Une interview de Nelson Dorian Masson
Après quelques soucis de planning dus au grand retard de la première partie The Ocean, venant d’Allemagne et arrêtée à la frontière par des douaniers aux intentions douteuses, l’interview a lieu non à 14 h comme prévu, mais à… 18 h 45. Elle se déroulera sans Brice (le batteur) parti dormir vers 16 h 30 et pas encore revenu. Dans cet endroit improbable régnait une ambiance délétère. Ju (micro), quant à lui, a passé toute l’après midi à jouer au tennis sur sa PSP, qui se révèlera en fait être celle du bassiste Fabrice, qui a l’air de regretter de lui avoir prêtée, puisque Ju nous a abreuvés toute l’après-midi de réflexions du genre « Putain ! Chuis en quart de finale, là ! Chuis en train de latter Federer, enculé ! Waaaw !!! » et autres joyeusetés que la décence m’interdit de coucher ici. C’est donc dans ce contexte fou qu’envers et contre tout, je décide de commencer mon interview…
Alors, comment se passe votre tournée ? Pas trop éprouvante ?
Vidda (guitare) : Non. (long silence. rires.)
Ludo (guitare) : En fait ça va, parce qu’on n’a pas à affronter des mois de concerts non-stop comme certains groupes. On a un calendrier plutôt clairsemé…
Vidda : Ce n’est pas vraiment une tournée, on fonctionne par groupes de dates, du coup, on a le temps de se reposer.
Bon, deuxième question.
Vidda : ah, question pour Ju ! (rires.)
Ju (chant) (toujours les yeux rivés sur SON match) : Hein ?? Attends connard, tu viens de me faire perdre un point !!! (rires. vannes.) Mais j’écoute, j’écoute, je fais ‘pause’ dès que je peux !
Vidda : Vas-y Nelson, pose-lui ta question ! (rires.)
Je dirais qu’elle est pour tout le monde en fait… Voilà, vous aviez dit, avant de sortir « Succube », vouloir montrer à travers cet album votre part féminine. Quelle a été la démarche ? Plutôt musicale, ou plutôt textuelle ?
Fabrice (basse) (amusé) : En tout cas, c’était pas à travers la musique…
Vidda : Clairement pas ! Non, on envoie encore plus dans la gueule que sur Eros…
Ludo : En plus, la musique, ce n’est ni masculin ni féminin… Enfin, je ne vois pas en quoi une musique peut être définie comme plus féminine qu’une autre…
Vidda (réjoui) : Bref, j’avais raison, la question elle était pour Ju ! (rires.)
Ju (éberlué, limite affolé) : Hein ? Quoi ?? (il devient subitement très sérieux, en un dixième de seconde tout a changé, sa position, sa voix, son visage… il me fixe dans le blanc des yeux et énonce d’une voix posée : )
Oui, je me souviens, c’est moi qui avais dit ça dans un journal… C’est au niveau des textes, évidemment. Eros et Thanatos était déjà un album romantique, mais également assez sombre et désespéré. Sur Succube, j’ai essayé d’être encore plus sentimental, plus joyeux, de beaucoup parler d’amour, ce qui nous éloigne encore plus des carcans habituels du Metal. Les groupes qui jouent une musique du même genre que la nôtre ont souvent des textes pleins de violence, de guerre, de nihilisme. Rompre définitivement avec ces clichés permet de faire de nous un groupe vraiment original.
Manimal, c’est un peu Félix Grand qui a couché avec Morbid Angel (éclat de rire général)… ou Didier Barbelivien…
Permets-moi d’enfoncer le clou et de te demander des précisions sur le double concept de l’album : celui de la succube et celui du cinéma…
Ju : La succube qu’on entend, c’est la voix de ma soeur… Ce sont des interludes qu’elle a écrits pour faire des transitions entre deux chansons. Elle a lu le texte de la chanson d’avant et celui de la chanson d’après et elle a construit un pont entre les deux, quand il n’y avait pas assez de cohérence entre deux textes… Elle est là aussi pour apporter un fil conducteur à l’album, comme une histoire : elle emmène peu à peu l’homme qu’elle a capturé jusqu’aux enfers… comme dans la légende… (sourire) mais cela finit sur une note d’espoir, puisque le dernier morceau, Tous Les Matins Du Monde, est une ode à la pureté et à la beauté du sentiment amoureux…
En somme, l’amour était mort dans Psykup, et il ressucite dans Manimal, c’est ça ? (il sourit) Et pour le cinéma ?
Ludo : On a décidé, comme on est tous fans de cinéma, de nommer nos morceaux par des films qui avaient un rapport…
Vidda : Les compos étaient prêtes avant qu’on leur trouve des titres, par contre…
Ju : Oui, là aussi c’est au niveau des textes. Et tu peux regarder le film après avoir lu le texte, et y trouver de nouvelles significations, une nouvelle approche ; ou l’inverse : lire les paroles après avoir vu les films. On ne s’est pas mangé les films en boucle avant de faire le disque, par contre : c’est venu naturellement.
Et pour la pochette, c’est pas nous, c’est Jouch qui a géré ça !
Manimal et Agora Fidelio sont deux excellents groupes…
Ju (me coupant, ironise : ) : Manimal surtout, non ? Parce que Agora…
Fabrice (s’adressant à Milka, occupé mais debout derrière moi) : Ben, tu réagis pas ?
Milka (Psykup, Agora Fidelio) : Je sais pas… J’ai entendu Agora, c’est tout… Je bosse, moi. (rires)
Ju : Je disais que c’était nul, c’est tout ! (rires)
Milka (ténébreux) : Tu vas voir toi, tu perds rien pour attendre… (rires)
Ludo (vers moi) : Donc, c’est quoi ta question ? (rires)
Je disais donc (rires) : Manimal et Agora Fidelio sont deux excellents groupes…
Milka : Oh, merci !
(Ju s’incline devant moi en une petite révérence. Vidda me gratifie d’un grand sourire.)
… mais cette sorte de scission ne risque-t-elle pas de nuire à l’unité de Psykup, au cas où vous vous rendriez compte que vous êtes mieux « chacun dans votre coin » ? Ou au contraire, est-ce une pause qui va vous renforcer ?
Vidda : Pour le moment, notre priorité, c’est Psykup, clairement !
Ludo : C’est comme Leiden pour moi…
Ju : Ça ne fait que nous ressouder, en effet. J’ai senti que si je continuais Psykup, j’allais imploser… On ne pouvait pas continuer comme ça, chanter à deux c’est dur, c’est pour cela qu’on a fondé ces groupes. Milka en avait besoin aussi, de faire son truc… Ce sont des choses plus intimes, qui agissent comme des soupapes de sécurité. Et au final, on est content de se retrouver !! Ça nous fait du bien d’avoir des « maîtresses »… (sourire).
J’ai entendu des rumeurs parlant de problèmes aux niveaux de vos structures… Comment se portent Jerkov et Antistatic, et vos rapports avec eux ?
Ju : Alors déjà, Antistatic c’est une asso… un collectif bénévole… bref, c’est nous qui en faisons partie, ce ne sont pas eux qui s’occupent de nous. Pour ce qui est de Jerkov, il y a eu un changement récemment puisque c’était notre label, mais miantenant ils ne font plus que du booking. Ils s’occupent toujours de nous, mais seulement pour le booking ! Nous sommes donc actuellement en recherche de label… Pour notre prochain album !
Succube est sorti il n’y a pas si longtemps et vous pensez déjà au prochain ?
Vidda : C’est clair, j’ai déjà des compos de prêtes ! (rires)
Ju : On nous a fait le reproche que sur Succube, on s’était un peu Psykupisés, dans le sens où nos morceaux avaient des structures plus complexes. Nous, ce qu’on veut, avec Manimal, c’est des chansons « train-dans-la-gueule », où on envoie comme des malades du début à la fin !
Vidda : Oui, même si ça n’exclut pas quelques variations. Mais c’est vrai qu’on commençait à Psykupiser, et j’ai eu besoin de revenir à quelque chose de plus… de plus… (il balance son poing en l’air)
Plus simple ?
Vidda : Non, plus efficace ! Que l’auditeur soit vraiment dans le bain. Mais c’est au niveau des structures, attention, pas au niveau des plans ! Parce que le premier riff que j’ai composé (il mime d’un air concentré des doigts qui bougent à toute vitesse sur un manche), c’est déjà super dur à jouer ! (rires.)
Et pour tes textes, Ju ?
Ju : J’ai déjà quelques idées, mais rien encore de vraiment précis… J’aimerais rester sentimental, pour garder ce beau contraste avec la musique.
Vidda (le coupant) (hurle façon Death Metal) : C’eeeeest beauuuu l’amouuuur (rires.)
Ju : Voilà ! (rires.) Mais je crois déjà que je ne vais pas faire de concept mythologique, ça fait déjà deux fois qu’on le fait…
Fabrice : Au point où on en est, remarque… (rires)
Vidda : Jamais deux sans trois ! (rires)
Alors, quoi ? Le mythe de Sisyphe ?
Ludo : Les douze travaux d’Hercule !
Ju : Oui, ça ferait donc douze chansons, c’est un bon concept ! Bon alors, le premier morceau, ça devrait obligatoirement parler d’un gars qui va couper la tête de l’Hydre de Lerne (rires)…
Vidda (vers moi) : Attention, tu tiens une exclusivité là ! (rires)
Ju : Enfin, on verra ! (sourire)
Pouvez-vous m’expliquer votre nom ? Fait-il référence à cette fameuse série américaine des années 80…
(éclat de rire général)
Ju : Alors là, c’est Ludo qui va pouvoir le mieux te répondre !
Ludo : C’est parti sur un délire… Avec Vidda et Fabrice, ici présents (rires), on a passé toute une soirée… toute une nuit en fait (rires), à chercher un nom à donner à ce nouveau groupe… On s’est finalement mis d’accord sur Manimal, ce qui est un délire puisque c’est effectivement une vieille série américaine, mais comme cette série traitait d’un sujet sérieux, ça rejoint notre côté sérieux… C’était une manière de résumer en un mot l’esprit de notre groupe.
Vidda : On joue du Metal, mais on reste quand même dans un esprit assez festif. Et à côté de ça, on traite de sujets sérieux. Manimal, c’est donc le côté délire ET le côté sérieux.
Fabrice : Et là, tout est dit (rires).
Et maintenant, une question qui me tient à coeur : quelle question aimeriez-vous que je vous pose ?
Ludo (du tac au tac) : Quelle est la taille de ton sexe ? (rires)
Ju : Mais d’où vous vient tout ce génie ?? (rires)
(silence. ils réfléchissent)
Ju : Tu pourrais par exemple nous demander quel est le dernier groupe qui nous a plu, le dernier groupe qui nous a mis une baffe, sur album ou sur scène (approbation générale.)
Milka : Agora Fidelio !!! (rires)
Ju : Parce que si tu me posais cette question, je répondrais : Unearth. Ils sont très impressionnants.
Vidda (après un long silence) : C’est dur de pas retomber sur Gojira… (silence) Ah, si ! Romain Humeau, le chanteur d’Eiffel ! J’adore son album solo, le dernier ! Il est génial.
Sérieux ?
Vidda : Oui, oui, c’est très sérieux.
Fabrice : Moi, c’est le DVD Live de Dream Theater. Tant de puissance et de maîtrise, c’est un truc de malade… (approbation générale) C’est vraiment un pur groupe de Metal…
Ju : Olivia Ruiz, aussi. Son dernier album est excellent, je l’adore.
Ludo : Moi je dirais… Sigur Ros.
Ju et Vidda, en choeur : DIAM’S !
Sérieux ???
Ju : Oui, elle a une présence scénique…
Vidda : Elle a une pêche d’enfer, c’est dingue
Ju : Oui, c’est vachement bien ce qu’elle fait !
Fabrice (après un silence) : Ah au fait, c’est quoi déjà ce disque qu’on écoute à fond tous les matins dans le camion ?
Vidda, Ludo, Ju, Fabrice, en choeur : PARTICK SÉBASTIEN ! Ah oui c’est vrai… C’est trop énorme… (éclat de rire général)
Bon, eh bien, je n’ai plus de questions… Merci beaucoup les gars, c’était super !
Vidda : C’est toi qui étais super !
Ju : En tout cas, merci Nelson pour l’interview !!!
C’est vous qu’il faut remercier ! Si je n’avais pas chroniqué votre album, je ne serais pas dans Soil Chronicles, et donc pas là ce soir…
Vidda : Ah oui, c’est vrai… Enorme… (échange de sourires)
Ju : Bon ben moi je vais me coucher…
Et c’est là que Brice arrive, paraissant encore très ensommeillé, et n’ayant d’autre préoccupation que le reste de nos pizzas qui orne la table… Je lui ai fait part des questions et il n’a fait que confirmer ce que les autres ont dit. Je crois qu’on peut lui dire merci quand même, et sans rancune ! smile
Merci à Antonio URAS pour avoir accepté l’interview, et avoir été aussi cool…
Un grand merci aux très précieuses Ludi et Annelise (de Jerkov) qui sont un staff de rêve…
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