volonté de représentation spectrale de l’univers musical de Terreur Nocturne qui, comme son nom l’indique, et comme l’est revendiqué dans le dossier presse du groupe (« Terreur Nocturne est un groupe français de Black Metal fondé en 2019 par le chanteur Onéiros. Tourmenté depuis de nombreuses années par de persistantes terreurs nocturnes, Onéiros a voulu donner forme à ses cauchemars en leur dédiant un royaume, le Royaume Onirique, dirigé d’une main de fer par un monarque terrible qui se repaît de la détresse de ses victimes endormies : le Roi Onirique. »), le projet parle de la peur. La peur qui est, ici, amenée par les fantômes qui sortent des pierres tombales (en bleu) et par ceux qui forment comme une armée (en vert) dirigée par la fameuse représentation spectrale noire qui serait le fameux Roi Onirique, que l’on retrouve par ailleurs sur la pochette du premier EP. Le décor général est un cimetière, sans suspense, et je loue l’idée de représenter la solitude post mortem, non pas du point de vue des vivants, mais, et c’est là le plus important, du point des morts. Je trouve l’idée conceptuelle extrêmement intéressante ! On parle toujours dans le metal de la solitude des vivants dans le deuil, mais on ne parle jamais (ou pas à ma connaissance) du deuil potentiel des morts, et je trouve cela absolument génial. Moi qui baigne dans le paranormal, la théorie des âmes errantes dans les maisons ou les lieux hantés rappellent beaucoup l’idée de l’acceptation de sa propre mort une fois celle-ci arrivée, parfois de manière brutale. Et je trouve qu’ici, l’idée de ce deuil est parfaitement bien représentée. En reprenant le personnage du Roi Onirique, on reste, par ailleurs, sur le concept général du groupe autour des terreurs nocturnes, et j’adore ça ! Franchement, outre la qualité de l’ouvrage, l’ensemble conceptuel de cet artwork est excellent, plein d’idées géniales et j’ai hâte de me frotter à l’écoute.
Musicalement parlant, Solitude Post-Mortem se situe sur une branche black metal indéniable, mais quelques errances sonores brouillent un peu les cartes, selon moi. Il y a un côté melting-pot qui ressort, dont j’ignore si il est volontaire ou non, mais en tout cas ce black metal là sort des sentiers battus pour explorer des essais sonores et riffiques qui ne sont pas inintéressants du tout, mais interrogent un peu la production, j’y reviendrai. Pour moi, il y a des apports à la fois dépressifs, avec ce côté « root », voire parfois un peu raw sur les bords, qui amènent donc une atmosphère extrêmement pesante et macabre, des passages en guitare clean et la thématique générale qui renvoie à une dimension triste particulièrement prenante. Mais ! Il y a aussi, selon moi, du mélodique dans les riffs, donnant potentiellement l’étiquette de black metal mélodique à l’ensemble, ce qui n’est pas déconnant avec l’identité musicale des deux guitaristes, Règne composant un death metal mélodique dans l’un de ses projets (celui que l’on partage). On note par ailleurs, pour accentuer le tout, le rôle lead des deux guitares par moment, ne se privant pas, pour l’une d’entre elles, de jouer un rôle rythmique les autres moments, allant sur de la dissonance sonore qui me parle énormément, moi qui adore le black metal quand il est dissonant au possible. Mais (troisième pioche) ! On sent aussi une empreinte un peu plus discrète de death metal, notamment dans le son général, la présence omniprésente de la basse dans le mixage pour amener une certaine lourdeur, et la batterie qui sonne étrangement, mais qui rajoute de la lourdeur aussi, le tout étant dans un énorme marasme sonore que je détaillerai plus bas. Ce n’est là encore pas si déconnant que cela de parler de death metal dans le projet puisque Mathias évoluait auparavant dans une formation death metal (Muertissima). D’ailleurs, pour corroborer le tout, le chant se situe sur une dimension plus growlé, avec très très peu de high scream à démontrer. En fin de compte, on sent que Terreur Nocturne est un projet multipolaire, avec chaque musicien qui amène sa propre empreinte, le tout étant probablement guidé par le chanteur et fondateur du projet Oneiros, mais on sent que la musique est complètement composée à plusieurs. Alors, quid de l’identité en première écoute ? A vrai dire, je pense que l’on va rester sur une étiquette black metal mélodique et dépressif. L’alliage est franchement intéressant, et je dois dire que l’auditeur lambda que je suis est comblé par l’apport mélodico dramatique de la musique black metal de Solitude Post-Mortem qui se veut un album franchement fou à écouter, extrêmement riche musicalement et avec un concept idoine. En première intention, le résultat est très positif musicalement parlant. Pour le son, c’est une autre paire de manches.
Parce que clairement, je trouve que la production pourrait être grandement à améliorer. Quand je lis les mots « black metal », je m’attends à trois types de production possibles : une production « moderne », que l’on entend par exemple beaucoup sur le roster de Les Acteurs de l’Ombre Productions ; une production « old school » que l’on entend chez les groupes des années 90, et que la plupart encore aujourd’hui perpétuent avec nostalgie ; et une production « raw » avec la part belle à la saleté sonore, avec des moyens dérisoires pour enregistrer. Les trois productions, je les adore autant l’une que l’autre avec une nette préférence (mais elle est personnelle) pour l’old school, mais dans le cas de Solitude Post-Mortem, je ne retrouve aucun réel ingrédient qui peut faire pencher la balance. A la rigueur, je pencherais, mais avec peu de conviction, pour la dernière, la production « raw », puisqu’on sent que le son n’est ni moderne, ni old school, et que les instruments occupent une place dans le mixage finalement assez peu travaillée, comme si les pistes étaient peu mixées, ce qui n’est probablement pas le cas d’ailleurs, mais c’est l’impression que cela renvoie. Mais là où le problème demeure dans ce cas précis, c’est sur la place qu’occupent la basse et la batterie. D’ordinaire, quand on entend black metal, quelque soit la production, on entend et attend un son nasillard, incisif, froid et tranchant comme un blizzard dans la toundra. Or ici, d’abord pas l’absence de partie mid tempo dominante au profit d’une sphère mélodique et dépressive, on n’a pas ce rendu riffique qui fait que l’on reconnait le black metal dans son essence, d’où mon errance pour donner une étiquette typique. Mais aussi, pour moi, le rendu sonore est beaucoup trop lourd en basses fréquences. La basse et la batterie, en particulier là où les grosses caisses, occupent une place beaucoup trop importante, noyant par moment certaines parties guitares, par moment le chant, par moment tout. On se retrouve avec un espèce de marasme sonore très bas, une lourdeur pas franchement caractéristique à l’exercice du black metal, et cela fausse considérablement le résultat final. Je mettais le doute sur cette impression en incriminant mon casque, mais le constat, malheureusement, prévaut également sur d’autres supports d’écoute que j’avais en ma possession. Hormis donc les guitares et le chant, le reste me semble bien trop mis en avant. C’est franchement dommage au regard de la qualité de composition qui est indiscutable, de ne pas parvenir à mettre en valeur le tout sur un plan strictement sonore… Etant donné la dimension mélodique de la musique, j’aurais vu une production plus moderne à la rigueur ou si elle prenait une tournure plus old school, comme pourrait le faire Satyricon sur Nemesis Divina par exemple. Là, c’est sans appel : la production studio est à revoir, le son ne convient pas. Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres chroniqueurs, il me semble avoir vu passer des chroniques fortement élogieuses, ce qui me réjouit bien évidemment pour le groupe, mais la production ne me permet pas à ce jour d’être aussi dithyrambique avec Terreur Nocturne. A voir s’il s’agit d’une intention sincère, ou une question de maladresse.
En revanche, malgré mes réserves sur le son, il n’en demeure pas moins que Solitude Post-Mortem me semble être un premier album particulièrement bien construit autour d’un concept. Cet aspect m’est très cher, j’adore découvrir les concepts des albums qui en proposent – car ce n’est pas toujours le cas – et qui nous offrent une belle vitrine sur l’intimité de ses musiciens. C’est le cas de Terreur Nocturne. Je rappelle que le projet est né pour parler des propres problèmes nocturnes du chanteur, qui en a fait donc une représentation artistique, à la fois visuelle et musicale, probablement comme un expiatoire. Je trouve cela extrêmement touchant, cette pudeur mise au grand jour, et je dois dire que loin de dénaturer cet état de fait, l’album nous plonge dans les ressentis de son créateur, même s’il me semble avoir compris que les compositeurs des morceaux sont Règne et Mathias. Mais on sent toute la belle osmose au sein de la formation salonaise, et on devine que la musique se met pleinement au service de cette difficulté personnelle du chanteur. Voilà pourquoi je suis parvenu, non sans mal il est vrai, à faire fi des errances sonores de l’album pour pénétrer pleinement dans cette alternance presque progressive des riffs mélodiques, qui nous noient dans un profond mal-être nocturne, plantant un décor macabre et dépressif, pour amener l’auditeur dans les vagues à l’âme les plus noirs. Question ressenti, cet album n’en manque en tout cas pas du tout ! On peut donc affirmer que le contrat est rempli, et que musicalement parlant, cela reste du très bon. Les mélodies, les ambiances, le côté dépressif, tout corrobore avec l’idée que je me faisais d’à quoi ressemblerait la transcription de ces terreurs nocturnes. Un album à découvrir !
Maintenant, on va causer un peu du chant, comme toujours. Petite et bonne surprise me concernant : la technique vocale oscille entre le growl et le chant clair, ce qui n’est pas courant du tout dans ce registre black metal. Rompu à l’exercice du high scream dans ce domaine, j’apprécie énormément quand un groupe de cet acabit mélange sa musique incisive avec un chant caverneux et macabre au possible. Je trouve néanmoins que le chant manque de retouche en studio, un peu trop brut de pomme à mon goût, mais cela rejoint finalement le constat qui est fait sur la production. En tout état de cause, le chant en technique de growl aigu ou medium fonctionne très bien dans ce cas précis. Je lui trouve un côté flippant et très hypnotique qui ne laisse pas indifférent. Les puristes apprécieront… Mais alors, j’ai adoré le chant clair et les chœurs ! Véritable nec plus ultra sur cet album, je pense que cette technique vocale serait plus prépondérante pour amener une coloration encore plus mortifère. Je me dis que quelque part ce manque de retouche amène une sphère macabre supplémentaire, je change un peu d’avis sur le sujet. Mention spéciale pour les deux invités au chant que sont Wÿntër Ärvn et Erroiak, je découvre par-dessus le marché que le premier nommé a un chant absolument incroyable, que je ne soupçonnais pas du tout et qui apporte un truc très effrayant ! Et concernant le deuxième, connaissant déjà ce qu’il est capable de faire dans ses autres projets, je ne suis pas surpris du tout, mais son apport est incontestablement opportun aussi.
Pour conclure, je vous présente ce soir Terreur Nocturne et son premier album nommé Solitude Post-Mortem. Premier album qui allie avec un talent certain un black metal mélodique et un autre au format dépressif, le tout sur un univers personnel, mais largement accessible, qui me ravit au plus haut point ! De talent, il est indéniable que cette formation du sud de la France n’en manque pas, j’en veux pour preuve les différents autres projets et ex-projets des musiciens qui ne donnent pas leur part au lion. Les mélodies guitares sont magnifiques et le reste qui accompagne ce black metal mélodico-dramatique ne manque pas d’atout. Cependant, l’album souffre de ce qui me semble être une erreur de débutant ou d’une maladresse largement excusable autour de la production. Je ne sais pas si l’effet était escompté, mais il y a un côté raw qui ne me sied pas des masses dans le cas de Terreur Nocturne. Il faudrait revoir la production, qui me semble un peu naïve dans l’intention, et qui peut par moment dénaturer la géniale inspiration musicale qui découle de cette formation quadricéphale. Après, la musique fonctionne tout de même si l’on reste focalisé sur les mélodies qui sont superbes. Mais j’attends de voir le prochain, histoire de faire un côté bien plus positivement mérité que celui-ci qui m’offre un peu trop de réserve. Il n’y a pas de raison que je sois déçu au prochain opus au vu du talent de composition des musiciens, j’y crois !
Tracklist :
1. Hommage Post Mortem 07:38
2. Précipices 05:37
3. Terreur nocturne 04:03
4. Fardeau de mes peines 04:23
5. Παρθένος θάνατος 05:03
6. Le bal des condamnés 07:10
7. Malédiction fantasmagorique 06:55
8. Tribulations 06:19
9. L’écho muet des mes plaintes 05:14
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